Interdiction de se dissimuler le visage: quid du Nord vaudois?

Depuis le 1er janvier, il est interdit en Suisse de se dissimuler le visage en public, après l’adoption en 2021 de l’initiative dite «anti-burqa». Les infractions seront dans la plupart des cas punies par une amende d’ordre de 100 francs. Mais à quel point la région est-elle concernée?

L’initiative controversée dite «anti-burqa» du comité d’Egerkingen avait été acceptée par le peuple en mars 2021 par 51,2% des voix. La nouvelle loi visant à mettre en œuvre l’initiative ne devrait toutefois toucher qu’une petite minorité. Si près de 400 000 musulmanes et musulmans vivent en Suisse, le voile intégral reste un phénomène marginal, selon les autorités. Et le Nord vaudois ne fait pas exception. «Je n’ai jamais vu de femmes porter la burqa à Yverdon», confirme le commandant de Police Nord vaudois Marc Dumartheray. «Je pense que mes collègues de Genève ou de Police Riviera seront un peu plus concernés.»

L’interdiction pourrait donc surtout concerner les touristes musulmanes portant la burqa ou le niqab. «Nous devrons en effet nous approcher d’elles, les prévenir qu’une loi interdit de se dissimuler le visage et leur demander de se dévoiler. Il faudra faire preuve de bon sens, mais nous devons appliquer la loi», explique le commandant, qui n’exclut donc pas qu’une amende soit distribuée en cas de refus d’obtempérer.

Les infractions à l’interdiction seront dans la plupart des cas punies par une amende d’ordre de 100 francs, payable de suite. En cas de refus de s’en acquitter, la procédure ordinaire s’appliquera et la sanction encourue pourra alors atteindre jusqu’à 1000 francs.

Interdire un vêtement: une première

Avec l’interdiction de se dissimuler le visage, la Suisse a inscrit pour la première fois des règles vestimentaires dans sa Constitution. Dans les cantons de Saint-Gall et du Tessin, le port de vêtements qui dissimulent le visage, par exemple la burqa ou le niqab, est interdit. Pour rappel, la burqa est un manteau qui recouvre tout le corps et les yeux sont couverts par un filet. Un niqab est un voile qui recouvre tout le visage, laissant les yeux apparents.

Or selon la loi, yeux, nez et bouche devront rester visibles, dans tous les espaces publics ou privés accessibles au public.

Les hooligans en ligne de mire

L’interdiction de se dissimuler le visage ne s’applique donc pas seulement aux voiles religieux, mais aussi aux hooligans lors de manifestations sportives ou aux manifestants masqués et violents. Dans le Nord vaudois, seuls les matches d’Yverdon Sport peuvent être concernés par la problématique.

«Mais le mot d’ordre est l’apaisement», précise Marc Dumartheray. «C’est une question de proportionnalité: s’il y a 60 ou 80 personnes cagoulées au milieu d’un cortège de plusieurs centaines de supporters, nous n’allons pas aller contre. Nous sommes là pour veiller au bien commun. En revanche, s’il y a un problème, nous interviendrons évidemment, c’est notre travail», poursuit le commandant, qui rappelle que ces  cortèges de supporters sont cadrés par les forces de l’ordre depuis leur lieu d’arrivée jusqu’aux gradins, et retour. La police nord-vaudoise assure la mission de service (circulation), alors que le maintien de l’ordre est une organisation cantonale: les gendarmes et des éléments des neuf corps de police du canton sont mobilisés.

Cette nouveauté va-t-elle compliquer le travail de la police? «Absolument pas», estime le commandant. C’est une modification dans les règlements généraux de police, propres à chaque commune, et il était déjà interdit de se dissimuler le visage à Yverdon.»

La Suisse a suivi la France

Au niveau cantonal, le Tessin avait ouvert la voie en 2016, suivi par Saint-Gall en 2019. Et plus de la moitié des cantons appliquent déjà une interdiction de se dissimuler le visage lors de manifestations. Les nouvelles dispositions fédérales prennent toutefois le pas sur les lois cantonales.

Contrairement à l’initiative sur les minarets, la Suisse ne sera pas seule à interdire la dissimulation du visage sur son territoire. Les articles constitutionnels helvétiques s’inspirent largement de la loi adoptée en France en 2010, qui interdit la dissimulation du visage dans l’espace public. L’Autriche, la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas ont suivi.

Sujet controversé

Au moment de la votation populaire, les opposants à l’interdiction de la burqa avaient évoqué un «signal inquiétant pour toutes les minorités». L’interdiction de la burqa n’empêche pas la radicalisation religieuse et ne contribue pas à l’égalité, avaient-ils notamment argumenté (lire encadré en bas à gauche).

Les musulmans de Suisse eux aussi avaient partagé leurs inquiétudes. Pascal Gemperli, porte-parole de la Fédération des organisations islamiques de Suisse, craignait pour sa part une augmentation de la violence comme en France, après l’introduction de l’interdiction du port du voile.