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Ils vont se frotter à la crème des pâtissiers
©Michel Duperrex

Ils vont se frotter à la crème des pâtissiers

22 décembre 2016 | Edition N°1898

Chavornay – Un trio romand, dont fait partie le Nord-Vaudois Cédric Pilloud, se prépare d’arrache-pied pour affronter les ténors de sa profession à Lyon, lors de la Coupe du monde de la pâtisserie. Reportage dans les coulisses de ce véritable marathon culinaire.

Le jeune Nord-Vaudois Cédric Pilloud va participer à la Coupe du monde de la pâtisserie avec l’équipe de Suisse. ©Michel Duperrex

Le jeune Nord-Vaudois Cédric Pilloud va participer à la Coupe du monde de la pâtisserie avec l’équipe de Suisse.

Cédric Pilloud va, à l’image de ses compagnons d’aventure, quelque peu sacrifier ses Fêtes de fin d’année sur l’autel des délices sucrés. L’enjeu est de taille : il s’agit ni plus ni moins de défendre les couleurs nationales lors de la finale de la Coupe du monde de la pâtisserie, organisée les 22 et 23 janvier 2017 à Lyon. Dix heures de compétition d’une grande intensité, face à des adversaires redoutables, lors desquelles chaque détail comptera. Alors, pour décrocher le sacre qu’il convoite, l’ambitieux trio supervisé par Patrick Bovon ne ménage pas ses efforts.

Le Chavornaysan Cédric Pilloud a, ainsi, quitté il y a trois mois son poste de chef pâtissier au Pont de Brent pour se consacrer entièrement à son nouveau défi. «Ce type de concours fait énormément évoluer. On apprend plus vite», relève cet ancien participant à l’émission «Qui sera le plus grand pâtissier ?» (lire La Région Nord vaudois du 23 juin 2015). Comme ses pairs, il n’a pas hésité à épuiser ses économies pour réaliser son rêve. «Entre le matériel et les déplacements, l’investissement est supérieur à 100 000 francs. Nous avons heureusement pu compter sur le soutien de sponsors et de nos parents. L’association des boulangers pâtissiers confiseurs vaudois nous aide aussi beaucoup en mettant à disposition ses locaux», indique le représentant nord-vaudois de l’équipe suisse.

Conditions réelles

Jean-Baptiste Jolliet façonne sa sculpture en glace, le tout avec des instruments que l’on ne s’attend pas forcément à rencontrer dans son univers. ©Michel Duperrex

Jean-Baptiste Jolliet façonne sa sculpture en glace, le tout avec des instruments que l’on ne s’attend pas forcément à rencontrer dans son univers.

Les préparations étaient déjà bien entamées, lundi matin, à notre arrivée dans le laboratoire pulliéran, théâtre, comme chaque semaine, d’un examen à blanc. Une concentration de tous les instants se lisait sur les visages du maître chocolatier Jorge Cardoso et du maître sucrier Cédric Pilloud, tandis que Jean-Baptiste Jolliet sculptait à la tronçonneuse son bloc de glace hydrique. Patrick Bovon ne perdait, pour sa part, pas une miette des faits et gestes de ses poulains.

«Je suis déjà passé par là. Tout est jugé. De l’hygiène à l’esprit d’équipe en passant par l’aisance au travail», explique celui qui peut se targuer d’avoir décroché une quatrième place dans ce concours. Sous nos yeux, Cédric Pilloud chasse, au moyen d’un foehn, l’excédent de mousse au chocolat au sommet d’un gâteau. Il s’agit de l’un des deux entremets à soumettre, au même titre qu’un dessert à l’assiette, au palais du jury composé des coaches des formations en lice.

Jorge Cardoso est le spécialiste en chocolat de l’équipe. ©Michel Duperrex

Jorge Cardoso est le spécialiste en chocolat de l’équipe.

«Un exemplaire de chacune de ces trois créations sera également intégré aux pièces artistiques d’une hauteur d’1m30 à réaliser en parallèle -une en sucre, une en chocolat et l’autre en glace- autour d’un thème choisi», indique Patrick Bovon. Sans une organisation méticuleuse, impossible d’avaler cette montagne de tâches dans le délai imparti. On s’hydrate et se sustente discrètement, camouflé derrière son plan de travail, et on ne se rend pas au petit coin sans son rouleau de papier toilette, pour éviter l’embarras d’une pénurie.

Le sucre a succédé au chocolat entre les doigts d’orfèvre de Cédric Pilloud, prompts à transformer la masse en roses aux pétales délicats. Animé par une extrême vigilance, le jeune homme de 24 ans répond de bonne grâce aux questions. Une manière de se préparer pour Lyon, où le jury n’aura aucun scrupule à interpeller les candidats.

L’arrêt de la tronçonneuse ramène le calme dans le laboratoire bercé par une musique de fond. Patrick Bovon félicite Jean-Baptiste Jolliet d’avoir tenu l’horaire dont il disposait. Le sculpteur déplace son œuvre sur le balcon, range son espace de travail et rejoint ses acolytes, auxquels il va prêter main forte jusqu’à la fin de l’épreuve.

La quête de l’excellence

Pâtissier de renom, Patrick Bovon ne rate pas une miette du spectacle. ©Michel Duperrex

Pâtissier de renom, Patrick Bovon ne rate pas une miette du spectacle.

Il est maintenant temps de goûter le premier plat. Le parfait équilibre entre le chocolat et les fruits exotiques, ainsi que l’esthétique irréprochable du chef d’oeuvre auraient sans doute conquis bien des gourmands, mais le jugement du coach est implacable. «Ce n’est pas un entremets de champion du monde. La mousse au chocolat n’est pas lisse et elle a été servie trop froid», relève-t-il. De quoi alimenter le débriefing prévu en fin de session.

D’autres paramètres entreront en ligne de compte le jour J. Il faudra, ainsi, être capable de gérer ses émotions devant «une arène de 5000 spectateurs» chauffés à blanc, bien maîtriser le déplacement d’une cinquantaine de mètres à effectuer avant de pouvoir procéder au montage des pièces au poids nominal de 25 à 30 kilos. Mais la clé de la réussite, selon Patrick Bovon, résidera dans la gestion des deux heures séparant la dernière dégustation de la fin de ce marathon culinaire.

Il s’agira, alors, pour la plus jeune équipe de la compétition, de ne pas relâcher la pression au moment de finaliser ses monuments sucrés.

Ludovic Pillonel