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«J’ai toujours Pékin 2022 dans un coin de la tête»
Anaïs Coraducci se sent bien à Cheyres. © Jorge Fernandez

«J’ai toujours Pékin 2022 dans un coin de la tête»

25 novembre 2020 | Edition N°2837

Patinage artistique – Privée de compétition en raison de la crise sanitaire, Anaïs Coraducci a commencé des études gymnasiales, tout en continuant à s’entraîner avec assiduité.

Anaïs Coraducci, après des années passées en France et en Italie, vous êtes revenue vivre à Cheyres et vous entraîner à Yverdon-les-Bains en début d’année. Comment cela se fait-il?

Après deux ans à Turin avec ma maman et ma petite sœur, le moment était venu de retrouver une vie de famille. Finalement, avec le Covid, c’était le bon timing pour rentrer. Après avoir suivi des cours par correspondance durant des années, j’en ai profité pour intégrer le Gymnase d’Yverdon durant l’été. Je bénéficie d’un programme allégé, qui me permet de faire la première année sur deux ans. Les études commencent bien, je suis contente.

 

Vous vous êtes classée 10e des Jeux olympiques de la Jeunesse en janvier à Lausanne. Quels souvenirs en gardez-vous?

Si je le pouvais, je le referais au moins dix fois! Je ne parle pas forcément de la compétition en elle-même, mais surtout de l’esprit olympique qui régnait, notamment au sein du Vortex, où tous les athlètes étaient logés. Ça a été des moments incroyables. J’ai aussi pu participer à la cérémonie d’ouverture, un magnifique souvenir. Finalement, ma belle performance lors du programme long (ndlr: son record de points sur un libre et son meilleur total en juniors à la clé) a été la cerise sur le gâteau. Ces Jeux, cela faisait quatre ans que je les attendais, que je m’y préparais, espérant être sélectionnée. Je me souviens qu’à l’époque, Swiss Ice Skating avait donné un questionnaire à remplir, dans lequel on devait notamment évoquer nos ambitions. J’avais écrit que je voulais représenter la Suisse aux JO de la Jeunesse. Je suis fière d’avoir réussi à passer tous les écueils.

 

Et maintenant, de quoi rêvez-vous?

Après les JOJ, j’avais été convoquée pour les Championnats du monde juniors, qui n’ont pas pu avoir lieu. Mais après avoir vécu les Jeux de la Jeunesse, j’avais surtout envie de participer à ceux des grands, à Pékin 2022. J’avais ça dans la tête, et ça l’est toujours dans un coin, mais j’ai bien conscience que ce sera difficile d’y parvenir, ce d’autant plus que la crise sanitaire ajoute des barrières. J’ai choisi de reprendre une vie d’étudiante tout en continuant à m’entraîner pour pouvoir avancer.

 

Viser une participation aux JO et reprendre les études, est-ce compatible?

C’est difficile à dire. À mon âge, beaucoup de filles rangent leurs patins, soit en raison de blessures ou douleurs, ou alors pour d’autres contraintes. Moi, je continue à patiner, parce que j’aime ça. J’essaie d’avancer, même si ce doit être plus lentement que prévu. Lentement mais sûrement. Depuis petite, le patin est passé avant toute chose. Désormais, je privilégie un meilleur équilibre.

 

Y a-t-il des compétitions au programme cet hiver?

Il n’y a plus rien pour l’heure, les rendez-vous tombent les uns après les autres. Les Championnats de Suisse initialement programmés en décembre à Lucerne ont été repoussés fin février. J’avais prévu de ne participer qu’à des concours en catégorie seniors. Il devait s’agir d’une saison de transition pour moi. On verra, on s’adaptera. À vrai dire, je ne suis pas la plus mal lotie car, depuis l’été, je ressens des douleurs en bas du dos, et j’ai dû ralentir un peu. Je ne peux pas affirmer que je suis contente que les concours soient annulés, ça m’énerve même, mais je ne me plains pas trop, car cela me permet de me soigner sans le stress des échéances. On en profite pour revoir un peu les bases. Le travail fourni en ce moment ne sera pas perdu. En ce sens, c’est un mal pour un bien.

 

À quoi sont dues ces douleurs?

