Atteint dans sa santé, Hugues Gander s’est longuement confié à La Région sur son engagement dans la vie politique et associative et sur sa personnalité, altruiste et consensuelle. La parole à une figure emblématique du Nord-vaudois.
Hugues Gander fêtera ses 70 ans l’année prochaine et ce ne sera plus en tant que député. Le Socialiste, atteint d’un cancer, a en effet annoncé sa démission cet automne et La Région avait à coeur de donner aujourd’hui la parole à une personnalité emblématique du Nord vaudois.
Arrivé à Sainte-Croix en 1972 depuis Vaugondry, il a franchi toutes les étapes de la vie politique. D’abord conseiller communal, puis secrétaire du Conseil, président de ce même Conseil, il a ensuite intégré la Municipalité, puis a été élu au Grand Conseil vaudois. Le tout sans jamais perdre une seule élection! Que ce soit sur le plan communal ou sur celui, autrement plus piègeux, du canton, ce passionné de sport a en effet remporté le 100% des scrutins auxquels il s’est présenté, se donnant même le luxe de devancer Pascal Broulis dans les élections au Parlement! De quoi le faire sourire et, en aucun cas, perdre sa légendaire humilité.
La parole est donc à Hugues Gander, au travers de divers thèmes survenus au long des quarante minutes de discussion passées en sa compagnie, à Sainte-Croix.
«Comme tous avant moi, je serai vite remplacé»
Son rôle au Grand Conseil
«J’ai eu énormément de plaisir à présider la commission de gestion, un rôle qui est très discret médiatiquement. On ne fait jamais la «une» des journaux, à part quand il y un scandale qui est soulevé… Je n’ai jamais déposé beaucoup d’interpellations pour exister aux yeux de la population. Sincèrement, une partie des interventions parfois faites au Grand Conseil ne servent à rien. Souvent, on connaît déjà les réponses… Peut-être est-ce parce que j’ai été municipal, je sais la masse de travail que cela représente de devoir répondre à chaque fois, donc je ne voulais pas surcharger les débats ou le travail d’administration.
Pour en revenir à la commission de gestion, je ne cache pas que je suis frustré de devoir partir. Il y a beaucoup de dossiers en cours, dont celui de la Fondation de Beaulieu, ou aussi celui concernant la façon dont l’État gère la crise du Covid. Ce sera aussi à la commission de gestion de rédiger un rapport. Il y a encore du boulot et je suis triste de devoir l’abandonner en route, mais je souhaite évidemment tout le meilleur à la commission et à la nouvelle présidence.
Je vais bien sûr continuer à suivre les débats du Grand Conseil depuis mon fauteuil. Mais je ne m’attends pas à être consulté, pour être très clair. Peut-être qu’ici dans la région, à Sainte-Croix, on me demandera de temps en temps mon avis sur telle ou telle problématique et je serai toujours heureux de donner mon avis. Mais comme tous les êtres humains avant moi, je serai vite oublié et vite remplacé.
Bien sûr que cela a été une fierté quand tous les députés se sont levés pour m’applaudir le jour de ma dernière séance. J’ai presque dû les écourter tellement j’étais ému… Ce qui était particulièrement fort, c’était le fait qu’ils venaient de tous les bords politiques. Je les ai pris un peu comme une reconnaissance pour ma personnalité altruiste et consensuelle. Je n’ai jamais cherché la confrontation en politique, j’ai toujours pensé qu’il fallait trouver des issues et c’est ce qui manque à la politique yverdonnoise, mais aussi au Grand Conseil. On est parfois obtus… Il faut avoir l’esprit ouvert et être conscient que les partis adverses peuvent aussi avoir de bonnes idées! J’ai toujours eu à cœur de rendre mes rapports à l’heure, ce qui a été relevé par la présidente le jour de mon départ. Mais c’est normal, il faut être sérieux! Ce n’est pas un passe-temps d’être député! Bon, je dois dire qu’étant à la retraite, je n’avais pas beaucoup d’excuses… et sans doute moins que d’autres!»
«Le socialisme pour moi, c’est l’équité et la solidarité»
Pourquoi il a choisi le Parti socialiste au moment de s’engager en politique
«J’ai toujours été intransigeant sur deux valeurs: la solidarité et l’équité, et je vais donc développer ces deux valeurs en parallèle.
Pour moi, être solidaire signifie concrètement venir en aide au plus pauvre de notre société. J’ai toujours eu cette image en moi. Alors en effet, ce n’est pas toujours possible, on ne peut pas donner 4000 francs à tout le monde. J’ai toujours évalué ce qui était faisable, par rapport à ce qu’il fallait faire et ces deux notions ne sont pas toujours compatibles, que ce soit sur le plan politique ou économique.
