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Il traverse les Alpes  avec ses skis «made in Bullet»
THOMAS GUIARD/CAPSURIMAGE

Il traverse les Alpes avec ses skis «made in Bullet»

30 mars 2022

Gilles Gander est allé au bout de la Pierra Menta avec ses spatules faites main, et c’est la classe.

Ses skis intriguent. Au départ des courses, les regards s’attardent sur son matériel. Certains lui demandent même de quelle marque il s’agit. C’est alors que, tout sourire, Gilles Gander peut répondre à ses interlocuteurs qu’il chausse ses propres skis, faits main. Ses lattes «made in Bullet».

Amateur de motocross, il a toujours fait un peu de course à pied et de peau de phoque «pour faire le fond». Il y a quelques années, sur la ligne de départ du Trophée du Chasseron, dans le cadre de Chasseron-Buttes, il s’est lié d’amitié avec Valentin Muriset, de Couvet. Le Neuchâtelois cherchait alors un coéquipier, pour les épreuves qui se font en binôme. Les deux sont devenus inséparables.

Le duo vient d’avoir le bonheur de disputer sa première Pierra Menta, début mars, dans les Alpes françaises. «Le nombre de participants est limité. C’est sur sélection. Il s’agissait de la quatrième fois qu’on essayait d’y aller, on était ravis d’être pris», raconte Gilles Gander, qui a donc emmené ses propres skis, comme il en a l’habitude depuis une année, et comme il le fera également à la prochaine Patrouille des Glaciers.

Les deux équipiers ont pris leur pied lors de l’épreuve mythique. «Niveau parcours, on a eu tout ce qu’on attendait.» Et notamment les 10 000 mètres de dénivelé positif à avaler en quatre jours, mais surtout l’ambiance indescriptible du passage du col de la Forclaz, où s’étaient amassés quelque 2000 spectateurs, avec des cloches, des tronçonneuses, des drapeaux et des fumigènes pour soutenir les concurrents. «J’en ai eu les frissons. Ça vaut la peine de voir ça une fois. C’est ce que je voulais aller chercher.»

 

Le bonheur de chausser ses lattes à la sortie de son atelier

 

Menuisier, Gilles Gander avait dans un coin de sa tête, qui trottait depuis un moment déjà, le désir de façonner de A à Z ses propres skis de rando. Quelques étapes de fabrication lui paraissaient néanmoins compliquées. Jusqu’au jour où on lui a donné de précieux tuyaux.

Fin 2019, le Nord-Vaudois réalise alors son premier prototype, ses premiers skis «made in Bullet». «C’est un plaisir de faire ça dans son petit atelier, puis de crocher les skis de l’autre côté de la route», glisse-t-il, alors qu’il lui faut désormais entre 25 et 30 heures de travail pour réaliser une paire. A ses débuts, il fallait compter le double de temps.

Depuis, le Bullaton a fabriqué une quinzaine de paires. Il en prête quelques-unes à deux amis afin de les tester, comme il le fait bien évidemment lui-même. Le défi est de rendre ses créations légères. Pour l’heure, il parvient à un résultat d’environ 20 à 30 grammes de plus, seulement, que ce que réalisent les grands fabricants de skis de randonnée.

Le prochain challenge de Gilles Gander est de trouver une essence locale – le noyau du ski est en bois; il utilise également du lin et du carbone – qui soit suffisamment légère. «Pour l’heure, je n’ai pas encore trouvé, les bois d’ici sont trop lourds. Mais c’est vraiment quelque chose que j’aimerais parvenir à faire», assure-t-il.

Tandis qu’il crée des skis – floqués d’un double G comme logo, dont il a imaginé deux formats –, il les teste sur le Balcon du Jura et en course. «Rien ne vaut la compétition pour faire des essais.» Les résultats sont probants, même s’il y a toujours des pistes d’amélioration. De quoi lui donner envie de se lancer dans la commercialisation de ses réalisations? «J’y ai pensé, oui, mais si je m’y mets, après il faudra assumer. C’est encore vague. Il y a pas mal de monde sur ce marché, même si je pourrais le faire pour les enfants», rétorque l’intéressé, également un brin sentimental: «Ce n’est pas facile de les laisser partir. Tout est fait à la main…»

Manuel Gremion