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«J’ai vu leurs noms et j’ai fondu en larmes»

12 juillet 2017 | Edition N°2036

Yverdon-les-Bains – Sylvain a perdu sa femme, Cristina, et son aînée, Kayla, dans l’attentat terroriste de Nice, il y aura tout juste un an ce vendredi. Avec ses deux autres filles, il est retourné sur les lieux du drame. Récit d’un voyage commémoratif.

Sylvain se trouve à Nice avec ses deux filles, Djulia, 5 ans (à dr.), et Kiméa, 2 ans. ©DR

Sylvain se trouve à Nice avec ses deux filles, Djulia, 5 ans (à dr.), et Kiméa, 2 ans.

Un camion blanc, fou. Des hurlements. La poussette. Sa femme, Cristina, qui tient sa fille cadette, Kiméa, dans ses bras. Puis, le choc. Terrible. Des corps ensanglantés jonchent le sol, partout. Depuis une année, chaque soir avant de s’endormir, les images repassent en boucle dans la tête de Sylvain. Celles de l’attentat terroriste perpétré le 14 juillet 2016 sur la célèbre promenade des Anglais, à Nice (voir encadré). Parmi les victimes fauchées par le 19 tonnes, sa femme, Cristina, 31 ans, et sa fille aînée, Kayla, 6 ans et l’avenir devant elle.

Continuer de vivre malgré l’invivable. Au côté de ses deux filles restantes, Djulia (5 ans) et Kiméa (2 ans), passé le choc, la vie reprend son cours. Tant bien que mal. «Nous sommes descendus à Nice, il y a une semaine. Et nous y resterons encore quelques jours, confie l’Yverdonnois. C’est une manière de commémorer ma femme et ma fille, de me recueillir.» Une façon, aussi, de partager sa douleur et d’échanger avec les familles de victimes, dont les souvenirs de cette terrible soirée et la douleur sont marqués au fer rouge. «C’est important de parler du traumatisme. Avec mes filles, évidemment, mais aussi avec d’autres victimes, comme ce papa que j’ai rencontré hier (ndlr : lundi) et qui a également perdu un de ses enfants, ainsi que sa femme», souffle le père de famille, du bout des lèvres.

Au bout du fil, la voix de Sylvain commence à trembler. Entre chaque mots, les pauses se font insistantes. «Lorsque j’ai foulé la promenade des Anglais et que j’ai vu les noms de Cristina et de Kayla inscrits sur le mémorial, j’ai fondu en larmes, détaille le rescapé, encore sur les lieux du drame. Je revois la scène. Sur son lit de mort, Cristina m’a fait jurer de ne pas abandonner nos enfants. Je tiens parole. Je ne dis pas que c’est facile, mais Djulia et Kiméa sont ma priorité. Je me bats pour elles.»

Fragile, le papa, déjà cabossé par la vie -il évoque un passé «mouvementé »-, tente de reprendre le dessus. «J’essaie de ne pas me montrer faible devant mes filles. On parle beaucoup de l’absence de leur maman. La grande pose beaucoup de questions. Souvent, c’est elle qui débute les discussions», glisse Sylvain, qui avoue parfois ne pas avoir toutes les réponses. «Moi-même j’essaie encore de comprendre ce qui nous est arrivé. De comprendre pourquoi les secours ne m’ont pas laissé monter dans l’ambulance avec Kayla. Mais je n’aurai sans doute jamais de réponse. C’est le destin et il faut l’accepter.»

Rentier de l’AI, Sylvain consacre l’entier de son temps à ses deux filles. «Peut-être que dans dix ou vingt ans, je pourrai me reconstruire. Mais pour le moment, l’important, ce sont Djulia et Kiméa», sourit-il.

 

86 vies fauchées

 

Ils étaient venus en famille ou entre amis assister aux feux d’artifice du 14 juillet sur la promenade des Anglais, à Nice. Un jour de fête devenu jour de deuil. Ce soir-là, peu après la fin du spectacle, un camion fou a foncé sur la foule, fauchant sur son passage la vie de 86 personnes et blessant 456 autres. Le conducteur, Mohamed Lahouaiej- Bouhlel, un Tunisien résidant en France de 31 ans, a été abattu par la police.

En mémoire aux victimes, un mémorial provisoire a été érigé dans les jardins de la villa Masséna, sur la promenade des Anglais. D’autres commémorations, en présence du président français Emmanuel Macron, auront lieu vendredi, un an après l’attentat.

Simon Gabioud