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Il lâche son club mais pas l’accordéon
«J’aime l’accordéon sec, naturel, sans électronique», glisse Claude-Alain Antonelli, en vrai passionné. © Michel Duperrex

Il lâche son club mais pas l’accordéon

15 mai 2018 | Edition N°2246

Président-fondateur du Club des 100, qui a organisé plus de 150 concerts d’accordéon depuis 1992, Claude-Alain Antonelli raconte la fin d’une aventure.

Il n’a pas de regret, Claude-Alain Antonelli, juste de jolis souvenirs. Vingt-six ans après avoir fondé le Club des 100, qui avait pour mission de faire connaître l’accordéon sous toutes ses facettes, l’Yverdonnois a décidé de tirer la prise. Personne ne voulait prendre la relève. «L’aventure du Club des 100, c’est la naissance d’un enthousiasme, des relations amicales avec des pointures mondiales de l’accordéon, une succession de concerts et c’est finalement une mort heureuse. Le club a vécu une belle vie et, à un moment donné, il s’arrête», analyse-t-il, sans aucune amertume.

Joueur d’accordéon depuis toujours, Claude-Alain Antonelli a empoigné l’instrument à une époque où celui-ci était plutôt cantonné aux bals et aux fêtes populaires, estampillé d’une image folkorique. Un groupe de passionnés a alors décidé, en 1992, d’apporter un vent de fraîcheur en formant le fameux Club des 100, dont l’Yverdonnois aura été le premier et le dernier président. Pourquoi ce nom? «100 francs, c’était le montant de la cotisation à l’époque, et ça l’est resté jusqu’à la fin», glisse-t-il.

L’aventure a commencé fort avec la venue en Suisse de Zhang Guoping, «le premier accordéoniste chinois autorisé à sortir de son pays pour jouer à l’étranger». Le musicien avait débarqué avec une cassette de ses morceaux enregistrée dans un sous-sol bruyant en Chine et était reparti avec cinquante albums flambants neufs dans sa valise, après qu’un studio de Grandson avait nettoyé la bande son. De retour chez lui, il avait scotché ses compatriotes en leur présentant un album enregistré en Europe et avait été engagé illico par Radio Pékin. «Par la suite, il a vendu des millions de CD», s’enthousiasme Claude-Alain Antonelli. Des souvenirs comme ça, il en a plein les tiroirs.

Galas d’anthologie

Le Club des 100, ce sont également des galas organisés à Morges, qui ont réuni jusqu’à 800 personnes au Théâtre de Beausobre, entre 1994 et 1996. «Les sociétés d’accordéonistes se déplaçaient depuis toute la Suisse romande.» A la même période, l’association avait produit un CD avec de jeunes musiciens qui étaient partis en tournée en France et en Angleterre, à l’enseigne des «Ambassadeurs de l’accordéon suisse».

Impossible de tout résumer mais Claude-Alain Antonelli garde tout cela précieusement en mémoire. Les plus de 150 concerts organisés dans toute la Suisse romande, les stars étrangères invitées à se produire ici et le public, toujours enthousiaste. Mais il sait que tout cela appartient à une époque désormais révolue. «Toutes les personnes qui étaient là en 1992 n’ont plus le même âge. La moyenne est passée de 50 à 75 ans. Les gens se déplacent moins», explique-t-il. Surtout, l’accordéon est sorti de son cadre historique pour s’ouvrir au monde. Il y a 26 ans, il n’y avait aucune classe au Conservatoire de Lausanne: «Le directeur ne voulait pas en entendre parler.» Aujourd’hui, l’instrument a ses classes professionnelles à la Haute Ecole de musique. «On a changé de registre: on n’est plus dans l’accordéon traditionnel, folklorique, de fête de famille. C’est devenu un instrument complet que l’on retrouve dans les groupes de rock, de rap, etc., explique le président-fondateur du Club des 100. On ne s’adresse plus aux gens qui viennent manger une saucisse et danser dans les bals. Dans les mariages, aujourd’hui, il y a des DJ’s. C’est une évolution normale», analyse-t-il, réaliste.

Le bon moment d’arrêter

Lors du dernier concert organisé par l’association, le mois dernier à Yverdon-les-Bains, 35 personnes avaient fait le déplacement pour écouter l’Ukrainien Kurylenko Volodymyr, une pointure dans son domaine. «C’était le bon moment d’arrêter, commente Claude-Alain Antonelli. Le club était basé sur un modèle qui a vécu et je le vis très bien!» Pas de quoi non plus lui couper l’envie de jouer, lui qui ne s’est jamais produit dans le cadre des spectacles organisés par l’association – «il faut laisser faire ceux qui savent et puis, on ne peut pas être au four et au moulin». Et les occasions ne manquent pas. EMS, concerts humanitaires au Burkina Faso, festivals français de danse: Claude-Alain Antonelli n’a pas fini d’égrainer ses notes de par le monde.

Caroline Gebhard