Ils ont bravé le froid pour compter les oiseaux d’eau
18 janvier 2016Nord vaudois – Les passionnés d’ornithologie ont bravé la neige pour procéder, hier, au recensement des espèces présentes sur les rives du lac. La Région Nord vaudois a accompagné certains d’entre eux.
La neige qui tombait en abondance, hier matin, sur la Cité thermale laissait présager un recensement compliqué pour Philippe Benzi, Claudine et Michel Muriset, coutumiers de l’exercice. Heureusement pour eux, leur arrivée à l’embouchure du Mujon a coïncidé avec une accalmie, donnant la possibilité au trio de constater la présence d’une petite cinquantaine de tadorne casarca, un hôte indésirable (lire La Région Nord vaudois du 31 janvier 2014). «Nous n’observons qu’un ou deux individus en temps normal. Ces oiseaux sont très agressifs, particulièrement lorsqu’ils élèvent leurs petits, envers les autres canards. Ils vont jusqu’à tuer les jeunes d’autres espèces», indique Michel Muriset.
Affluence à la baisse

Un héron cendré prend gracieusement son envol.
L’ augmentation de l’ effectif de ces envahisseurs de l’est, au plumage roux et à la tête blanche, est, en fait, une exception dans la zone couverte par les trois passionnés, soit de Champ-Pittet à Corcelettes. «Il y a une trentaine d’ espèces d’oiseaux dans ce périmètre. Les canards de surface sont tous là, mais il y en a peu dans l’ ensemble. C’est peut-être dû au fait que l’ hiver n’ a pas été très rude dans les régions du Nord de l’Europe», commente Michel Muriset.
Campé à proximité d’un impor- tant groupe de canards plongeurs, sur la rive sud, Michel Baudraz confirme cette tendance, sur la base des données collectées depuis cinquante ans (lire ci-dessous). «Nous recensons de moins en moins de spécimens du Nord de l’Europe. Les oiseaux restreignent leurs déplacements hivernaux, probablement en raison du réchauffement climatique», explique le directeur de l’ Association de la Grande Cariçaie.
Marie-José Küch et Sylvain Antoniazza l’accompagnent dans le secteur Cheyres-Yvonand, par- ticulièrement riche en avifaune à cette période de l’année. Si le second cité, collaborateur de la Station ornithologique de Sempach, est incollable sur la faune ailée qui a trouvé refuge En Crevel, à Cheyres, il n’en va pas de même de son acolyte.
Accompagnateurs éclairés

Sylvain Antoniazza (ci-dessus) et Michel Baudraz ont répertorié environ 5000 canards plongeurs En Crevel, à Cheyres.
«Je participe aux comptages depuis deux hivers sur le Léman, mais c’est la première fois que je viens au bord du lac de Neuchâtel. C’ est une chance énorme de découvrir des endroits extraordinaires à travers cette activité», explique l’habitante de Cugy qui, n’étant pas en mesure d’identifier toutes les espèces, se contente volontiers des explications éclairées des connaisseurs.
Un havre de paix
Soustraits de la pression des chasseurs, dans cette réserve, et comptant sur leur nombre pour repérer et désorienter les rares prédateurs naturels, les fuligules et les nettes rousses se reposent à proximité d’ une roselière, où ils n’hésiteront pas à s’abriter en cas de besoin. Un hybride -un canard
issu d’un croisement entre un fuligule morillon et un fuligule milouin- et un fuligule nyroca -présent au compte-gouttes sur nos plans d’eau l’hiver- sont les raretés répertoriées par les observateurs, distraits un bref instant par l’apparition d’un martin-pêcheur aux ailes bleu-turquoise.
En milieu d’après-midi, les spécialistes indiquaient avoir dénombré environ 8500 individus, dont 5000 En Crevel. «C’est un poil moins qu’au mois de novembre dans ce même secteur», commentait Michel Baudraz.
Une tradition vieille de cinquante ans
Le recensement international des oiseaux d’eau fête son cinquantième anniversaire cette année, ce qui en fait l’un des plus anciens rendez-vous mondiaux visant à répertorier la biodiversité. «C’est l’un des plus vieux suivis en la matière. Il est effectué dans toute l’Europe et permet de récolter des données de très grande qualité sur l’évolution des populations d’oiseaux et leurs habitudes de déplacement», explique Sylvain Antoniazza. Michel Baudraz ajoute que «la rive sud du lac de Neuchâtel est une zone d’hivernage d’importance à l’échelle européenne. On y trouve de grandes concentrations d’oiseaux d’eau. Environ 10% de la population mondiale de nettes rousses y trouve, par exemple, refuge».