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«Il faut répondre à l’urgence»
(KEYSTONE/Jean-Christophe Bott)

«Il faut répondre à l’urgence»

6 avril 2022

Neuvième du premier tour, l’Yverdonnois Vassilis Venizelos (Les Verts) rappelle pourquoi il est important, à ses yeux, que l’écologie soit représentée au Gouvernement. Et pourquoi il estime que l’Alliance de droite ne fait qu’effleurer le sujet, sans effets concrets.

 

Quel est votre état d’esprit, à quelques jours d’une élection qui va décider de votre avenir?

Qui va surtout décider de l’avenir des Vaudoises et des Vaudois pour ces cinq prochaines années! Je suis déterminé et sur le terrain pour mobiliser la population et pour rappeler les enjeux qui nous attendent.

Lesquels, en priorité?

L’urgence climatique, indéniablement. Les Verts ont démontré ces dernières années leur capacité à se poser en avocats de la durabilité sur plusieurs dossiers, mais aussi à se montrer capables de trouver des compromis avec l’ensemble des composants de la société. J’estime qu’on ne peut pas envisager en 2022, à l’aube d’un des plus grands défis de l’humanité, d’élire un Gouvernement sans représentant de la sensibilité écologique.

Mais, même avec l’urgence climatique qui est une réalité, vous êtes neuvième du premier tour…

Ce que je constate, c’est que l’écologie politique progresse au Grand Conseil. Les Verts gagnent des sièges, les Vert’libéraux aussi, la gauche radicale également. On a observé le même phénomène à Fribourg et à Berne récemment. Mais vous avez raison, le constat est que l’alliance de droite a performé au premier tour et que je suis derrière mes colistières. Ce point n’est cependant pas étonnant: elles sont sortantes et bénéficient d’une notoriété supérieure à la mienne. Je n’oublie pas qu’il s’agit d’une des premières fois que je mène campagne au niveau cantonal, pas juste au niveau du district. Là où je suis connu, je fais des excellents scores: à Yverdon, dans le Nord vaudois, à Lausanne.

Justement, pour vous faire connaître, ne faudrait-il pas forcer votre nature et vous mettre à faire des déclarations fracassantes? Cela collerait assez bien à l’urgence climatique…

J’ai des convictions et des valeurs très fortes, personne ne peut me l’enlever. Certains adversaires politiques qualifient même mes valeurs et convictions comme étant «extrêmes», ce qui est finalement une question de point de vue… J’ai présidé le groupe parlementaire des Verts pendant dix ans, j’ai appris à trouver des compromis, à travailler avec les autres. La politique en Suisse, c’est l’art des possibles, c’est convaincre, construire des ponts. C’est une façon de travailler, et c’est mon style depuis que je suis entré en politique à l’âge de 19 ans. Et ce parcours est jalonné de succès fracassants, pour reprendre votre expression. J’ai tout de même réussi à convaincre un parlement de droite qu’il était nécessaire d’investir 300 millions de francs dans la transition énergétique, contre l’avis du bloc PLR-UDC. Il s’agit de la première fois depuis que je suis au Grand Conseil qu’une majorité soutient une proposition parlementaire pour un montant aussi important. Mes trois colistières et moi nous engageons à nous appuyer sur ces 300 millions pour renforcer la transition énergétique, ce qui veut dire accélérer la rénovation énergétique des bâtiments, offrir des soutiens plus importants pour les communes et pour les particuliers qui souhaitent rénover leurs bâtiments, en facilitant les démarches administratives. Mais aussi apporter des subventions aux propriétaires qui se chauffent aujourd’hui au gaz ou au pétrole et qui désirent changer. Si on veut couper notre dépendance aux énergies fossiles, il faut investir dans le renouvelable. Le potentiel du solaire est énorme. On peut couvrir l’ensemble des toits du canton qui sont adaptés, on a la technologie pour le faire. Il faut une volonté politique qui est là, à gauche.