Je pense que cela est le résultat d’une surcharge à la reprise après le confinement du printemps. J’ai passé une IRM, et on m’a conseillé de faire du renforcement. Depuis, je connais des hauts et des bas. Il faut que je dose. Avec ces aléas, il m’a fallu du temps pour retrouver mes sauts après la pause, alors on a adapté le programme.

 

À quelle fréquence patinez-vous?

Deux fois par jour en semaine, de 6h à 7h30 et de midi à 13h30, sauf le lundi, mon jour de congé. Et encore le matin le week-end. À Yverdon, j’ai retrouvé ma coach formatrice, Yahel Nicodet. Je vais aussi faire de la gym et de la condition physique à Champagne, auprès d’Elena Cornu, quatre fois par semaine. Quand je me sens bien physiquement, on essaie de travailler avec intensité sur la glace, et quand j’ai mal, on force moins. Ça fait un peu des vagues.

 

Trois heures sur la glace, c’est suffisant?

C’est le strict minimum. Avant cela, j’ai connu Colmar, en France, Bergame et Turin, en Italie. Trois structures totalement différentes, avec des rythmes et méthodes différents. À présent, je me retrouve un peu avec un mélange de tout ça.

 

Ça ne vous gêne pas de devoir vous lever tôt pour griffer la glace à 6h tapantes?

Non, ce d’autant plus que le matin, je trouve les meilleures conditions, puisque je suis seule ou avec très peu de monde (ndlr: les membres du CPAY sont plus nombreux à se partager la surface à midi). Par contre, la glace est encore un peu givrée.

 

Vous n’avez pas rencontré de problème pour pouvoir continuer à vous entraîner à Yverdon-les-Bains, malgré les récentes mesures?

J’ai pu continuer tout le mois de novembre, sauf les deux ou trois jours durant lesquels la patinoire a fermé. Je possède une talent card de Swiss Olympic et une attestation de Swiss Ice Skating grâce auxquelles je suis considérée comme sportive d’élite. Durant un  moment, on a dû patiner avec le masque, ce qui était un peu fastidieux. À présent, tout se déroule normalement.

 

On vous imagine soulagée…

C’est certain, car ne pas toucher la glace longtemps, c’est très ennuyant. Durant le confinement, je n’y ai pas eu accès pendant quatre mois, c’est énorme. Le patinage artistique est un sport très technique, de répétitions. On a besoin de refaire les mouvements tous les jours. Et c’est encore plus mon cas: j’ai déjà de la peine à retrouver mes sensations après une semaine de vacances…

 

Dans ces conditions, quelles sont les perspectives de la saison?

En tout cas les Championnats de Suisse élite, en espérant qu’ils puissent avoir lieu. Et, en tant que membre du cadre national, j’ai droit à cinq compétitions internationales cet hiver. Alors, s’il y en a, peut-être que je m’y présenterai.

 

Qu’espérez-vous aux Nationaux?

J’ai fini 4e l’an dernier, tout près de la médaille, après avoir réalisé ma plus mauvaise prestation depuis des années. J’étais 3e après le court, et j’ai perdu ma place sur le podium, alors j’ai une petite revanche à prendre.

 

On vous découvre avec des cheveux extrêmement longs, bien plus que d’habitude. Cela a-t-il une signification particulière?

Non non, c’est juste un truc comme ça, que j’ai décidé. Il ne faut pas chercher! D’habitude, je les coupais toujours l’été. Je veux une fois les laisser aller jusqu’aux hanches, et ensuite je les raccourcirai.

 

 

Un souvenir format olympique au saut du lit

Tous les matins, lorsqu’elle se réveille, Anaïs Coraducci se voit aux Jeux olympiques de la Jeunesse. Et pour cause, la patineuse a accroché à son mur un puzzle géant d’elle en train de performer sur la glace de Lausanne 2020. Elle et son papa ont assemblé les 2000 pièces durant le confinement. Cela a pris deux mois et demi. «Il faut dire qu’il y a beaucoup de blanc sur la photo. On a d’abord fait les anneaux olympiques, la ligne, et ensuite c’était la galère…», lance la Cheyroise de 17 ans. Qui reconnaît que c’est son papa qui l’a fini!

Manuel Gremion