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Il se met à genoux pour la santé publique

10 avril 2018 | Edition N°2222

Nord vaudois - Le Lignerollois Stanislas de Froment est l’un des quatre Vaudois agréés par la Confédération pour mesurer la concentration de radon dans les bâtiments, un gaz radioactif et cancérigène. Depuis le durcissement des normes en janvier dernier, ce sujet est au centre des discussions dans tout le canton et les experts sont très demandés. Décryptage.

Depuis le début de l’année, Stanislas de Froment est de plus en plus sollicité par des clients soucieux de leur santé. Pourtant, ce Nord-Vaudois n’est ni chirurgien ni diététicien, pas même médecin. Sa spécialité? La détection de radon, un gaz radioactif produit par la désintégration de l’uranium naturellement présent dans les sols. Incolore et inodore, il a d’ailleurs été reconnu comme «cancérogène certain» pour les poumons en 1987 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Selon des études empiriques menées il y a plusieurs années, il provoquerait entre 200 et 300 décès par an en Suisse, car les particules de radon, véhiculées par l’eau et la poussière en suspension à l’intérieur de l’habitat, se répandent dans l’air que nous respirons et irradient nos poumons.

Si les compétences particulières de l’expert lignerollois sont recherchées ces temps-ci, c’est  parce que des modifications de l’ordonnance relative à la radioprotection (ORaP) sont entrées en vigueur le 1er janvier. La Confédération a notamment décidé d’abaisser la valeur limite de concentration de radon de 1000 à 300 becquerels (bq) par mètre cube dans les locaux fréquemment utilisés comme les écoles, les jardins d’enfants et les lieux de travail. Un grand pas pour la Suisse, mais qui reste trop petit pour l’OMS qui, elle, préconise depuis 2009 de fixer le niveau de référence à 100 bq/m3.

Des améliorations négatives

«Cela fait depuis 1993 que la législation suisse n’avait pas été revue, alors ces adaptions étaient vraiment nécessaires», souligne Stanislas de Froment. Car selon ce spécialiste en qualité de l’air intérieur, les constructions et les habitudes de la population ont évolué. «Depuis une quinzaine d’années, les gens passent beaucoup plus de temps à l’intérieur et les bâtiments, eux, sont de plus en plus étanches pour réduire la consommation d’énergie. Mais le problème, c’est que nous avons sous-estimé les effets des polluants qui se concentrent davantage dans ces bâtiments très isolés à cause d’un mauvais renouvellement de l’air (ndlr: le gaz entre par les sous-sols non équipés de barrières contre le radon et, ne pouvant s’échapper à cause de l’isolation trop efficace, il reste à l’intérieur), révèle-t-il. Et comme c’est extrêmement compliqué d’assainir efficacement une construction existante – aérer quotidiennement son logement est nécessaire mais insuffisant, car la circulation de l’air doit être permanente –, on finit souvent par installer un système de ventilation qui consomme en permanence de l’énergie…»

Grâce à son dosimètre, Stanislas de Froment analyse le taux de particules de radon contenues dans l’air d’un logement ou sur un site, au moyen d’un tube planté dans le sol. Dans son jardin à Lignerolle, son appareil a mesuré plus de 5200 bq/m3.

Grâce à son dosimètre, Stanislas de Froment analyse le taux de particules de radon contenues dans l’air d’un logement ou sur un site, au moyen d’un tube planté dans le sol. Dans son jardin à Lignerolle, son appareil a mesuré plus de 5200 bq/m3. ©Christelle Maillard

Avec la refonte de l’ORaP, l’Office fédéral de la santé vise principalement toutes les nouvelles constructions, qui devront suivre ces dispositions dès 2020. «Les architectes qui dessinent les plans, les Communes qui délivrent les permis de construire ou encore les notaires, toutes personnes qui se chargent des nouvelles constructions devront informer les futurs propriétaires des mesures à prendre pour limiter la concentration de radon, résume Stanislas de Froment. Les Communes devront aussi faire attention à cela dans leurs bâtiments, comme les écoles notamment.»

A noter que les Cantons ont deux ans pour mettre en œuvre l’ORaP. «Vaud travaille actuellement à l’implémentation de ces nouvelles dispositions dans sa gestion de la problématique du radon», confiait récemment Bertrand Dubey, chef de la section produits chimiques au Département du territoire et de l’environnement, au Journal de Sainte-Croix.

D’ailleurs, l’Office fédéral de l’environnement organise ce jeudi à Yverdon-les-Bains une formation juridique sur les aspects essentiels pour les propriétaires d’immeubles (www.management-durable.ch)

Dans la zone rouge

En quelques secondes, le dosimètre indique déjà la quantité de radon coincée dans le terrain de Stanislas de Froment. @Christelle Maillard

En quelques secondes, le dosimètre indique déjà la quantité de radon coincée dans le terrain de Stanislas de Froment. @Christelle Maillard

Le chaîne du Jura est connue depuis de nombreuses années pour être une zone à risque concernant le radon. «C’est dû à nos sous-sols karstiques. Ils sont composés de failles et permettent au gaz de s’y loger facilement, explique Stanislas de Froment. Généralement, on retrouve donc une plus forte concentration de radon dans les hauteurs du Nord vaudois qu’au bord du lac.» Parmi les communes les plus sensibles du canton, on retrouve Bullet, Ballaigues, Mauborget, Vallorbe et Sainte-Croix, selon les dernières statistiques fédérales. «Il ne faut pas paniquer car il y a encore pas mal d’énigmes. Par exemple, j’ai enregistré des taux plus élevés au deuxième étage d’un immeuble à Lausanne qu’à Montcherand. On dit aussi que lorsque la pression atmosphérique est haute – quand il fait beau – il devrait y avoir moins de radons dans l’air, mais parfois c’est le contraire, confie-t-il. Le vrai problème, c’est que l’on manque cruellement de professionnels qui prennent à cœur ce thème.»

Découvrez la concentration de radon dans votre commune sur le site www.bag.admin.ch 

Bien penser sa maison

Selon le consultant en radon, le plus important, pour les nouvelles constructions, c’est qu’elles soient étanches, avec un système de renouvellement de l’air, et que les zones qui sont en contact avec le sol soient isolées avec des matériaux adaptés.

Christelle Maillard