Personne ne conteste votre bilan ou votre engagement. Mais ne faudrait-il pas être plus bruyant et «casser quelques portes»? Une grande partie des électrices et électeurs ne suit pas le Grand Conseil et n’a sans doute pas assez fait votre connaissance durant cette campagne…

Je fais de la politique pour faire avancer des dossiers, pour construire des projets qui soient soutenus par les fronts les plus larges possibles. J’ai démontré ces dernières années ma capacité à faire fonctionner cette méthode. Maintenant, est-ce que c’est la bonne méthode pour être élu à une majoritaire, on verra dimanche… Je n’allais pas changer de recette ou de personnalité pour une élection. C’est ma façon de faire de la politique, elle peut être efficace, je l’ai démontré. Et surtout, elle est sincère. C’est moi, tout simplement.

L’écologie n’est-elle pas aussi défendue par l’Alliance de droite, finalement?

On peut dire aussi que le social n’appartient pas qu’au PS, que l’esprit libéral n’appartient pas qu’au PLR et que le conservatisme n’appartient pas qu’à l’UDC… Je ne crois que ce que je vois.

Et que voyez-vous?

Que, comme tous les cinq ans, le bloc PLR-UDC déboule subitement dans la campagne avec un programme vert. Mais très concrètement, il n’y a aucune proposition qui permette d’être rassuré sur leur capacité à présenter des projets qui vont permettre à ce canton de répondre à l’urgence climatique. Il n’y a absolument rien de concret chez eux, contrairement à ce que nous proposons avec des objectifs chiffrés et temporels, et surtout des moyens financiers importants. La droite compte uniquement sur l’initiative privée.

Qui est importante dans le combat climatique, non?

Je ne nie pas l’importance de la responsabilité individuelle, mais il s’agit avant tout d’une responsabilité collective, celle de l’Etat d’offrir un cadre et des moyens pour répondre à cette urgence climatique. J’attends les mesures de la droite à ce sujet, mais j’imagine bien qu’il est compliqué pour eux d’en présenter au vu du grand écart qu’ils ont dû faire pour s’entendre entre les centristes et l’UDC, qui était encore climatosceptique il y a quelques années… Je constate que le candidat UDC est opposé à l’Accord de Paris, par exemple. En parler dans le programme, c’est bien. Mais les actes sont inexistants.

Des militants écologistes, y compris lorsqu’ils sont engagés en politique, n’hésitent pas à franchir la ligne de l’illégalité. Y êtes-vous favorable?

J’ai choisi la voie institutionnelle dès l’âge de 19 ans et je ne l’ai jamais quittée. J’estime que c’est à travers l’action politique que l’on arrivera à répondre à ces différents enjeux. D’autres choisissent de franchir la ligne. Il faut comprendre ce qui les amène à le faire. Cette urgence climatique a un caractère effrayant. Notre jeunesse est la première génération qui va devoir apprendre à vivre les premiers effets de ces dérèglements climatiques. Il faut comprendre que cet effroi génère une émotion forte, qui se traduit par des actions fortes, qui peuvent être de désobéissance civile. Tous les modes d’action qui nous permettent d’avancer sur le thème de l’urgence climatique doivent être reconnus comme complémentaires. Mais, je le redis, je suis convaincu que c’est à travers l’action politique que l’on fait bouger les choses en Suisse.

Béatrice Métraux (Les Verts) a été critiquée de toutes parts pour le Mormont. D’un côté, le camp bourgeois lui reprochait son laxisme envers les zadistes. De l’autre, il lui a été reproché l’évacuation policière… La probabilité existe que ces mouvements se répètent dans les années à venir. Comment réagiriez-vous, en tant que conseiller d’Etat?

La réponse à apporter est compliquée. Béatrice Métraux a été critiquée de toutes parts, vous avez raison, et je suis convaincu que si un PLR ou un UDC avait été à la tête de son département, les méthodes auraient probablement été plus musclées. Si j’étais confronté à cette situation, j’irais dialoguer avec les militants, je tenterais de répondre à leurs préoccupations, de leur amener une réponse politique. Après, il faut rappeler que Béatrice Métraux a dû exécuter une décision de justice, ce que je devrai faire bien sûr si je suis élu. Il y a sans doute une marge de manœuvre, des petites nuances à apporter, mais cette problématique n’est pas simple.

Tim Guillemin