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«J’ai pas de regret, j’ai juste aidé des amis»

3 décembre 2014

Le procès de deux des trois hommes qui ont fait évader deux détenus de Bochuz, en juillet 2013, s’est ouvert, hier, à Yverdon-les-Bains.

L’important dispositif de sécurité n’est pas passé inaperçu, hier, devant les anciennes casernes. © Nadine Jacquet

L’important dispositif de sécurité n’est pas passé inaperçu, hier, devant les anciennes casernes.

Impressionnant. A l’instar de l’affaire jugée, hier après-midi, au Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, c’est pour le moins un euphémisme de qualifier «d’important» le dispositif de sécurité mis en place, pour l’occasion, autour des anciennes casernes d’Yverdon-les-Bains. Fourgon de la Gendarmerie à l’entrée du parking, herse, hommes armés et vêtus de gilets pare-balles dans tout le secteur. Idem à l’intérieur: agents, contrôles d’identités, fouilles. Le ton était bel et bien donné.

En cause? Les «clients du jour». Du gros calibre. Soit deux des trois hommes accusés d’avoir fait évader, de Bochuz, le 25 juillet 2013, le fameux Adrian Albrecht et Milan Poparic, membre du célèbre gang des Pink Panthers, alors en exécution de peine pour séquestration, enlèvement, brigandage qualifié et incendie intentionnel pour le premier et, pour brigandage commis en bande et brigandage qualifié, pour le second. «Du lourd» comme l’on dit dans le jargon.

Une évasion musclée

Deux détenus qui ont pu se faire la belle, ce soir de juillet 2013, grâce à l’intervention musclée de Pascal*, absent hier, puisque déféré aux autorités françaises, et d’Igor* et Ivan*, deux ressortissants roumains, qui devaient donc répondre, hier à Yverdon-les-Bains, entre autres, de vols, recel, dommages à la propriété, violation de domicile, incendie intentionnel et, surtout, d’avoir fait évader des détenus.

Et quelle évasion! Puisque, arrivés aux alentours de la prison vers 19h30, les trois acolytes, venus de France à bord d’un fourgon et de deux voitures -des véhicules volés par Pascal et Igor, Ivan niant être impliqué dans ces actes, à Schmitten, Villars-Sainte-Croix et Mathod, entre le 3 et le 9 juillet 2013- ces derniers n’avaient alors pas hésité à utiliser le fourgon comme véhicule bélier afin de fracturer un portail de la prison.

Une fois ce méfait accompli, Igor avait alors hissé une première échelle sur le pont basculant du fourgon, avant de l’escalader pour en déployer une seconde à l’intérieur de l’enceinte de la prison, permettant ainsi aux deux détenus de s’échapper. Une opération commando menée sous les coups de feu d’intimidation, tirés en rafale par Ivan. «J’ai décidé de le faire moi-même, pour être sûr que personne ne soit blessé. Je n’ai jamais visé les gardiens et j’ai pris garde au pont de l’autoroute », a assuré ce dernier. «D’ailleurs, moi, à la place de cette kalachnikov, j’aurai préféré un simulateur!», a poursuivi Ivan. «Une arme factice?», interrompt alors le président du Tribunal. «Oui, même un truc qui fait du bruit!» Puis vint alors le temps de fuir. Mais avant, Pascal a encore bouté le feu à la camionnette. Un sort qui sera également réservé, quelques semaines plus tard, à la voiture utilisée pour la fuite, puisque cette dernière sera retrouvée carbonisée, à la mi-août, à Gex, en France voisine.

Deux accusés, deux attitudes

Un scénario digne d’un film hollywoodien à gros budget, que n’ont pas nié les deux accusés. A des degrés cependant variables.

En effet, si tout au long de l’audience Igor, petite boule de muscles, a reconnu, à quelques détails près, toutes les accusations, y compris les vols des véhicules et le cambriolage d’une villa à Chavornay, Ivan, lui, grand balaise, s’est contenté d’admettre uniquement son implication et le déroulement des faits lors de l’évasion. Deux attitudes, somme toute en parfaite adéquation avec celles des deux hommes durant cette première demi-journée d’audience.

Puisque si Igor, dont quelques larmes, notamment au moment d’évoquer sa famille en Roumanie, ont trahi une certaine sensibilité, a parfaitement collaboré et répondu à toutes les questions, son compagnon de galère s’est, quant à lui, montré beaucoup plus colérique. Ce dernier refusant même systématiquement de parler «des autres» et de leurs éventuels rôles dans l’affaire. Et c‘est donc, sans surprise, qu’au moment de la question de la repentance le premier, ému, et visiblement impliqué dans cette affaire en échange de la seule promesse de quelques milliers d’euros, synonyme de retour au pays, a fait part de ses regrets. Alors qu’Ivan, lui, a martelé: «Je regrette simplement d’être en prison. Pour le reste, j’ai simplement aidé des amis».

L’audience se poursuit aujourd’hui avec les réquisitions et les plaidoiries. Quant au verdict, il pourrait tomber jeudi en fin d’après-midi. Et Ivan sera alors fixé sur son avenir. Lui qui lorsque le président lui a demandé ce qu’il comptait faire lorsque cette affaire sera terminée a répondu: «J’en ai marre de cette vie. Alors je pense que je vais me retirer dans un monastère.»

*prénom d’emprunt

Raphaël Muriset