Les 33 skippers, dont le Genevois Alan Roura (sponsorisé par La Fabrique à Champagne), de la neuvième édition du Vendée Globe ont pris le départ dimanche au large des Sables d’Olonne. Le légendaire tour du monde à la voile en solitaire et sans escale s’est élancé sans public pour la première fois de son histoire.
Les marins, dont six femmes, de neuf nationalités différentes, ont coupé la ligne avec un retard de plus d’une heure (14h20) en raison du brouillard pour faire le tour de la planète en quelque 70 jours pour le meilleur d’entre eux.
Veinard, Alan Roura dispute son deuxième Vendée Globe et n’a pas attendu Emmanuel Macron. Etabli à l’année à Lorient, en Bretagne, Alan Roura était confiné depuis une grosse semaine. Quand le président français a prononcé le reconfinement mercredi dernier, le Genevois s’était déjà mis au parfum. Il se l’était imposé: « Je ne voulais prendre aucun risque: si je suis positif avant le départ, je n’ai pas le droit de partir. » Rester à quai alors qu’un tour de monde d’environ trois mois l’attend serait malvenu.
Alors Roura prenait son mal en patience les derniers jours avant le départ. Un point météo chaque matin, histoire de jauger ce que lui réserveront les premiers jours de course. Et encore un peu de temps en famille. Une préparation particulière: « Je ne suis pas vraiment dans ma bulle, décrit-il à Keystone-ATS. Je suis à la maison, à moitié sous la couette, hyper tranquille. Je ne me pose pas trop de questions, afin de ne pas me stresser pour rien. Pour la première fois, tout le monde partira à tête reposée. » Le marin est arrivé mercredi aux Sables-d’Olonne, d’où sera lancée dimanche cette course autour du globe. L’effervescence habituelle, avec la parade dans le chenal de la cité vendéenne devant des dizaines de milliers de personnes, y laissera place à un calme déroutant, à huis clos. Roura l’accepte: la découverte, c’était il y a quatre ans. Cette année, il veut performer.
Un bateau fiable
La Fabrique – son Imoca de 60 pieds (18 mètres) de long – a été entièrement rénovée pour cela. « Je pars avec l’un des bateaux les plus fiables de la flotte, assure le seul Suisse en lice. Je n’ai jamais rien cassé dessus, alors que j’ai fait pas mal d’erreurs. Je suis serein: hormis une collision ou une grosse faute, il ne devrait pas y avoir de réels problèmes. » C’est une source de confiance: l’embarcation est prête, amarrée aux Sables-d’Olonnes depuis plusieurs jours et doit pouvoir répondre aux exigences d’une course aussi incertaine et imprévisible que le Vendée Globe. « C’est un bateau abouti, promet Roura. On n’est même plus dans le détail, tout n’est que peaufinement. En termes de performances, il peut affronter toutes les mers. »
On est loin d’il y a quatre ans. C’était sa première, avec un bateau bien plus ancien et une préparation autrement plus laborieuse jusqu’au jour du départ. Il avait terminé au 12e rang, en 105 jours de course. Une authentique performance, pour celui qui n’avait que 23 ans. Alan Roura en a désormais 27, mais il demeure le benjamin de l’épreuve. Sauf que cette fois, on le connaît. « J’ai prouvé que je n’étais pas un petit « merdeux », lance-t-il sans vouloir parler d’âge. Je peux faire de beaux résultats, je suis dans le match. On ne sait pas vraiment où me placer. Je suis un peu un outsider, mais sans véritable pression. Ca me convient. Il y a quatre ans, on ne me regardait même pas. » Aujourd’hui, on sait à qui on a affaire.
L’objectif des 80 jours
Alan Roura ne remportera sûrement pas ce Vendée Globe. Il n’a pas le bateau pour. Cette course doit lui donner du crédit pour lancer un autre projet ensuite, pour une fois vraiment jouer la gagne. C’est aussi pour cela que, réaliste, il vise les 80 jours pour revenir au point de départ. Sans objectif de place: « Il y a tellement d’incertitudes, la chance joue un rôle. Pour faire ces 80 jours, il me faut de l’air, du gros temps, pas trop de casse. » Et des points-clés à bien gérer, comme le « Pot au Noir », la zone de convergence intertropicale et ses vents contraires, ainsi que des choix de stratégie sur lesquels ne pas se tromper.
Tout en tenant le coup mentalement, en s’accrochant à son ambition. « Dans la tête, le passage de la Tasmanie joue un rôle important, cite Roura. C’est la moitié du parcours, alors si on la passe en 35 ou en 55 jours, ce n’est pas pareil. » Le défi est exigeant. Il est bienvenu aussi, en ces temps difficiles. « Je serai confiné en mer, et moi j’adore être seul sur mon bateau. Mais j’espère pouvoir sortir librement à l’arrivée. » Souhait partagé.