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«Il faut réguler avant que le loup ne s’attaque à l’homme»

18 août 2022

Guillaume Poncet et sa famille déplorent une attaque de loup sur un veau dans leur alpage aux Bioux. Ils dénoncent le manque d’action des autorités.

Si la famille Poncet régale chaque été la région avec sa célèbre tomme de la Duchatte, qui ravit de nombreuses papilles gourmandes, d’autres gourmets impromptus et aux dents plus acérées sont venus se servir directement à l’alpage. Et malheureusement, les voleurs affamés ne se sont pas contentés de fromage… Depuis le week-end dernier, la famille Poncet a les larmes aux yeux et la boule au ventre. Sur les hauts de la vallée de Joux, du côté des Bioux, l’alpage la Duchatte (appartenant à la Commune de L’Abbaye) où est produite la fameuse tomme éponyme, se trouve en proie aux passages du loup, probablement plus uniquement cantonné à la seule meute du Marchairuz. Et si plusieurs troupeaux de bétail ont été attaqués cet été dans la région, cette fois-ci, ce sont les bêtes de la famille Poncet qui ont été la cible du prédateur.

Dans la nuit de samedi à dimanche, un veau s’est retrouvé sous les crocs des loups. «Ils ne l’ont même pas tué, il s’est traîné sur des mètres et a dû mourir de douleur et de peur», explique Nathalie Poncet tout en retournant les fromages. «On peut blâmer les abattoirs, mais cette souffrance infligée là n’a rien à voir.» Et Guillaume Poncet, son mari, en repensant à la scène de son veau à l’arrière-train écorché découvert le dimanche matin dans le pâturage, a la voix qui tremble. «Je hurle au secours, ça ne peut plus durer. Un troupeau voisin s’est fait attaquer il y a moins d’une semaine et nous avons déjà revu le loup chez nous depuis l’attaque. Il s’est habitué, il n’a plus peur et cela va être de pire en pire.»

Remonté, comme une partie de la communauté d’agriculteurs de la vallée de Joux et des environs, Guillaume Poncet sonne l’alarme. Et ne compte pas prendre des gants pour tirer sur la sonnette. «C’est un scandale qu’on en arrive là. La guerre est déclarée. Cela fait des années que je préviens les services concernés, mais on ne nous a pas entendus. Maintenant, le loup est partout et nous avons 50 veaux ici donc je m’attendais à ce que cela arrive. Alors on a prévu de très bons tireurs près de l’alpage et nous cherchons un avocat pour les agriculteurs de la région, afin de pouvoir nous défendre nous-mêmes. On prévoit également des manifestations. C’est grave d’en arriver là.» Car malgré le soutien d’organismes bénévoles comme l’Organisation pour la protection des alpages (Oppal) ou les conseils de Jean-Marc Landry, biologiste spécialiste du loup, cela ne suffit pas pour l’agriculteur de Ballaigues. «On nous a donné un klaxon et une lampe de poche pour les faire fuir et les éduquer. On a vraiment touché le fond! Les loups font des portées de six petits chaque année, qui survivent presque tous avec les hivers plus doux et ils n’ont pas de prédateur. On est dépassés. Il faut absolument réguler rapidement avant que le loup ne descende pour attaquer l’homme.»

Au-delà de la perte financière (compensée en partie, au prix de la viande par l’Etat, sans compter les soins journaliers, la nourriture depuis la naissance, les médicaments, etc.), Nathalie Poncet souligne surtout la perte d’énergie, sentimentale et même génétique pour une bête de rente. «L’argent ne résout pas tout. Il faut faire bouger les choses, car si on ne réagit pas, c’est comme s’il n’y avait pas eu d’attaque.»

Entre la sécheresse, les attaques et l’incompréhension de certains citoyens face à la problématique, la famille Poncet affiche un ras-le-bol général et craint de découvrir chaque matin un nouveau drame. «Ils sont beaucoup plus que ce que l’on veut nous faire croire. Et le loup est déjà revenu à 20 mètres du chalet où nous vivons. Il reviendra.»

 

Un été aux multiples maux

 

De Ballaigues jusqu’aux Bioux, la famille Poncet est montée à l’alpage pour un été pour le moins compliqué… Car avant l’attaque du loup, la préoccupation principale concernait la sécheresse environnante et, par conséquent, le manque d’eau et de fourrage pour les bêtes. A ce rythme, les fabricants de la tomme de la Duchatte ne savent pas s’ils devront redescendre plus vite que prévu de l’alpage. «C’est aussi un problème, car si nous descendons, il y a davantage de risques d’incendie puisqu’on met trop de temps à se rendre compte du début du foyer», explique Nathalie Poncet. «Et si nous ne montons plus à l’alpage, les herbes seront hautes et le brasier sera énorme.»

Mais l’attaque du loup, hormis la perte du veau, entraîne d’autres dommages, puisqu’elle a notamment une influence sur la qualité du lait. «Les vaches sont affolées et elles courent toute la nuit maintenant. Cela fait du mauvais lait», poursuit Nathalie Poncet. «A terme, elles risquent de devenir agressives avec l’homme, on pourra alors oublier le tourisme.»

Léa Perrin