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«J’ai tiré les leçons du premier tour»
(KEYSTONE/Cyril Zingaro)

«J’ai tiré les leçons du premier tour»

23 mars 2022

Cesla Amarelle (PS) a cherché à comprendre pourquoi son wagon s’est détaché des deux locomotives sortantes de l’alliance rose-verte. Elle livre son analyse à La Région.

Même si elle s’y attendait, selon ses dires, la conseillère d’Etat sortante Cesla Amarelle a dû avoir la gorge serrée dimanche en suivant les résultats. Secrètement installée dans un «bunker» lausannois, comme les socialistes le surnommaient, elle a scruté l’évolution du scrutin avec ses collègues Nuria Gorrite, Rebecca Ruiz, et la présidence du parti, ainsi que l’analyste de données et syndic d’Yverdon Pierre Dessemontet. Avec le recul, elle pense avoir compris ses erreurs stratégiques. Elle se confie.

Cesla Amarelle, quelles leçons avez-vous tirées de ce premier tour?

J’ai compris que l’école et les enseignants sont fatigués. Ce dont ils ont besoin, après deux ans de pandémie, ce sont des mesures d’apaisement (lire encadré). On m’a toujours reproché de vouloir aller trop vite. C’est vrai que vouloir coupler les quatre chantiers prioritaires du Canton avec une crise pandémique, et en plus maintenant avec l’arrivée des réfugiés ukrainiens, ce n’est pas possible. C’est trop sur un mandat. Je n’ai pas senti ça, ou plutôt je l’ai senti, mais je ne voulais pas le voir. C’est un élément que je suis prête à reconnaitre. J’aurais dû prendre des mesures d’apaisement plus vite.

N’est-ce pas un comble pour une socialiste qui dit «ne vouloir laisser personne sur le bord de la route» de ne pas voir quand les gens tendent le pouce ?

C’est une balance des intérêts. A un moment donné, vous devez dire soit: il faut avancer, car c’est important et parce qu’on voit qu’il y a des besoins sociaux qui ne peuvent passer que par ces chantiers-là. Ou soit on fait des réformes pour permettre à l’école de respirer. Et aujourd’hui, les enseignants ont besoin de se concentrer sur leur mission fondamentale.

Votre parti prétend que le Département de la formation est «le pire» à défendre. Ne serait-ce pas plutôt le parti qui en est à la tête qui pose problème? Car Anne-Catherine Lyon (PS) en a aussi eu pour son grade à l’époque.

En effet, elle n’a pas été épargnée. Je pense que c’est un département où on a envie de faire des choses, car c’est passionnant. J’ai visité beaucoup d’établissements, on me faisait part de problèmes. J’avais envie de faire bouger les choses. Mais peut-être que j’ai été trop enthousiaste dans l’envie de venir avec des chantiers. Et surtout, ça, c’était avant le Covid. Il a beaucoup brusqué l’école, d’abord avec la polémique des masques sur les enfants, ensuite la fermeture des écoles, les autotests systématiques… C’était de la folie et tout le monde a été stressé. Je voulais que dès cela était terminé, hop qu’on reprenne les grands chantiers, mais je me rends compte qu’il faut mettre un calendrier plus raisonnable.

Vous disiez dimanche ne pas avoir pu parler suffisamment de formation durant la campagne. Pourtant Valérie Dittli (Le Centre), elle, a su le faire. Comment jugez-vous ses positions?

Dans un débat à la RTS, elle a souvent confirmé ma politique. Par contre, elle a critiqué les emplacements des écoles professionnelles, elle préférerait toutes les recentrer sur Lausanne (ndlr: «Vous faites exprès de les mettre à l’autre bout du canton pour ne pas les rendre attractives?», avait-elle déclaré). C’est un élément qui m’a interpellé. Elle a aussi affirmé que c’était une volonté politique de n’avoir que 20% d’apprentis, alors que c’est archi faux, on est à plus de 52%.

A vous entendre, elle a une méconnaissance du dossier…

Je ne juge pas. Je dis juste qu’en tant que responsable de la formation, je ne partage pas son analyse. On a toujours tout fait pour la cohésion du canton en faisant en sorte que les centres de formation soient diversifiés sur l’ensemble du territoire. Ensuite, pour les chiffres, c’est simplement factuel. Nous avons une volonté d’augmenter ce taux. Pourquoi? Parce que le Canton en a besoin, car c’est une formation très importante et un tremplin formidable. On a fait un travail phénoménal avec les entreprises formatrices, les organisations professionnelles et les Départements de la Formation et de l’Economie, pour valoriser cette formation professionnelle et on a un bilan là-dessus.

Quel est votre bilan?

On a diminué les taux d’échec dans les apprentissages (ndlr: sans baisser le niveau puisqu’il s’agit de normes fédérales), passant de 85 à 90% de réussite. On a augmenté le nombre de places d’apprentissage de 1200 durant cette législature. On a fait en sorte qu’on puisse avoir des rendez-vous régionaux, à Yverdon notamment. Il y a un cercle vertueux qui s’est mis en place et d’ailleurs on n’a jamais eu autant de contrats d’apprentissage signés depuis 2012.

Ce deuxième tour s’annonce intense, peut-être avec d’autres coups bas, êtes-vous prête?

Oui cela va être intense, mais intéressant. La gauche a un réservoir de voix plus fort que la droite, donc j’ai confiance. Aux échéances électorales importantes, la gauche a toujours su se mobiliser. Pour les coups bas, nous on ne fait pas ça.

Vous avez tout de même qualifié Michaël Buffat «d’UDC blochérien» lundi soir…

C’est quoi d’autre? Vous avez vu ses votes? Ils sont plus à droite que la moyenne des UDC. Il est membre de l’ASIN (L’Action pour une Suisse indépendante et neutre), et ça c’est la droite blochérienne. Alors voilà. Peut-être que je recevrai une plainte pénale pour ça, je ne l’exclus pas. Cela m’en fera une troisième!

Etes-vous blindée aujourd’hui?

Disons que pour moi qui n’ai jamais eu d’amende de ma vie, au début ça fait un choc, car je n’ai pas l’impression de commettre des délits tous les jours. A la base de ces plaintes, il y a une volonté, de ma part et de celle du Conseil d’Etat, de défendre un climat de travail et d’études serein. La première plainte a été l’objet d’une fuite dans la presse avant même que le bureau du Grand Conseil ne m’informe et la deuxième fait suite à de nouvelles fuites de documents confidentiels, tout cela en pleine période électorale.

Là, une nouvelle campagne s’annonce. Va-t-on vous voir davantage dans le Nord vaudois?

Oui, je n’ai pas fait campagne dans mon district et ça s’est ressenti dimanche. C’est une des leçons que j’ai tirées du premier tour également, et c’est à cela qu’il sert justement ce deuxième tour, corriger le tir. Jusqu’ici on a tenu à se montrer ensemble partout, afin d’afficher notre cohésion, mais peut-être qu’on va rediscuter de cela.

Christelle Maillard