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Honneur au crapaud sonneur
Photo: Ludovic Longchamp, Bureau Maillefer & Hunziker.

Honneur au crapaud sonneur

12 janvier 2021

Au Domaine de la Maison Rose à Arnex-sur-Orbe, Nicolas Bovet est l’un des premiers dans le Nord vaudois à s’engager pour la protection du crapaud sonneur à ventre jaune, une espèce en voie de disparition en Suisse. Simple et efficace, ce projet pourrait faire des émules.

 

Au premier coup d’œil, le crapaud sonneur n’est pas très attirant, avec son dos gris-brun couvert de petites verrucosités. Mais, lorsqu’on s’approche et qu’on l’observe d’un peu plus près, ce batracien de quelques centimètres possède des atouts de charme: avec son ventre taché de jaune et de noir et sa pupille en forme de cœur, il a tout du prince charmant, ou presque! Malgré sa beauté singulière, le sonneur est en voie de disparition dans notre pays comme ailleurs en Europe, la faute aux activités humaines entraînant la disparition de ses sites de reproduction.

C’est donc avec enthousiasme que Nicolas Bovet accepte la proposition d’Emilie Staub de l’Alliance Vaudoise pour la Nature (AVPN) en faveur de la protection du crapaud sonneur: «Je me suis approché de l’AVPN, on a fait le tour du domaine pour voir ce qu’on pouvait faire. Emilie Staub m’a proposé un projet simple à mettre en place». «En effet, il s’agissait avant tout de ne pas impacter l’exploitation agricole», souligne la cheffe de projet à l’AVPN qui a également bénéficié de l’expertise du bureau Maillefer & Hunziker à Yverdon, spécialisé dans les aménagements pour la faune. Et d’ajouter: «Nous avons creusé deux mares artificielles en bordure de parcelle. L’endroit est idéal, à côté d’un cours d’eau et d’un tas de bois, à deux kilomètres des étangs d’Arnex où se trouve potentiellement cette espèce. Si les mares sont colonisées, nous en creuserons d’autres.»

Les dépressions de petite taille qui se rempliront d’eau de pluie passent inaperçues aux yeux des quelques promeneurs qui profitent du soleil ce jour-là. «Ce type de structure ne fait pas très propre en ordre mais elle est essentielle au crapaud sonneur. De plus, pas besoin d’autorisation particulière pour les mettre en place», précise la biologiste.

En effet, le batracien, qui peut vivre jusqu’à une quinzaine d’années, se reproduit dans des mares pauvres en végétation et peu attractives pour la plupart des organismes végétaux et animaux, dont les prédateurs. Les femelles pondent dans des plans d’eau susceptibles de s’assécher, il faut donc qu’ils forment un réseau. Il peut s’agir d’ornières, de fossés ou de flaques de quelques mètres carrés. Ces sites s’asséchant en automne ou en hiver, le maintien d’une population dépend de la présence de nombreux petits plans d’eau temporaires. L’intensité des activités humaines ayant réduit les zones humides, les zones alluviales et les cours d’eau naturels, le crapaud sonneur se retrouve sur la liste rouge des amphibiens menacés en Suisse. Il est ainsi protégé sur le plan national comme international. Chez nous, sa distribution a régressé de 50% ces dix dernières années.

Ce projet, financé par Pro Natura Vaud, fait partie d’une longue série d’initiatives en faveur de la faune menée par l’exploitant. Le Domaine de la Maison Rose, en reconversion biologique depuis le 1er janvier 2019, s’y prête parfaitement. Il a notamment installé des nichoirs pour les chouettes effraies, les faucons crécerelles, ainsi que les chauves-souris. Il projette également d’inonder une parcelle qui n’est plus cultivable dans la plaine de l’Orbe afin d’y offrir une halte aux nombreux oiseaux migrateurs. La faune sauvage bénéficie donc d’un accueil de choix chez la famille Bovet. Le ouh-ouh doux et sourd des sonneurs mâles devrait se faire entendre sans tarder.

 

Nicolas Bovet, pionnier vaudois de l’agroforesterie

 

Construite en 1902 par l’arrière-arrière-grand-père de Nicolas Bovet, la ferme située sur la Commune d’Arnex offre un panorama splendide sur la plaine de l’Orbe et les Alpes. Alors que ses parents n’auraient pas parié sur lui pour reprendre l’exploitation, lui savait qu’il deviendrait paysan. Il n’hésite pas non plus à entreprendre des actions pionnières. C’est ainsi qu’en 2011, il est l’un des premiers dans le canton à se lancer dans l’aventure de l’agroforesterie. Une démarche qui le conduira finalement à la reconversion biologique de tout le domaine; le précieux bourgeon bio sera obtenu en 2021.

Noyer commun, noir ou hybride, merisier, poirier sauvage, cormier, alisier torminal, tilleul et érable: autant d’essences de bois d’œuvre qui composent les 250 arbres plantés par Nicolas Bovet (en photo) sur une parcelle de sept hectares. Le paysage rural se trouve marqué par ces rangées d’arbres qui lui offrent une nouvelle dimension. Des plantations assez espacées pour permettre de cultiver des céréales autour puisqu’il s’agit là de l’objectif principal de la démarche: créer un équilibre entre l’arbre et la culture afin d’améliorer les rendements. «On amène plus de biodiversité dans les cultures, le carbone est séquestré dans le sol, la terre est protégée de l’érosion et de la sécheresse grâce à la création d’un microclimat», explique l’agriculteur. S’il faut attendre encore quarante ans avant que le bois soit exploitable, la parcelle est valorisée grâce à cette méthode agro-écologique.

Ainsi, les arbres longtemps arrachés pour laisser place à des surfaces cultivables, sont ici mis à l’honneur: ils s’allient à l’agriculture. Ils entament lentement mais sûrement leur retour dans les champs et emmènent avec eux toute une biodiversité en perdition.

Natasha Hathaway