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Ils s’inquiètent de la décision de la BNS

20 janvier 2015

L’annonce de l’abandon du taux plancher du franc suisse face à l’euro crée de nombreux remous dans notre pays. Les acteurs de la région ne cachent pas leur préoccupation.

Jean-Marc Buchillier, le directeur de l’ADNV, parle de «coup dur» pour l’économie régionale, dont le principal marché d’exportation est l’Union européenne. © Duperrex -a

Jean-Marc Buchillier, le directeur de l’ADNV, parle de «coup dur» pour l’économie régionale, dont le principal marché d’exportation est l’Union européenne.

Personne ne l’a vue venir, mais impossible de passer outre cette problématique dans les médias du pays. La décision prise, jeudi dernier, par la Banque nationale suisse (BNS) de ne pas continuer à maintenir le taux plancher d’un euro pour 1,20 franc a déclenclé une vague d’inquiétudes dans les rangs des spécialistes et au sein des branches particulièrement concernées.

A l’aube d’une nouvelle ère (lire La Région Nord vaudois du mercredi 31 décembre), les Usines métallurgiques de Vallorbe, dont 93% de la production est destinée à l’exportation (50% de ce chiffre dans des pays de l’Union européenne), accusent le coup. «La difficulté n’est pas liée à l’abandon du taux plancher, mais au fait qu’il soit intervenu de manière soudaine. En bénéficiant d’une échéance plus longue, nous aurions pu réaliser des ajustements d’année en année», explique Claude Currat, directeur général et administrateur de l’entreprise.

Observation de l’évolution

Pour l’heure, pas question de procéder à des licenciements. Cependant, la situation pourrait évoluer si la société ne parvenait pas à maintenir ses parts de marché. «Nous sommes actuellement dans le brouillard et attendons de voir où le franc suisse va atterrir. S’il revient à 1,10 pour un euro, cela serait correct », déclare Claude Currat. Il ne cache pas que des clients ont déjà mis une certaine pression concernant des transactions futures. «D’un jour à l’autre, les prix sont devenus 20% plus chers, alors qu’il était déjà parfois difficile de justifier le coût des produits suisses», commente- t-il.

Au même titre que son homologue de Vallorbe, Dominique Legros, le directeur général de Dentsply Maillefer, à Ballaigues, s’attendait à une évolution de la situation. «Des rumeurs circulaient ces derniers temps. C’est un changement de stratégie que l’on pouvait attendre », indique-t-il, s’avouant néanmoins surpris par cette mesure radicale, préférée à la baisse du taux plancher à 1,10 franc pour un euro.

«Nous appartenons à un groupe et sommes placés dans une position de faiblesse par rapport à d’autres manufactures», précise Dominique Legros, dont la structure réalise plus de 95% de chiffre d’affaires dans l’exportation. Pour autant, l’inquiétude n’est aujourd’hui pas de mise. «Nous n’allons pas céder à la panique. Nous bénéficions d’une liberté de manoeuvre qui nous permet de temporiser quelques mois. Le fait que nous jouissions d’une bonne réputation dans un marché de niche joue aussi en notre faveur », précise-t-il.

Mois difficiles en perspective

La Banque cantonale vaudoise d’Yverdon n’avait plus d’euros hier. © Michel Duperrex

La Banque cantonale vaudoise d’Yverdon n’avait plus d’euros hier.

Le directeur de L’Association pour le développement économique du Nord vaudois, Jean-Marc Buchillier, évoque «un coup dur» pour une région dont le tissu économique a une vocation industrielle. «L’industrie des machines est probablement plus exposée que le secteur horloger. Nous allons vivre six premiers mois difficiles cette année», estime-t-il.

«Pour la Suisse comme pour la région, l’Union européenne est le principal marché d’exportation, avec l’Allemagne, la France et l’Italie aux trois premières places», relève-t-il.Le tourisme d’achat est l’un des autres domaines potentiellement sensibles à ses yeux. «Les Nord-Vaudois achètent pour 100 à 120 millions de francs par année en France, ce qui représente l’équivalent de 300 emplois. Il s’agit d’une situation alarmante qui pourrait encore empirer», commente-t-il.

Le président de la Société industrielle et commerciale de Vallorbe, Jean Fleurimont, tient à souligner que les habitants de la commune n’ont visiblement pas succombé aux sirènes qui auraient pu les inciter à aller faire leurs courses de l’autre côté de la frontière. «Les gens ont joué le jeu. Il y a une belle solidarité avec les commerces locaux.»

Rupture de stock

Pour Dominique Faesch, la directrice du tourisme régional, l’option prise par la BNS pourrait avoir des conséquences sur les nuitées dans les établissements de tourisme de loisirs et au niveau de la fréquentation des sites régionaux. Le Grand Hôtel des Rasses, à Sainte-Croix, n’a pour l’instant pas été touché, mais la grande majorité de sa clientèle vient de Suisse alémanique.

Le directeur de l’Association pour le développement des activités économiques de la vallée de Joux Eric Duruz, met l’accent sur le danger couru par les petites marques horlogères et espère que la bonne réputation construite autour du Swiss made permettra à l’horlogerie combière de tenir le coût. Selon lui, d’autres secteurs, comme l’industrie du bois, pourraient souffrir (par le biais de l’augmentation d’importations de bois transformé depuis l’Europe).

Enfin, les guichets de banque et de poste d’Yverdon-les-Bains ont été particulièrement sollicités pour l’achat d’euros. Hier matin, la Banque cantonale vaudoise et la Poste de la gare indiquaient ne plus avoir cette devise en stock.

 

Il va falloir trier les mauvais élèves

Yves Defferrard, le responsable du secteur industrie d’Unia Vaud indique que le syndicat va proposer des mesures au Conseil d’Etat suite à l’annonce de la BNS, le but étant d’éviter autant que possible les licenciements. «Une entreprise de la région lausannoise nous a déjà contactés vendredi pour faire part de sa volonté d’opérer une restructuration », déclare-t-il. Dans ce contexte qui n’est pas inédit, la vigilance est de mise, certaines entreprises profitant de la situation pour réduire leur structure et dégager des bénéfices, signale-t-il.

Ludovic Pillonel