Je prends l’exemple du Covid, qui nous touche aujourd’hui. Il y a ce que l’économie peut apporter concrètement et il y a ce qu’il faut faire pour préserver le peuple. Il faut bien financer les choses, les grands principes ne suffisent pas. Sur ce point, je suis sur la même longueur d’onde que Pascal Broulis. Et ça, ça vient de mon engagement communal, je sais que rien n’est facile et qu’il faut faire la part des choses. Vous savez, à Sainte-Croix, on a dû toujours serrer les boulons, on ne nage pas dans l’argent… Donc, la première valeur, pour moi, c’est la solidarité, qui n’est pas une donnée aveugle.
Ensuite, l’équité de traitement. Je vais revenir à la base de mon engagement communal, dans les années 70 à Sainte-Croix. J’étais instituteur, je tirais un peu la langue financièrement, mais ce n’était pas le principal. Or, à l’époque, on voyait dans les rues de Sainte-Croix des commerçants qui roulaient dans de grosses voitures. Ils gagnaient bien leur vie, mais ne payaient pas d’impôts… Ils déduisaient tout, en tant qu’indépendants. Ça, pour moi, ce n’est pas de l’équité de traitement.. C’est ce qui m’a fait pencher définitivement pour le socialisme.»
«Il faut dépasser les frontières communales»
La question du régionalisme
«J’ai passé quatre législatures en tant que municipal de Sainte-Croix, soit 17 ans et demi, donc je peux vous en parler un peu! Ce qui m’a beaucoup plu, c’est que contrairement à Yverdon, on n’a jamais été divisé gauche-droite. J’ai eu un syndic libéral, un syndic radical, un autre socialiste et on s’est toujours bien entendus. Vous savez, quand vous avez des budgets déficitaires, vous ne faites pas les malins et vous vous concentrez sur l’essentiel, les querelles politiques passent au second plan… Pour l’aspect financier, je le dis clairement, la péréquation nous a sauvés et c’est pour cela, entre autres, que je ne défendrais jamais une vision trop locale et je me suis toujours investi pour la région au sens large.
J’ai fait mon collège à Yverdon, pour l’anecdote avec Rémy Jaquier dans la même classe, et j’ai une vraie fibre yverdonnoise. D’ailleurs, mes deux filles y habitent. J’ai toujours eu une sensibilité régionale, et je suis convaincu qu’il faut dépasser les frontières communales. Par exemple, je me prononce en faveur d’un pour-cent culturel, on pourrait très bien imaginer un franc par habitant pour la culture nord-vaudoise, en prenant en compte que l’essentiel se fait à Yverdon. On profite des installations d’Yverdon et de son rayonnement, même si d’autres communes, comme Sainte-Croix, abritent des institutions culturelles et en sont à juste titre très fières. On doit avoir une région forte et Yverdon en est le centre. Quinze ou dix-sept députés de la région, on s’est réunis, tous partis confondus.
A ce titre, je trouve très bien que l’ensemble des députés de la région se retrouvent et défendent ce que notre région a de bien. Je pense aux Mosaïques d’Orbe, aux EHNV, à Y-Parc aussi…. Quand un député de la région propose quelque chose pour la région, on le suit, qu’il soit UDC ou ce que vous voulez, et qu’il soit de Vallorbe, d’Yverdon ou de Sainte-Croix.»
Il a dû choisir entre sa famille et le football
Son implication dans la vie associative
«Elle a commencé avec les championnats du monde juniors de ski nordique en 1977 à Sainte-Croix. En amont, on a travaillé pendant toutes les relâches pour peller la neige. Et pendant la compétition, je doublais le chronomètre électronique! Quand je suis monté à Sainte-Croix, j’ai joué, mais aussi entraîné les gamins, les juniors D, C, jusqu’en B inter. J’étais tous les jours au terrain. Lorsque Claire est née, ma femme m’a dit: c’est la famille ou le foot. J’avais des problèmes de dos, j’ai arrêté. Je me suis mis à courir, j’ai pratiqué le VTT et le ski de fond, que je n’ai jamais arrêté d’ailleurs. J’ai toujours donné des coups de main quand il y avait le cross de Sainte-Croix, la Coupe du Chasseron, ou le triathlon à Yverdon. Je préside le Groupement des skieurs de fond des Rasses depuis seize ans et je vais continuer.»
«La chose à ne pas faire, c’est de se lamenter»
Son cancer
«C’est dur, bien sûr, mais je suis un battant. La chose à ne pas faire, c’est de se lamenter et de rester sur son fauteuil toute la journée. Donc je me bouge, même si ça fait mal physiquement. J’ai bricolé une heure ce matin et je vois bien que c’est difficile. Sitôt que je fais un petit effort, comme monter les escaliers un peu vite, je le paie par la suite. Mais je vais tout faire pour le combattre cet ennemi et vous pouvez compter sur moi pour ne rien lâcher.»