Motocross – Le pilote Killian Auberson avait pour habitude de s’exprimer sur sa moto plus que par des grands discours. La douleur, la solitude, les moments les plus durs, mais aussi les perspectives et l’espoir: devant son nouveau combat, celui de sa vie, celui pour remarcher, l’homme n’élude aucun sujet.
Killian Auberson, avez-vous des souvenirs de votre accident?
Je me souviens de chaque seconde. J’ai eu un problème mécanique sur un saut, du coup je suis parti en avant, et je suis arrivé la tête la première dans le saut suivant. Je me suis retrouvé par terre, à plat ventre. Au début, j’ai pensé «nickel, je n’ai rien», car je n’avais pas de douleur. Mais au moment où j’ai voulu me relever, rien ne fonctionnait. Je sentais juste mes bras, plus rien d’autre. J’ai vite compris ce que c’était.
À cet instant, comment réagissez-vous?
Je connais un peu le verdict. Dans la moto, c’est quand même assez courant. J’ai assez d’amis qui ont eu ça… Un autre pilote s’est tout de suite arrêté. Je lui ai dit que je ne sentais plus mes jambes, et les secours ont été directement appelés. Personne ne m’a touché et ils ont immédiatement appelé un hélico. J’ai vraiment bien été pris en charge, ils ont vraiment fait attention à tout.
Et une fois à l’hôpital?
On m’a fait un scanner et tout ça, et j’ai été opéré dans la foulée. Je me rappelle plus trop, car j’ai directement été sous perfusion. Je me rappelle qu’on m’a expliqué ce que j’avais et j’ai juste pu appeler ma femme avant l’opération.
La panne mécanique dont vous avez parlé, de quoi s’agissait-il?
C’est la bielle qui a cassé. Un problème que j’avais déjà eu plusieurs fois sur mes motos par le passé. Ça peut arriver à tout moment. La moto s’arrête et, avec la perte d’inertie, tu pars en avant, tu ne peux rien faire. Moi, c’était sur un petit saut, donc je ne m’y attendais pas du tout. La roue avant n’a pas passé le saut et je suis parti en avant dans celui d’après.
Qui était présent lors de l’accident?
Il y avait pas mal de pilotes, dont un autre de mon team, et aussi ma femme.
Avez-vous craint pour votre vie?
Non, mais les premiers jours étaient vraiment horribles. À ce moment-là, je pense que j’aurais préféré mourir. J’avais l’impression d’être emprisonné dans mon corps.
«Les premiers jours, je pense que j’aurais préféré mourir. J’avais l’impression d’être emprisonné dans mon corps.»
Comment se sont déroulés les jours suivant l’opération?
J’ai passé quatre jours aux soins intensifs. Pendant une semaine, je n’ai rien fait, je suis resté au lit. Dès qu’on me mettait assis, je tombais dans les pommes. On m’a ensuite transféré au centre de rééducation associé à l’hôpital, toujours à Salt Lake City. J’y ai passé un mois. J’ai tout appris rapidement pour être autonome. Je déteste les hôpitaux, et je voulais pouvoir rentrer chez moi.
Quand vous dites «tout», c’est quoi que vous avez appris?
Tu dois apprendre à te transférer, de ton lit à ta chaise, de ta chaise à d’autres endroits comme le canapé. J’ai dû apprendre à me transférer dans un siège d’avion, car j’allais prendre un vol pour rentrer. Ils t’apprennent à faire tes soins aussi, à te doucher et tout ça. C’est beaucoup plus compliqué que pour quelqu’un de normal. Habituellement, c’est un processus qui prend du temps. Je crois entre trois et six mois minimum en Suisse, et moi j’ai réussi à tout apprendre en un mois. Le fait d’être sportif a beaucoup aidé. Mon corps était plus apte à bouger, du coup ça a été super vite.
À ce moment-là, qui y avait-il autour de vous?
Personne, parce qu’avec le coronavirus, je devais être seul. Les visiteurs n’étaient pas autorisés. Au début, la première semaine, ils ont quand même laissé venir ma femme, j’ai ensuite passé trois semaines tout seul, puis elle a pu revenir les deux dernières semaines. Elle devait aussi apprendre certaines choses pour m’aider.
Ensuite, vous prenez la direction de votre maison en Californie…
Je devais aller dans un centre spécialisé pour remarcher, sauf qu’au moment où je suis arrivé, il a dû fermer à cause du Covid. Du coup, je me suis retrouvé un peu coincé à la maison. Je ne pouvais pas rentrer en Suisse, car il n’était pas possible de me rapatrier non plus. Au début, je devais l’être par avion médical, mais ce n’était pas possible, car les médecins suisses n’avaient pas le droit de venir sur le sol américain. Alors je suis allé en Californie. Je me suis fait un peu une salle, on va dire, dans mon garage pour m’entraîner un peu, pour bouger quoi.
Sans le moindre accompagnant?
Non, juste ma femme.
C’est rude quand même!
C’était assez compliqué, oui. Ça a duré un mois comme ça. Ensuite, j’ai pu me rendre dans un autre centre en Californie, mais ce n’était pas bien. On a alors décidé de rentrer. J’avais besoin de voir ma famille, mes amis. Ça devenait trop compliqué d’être seuls là-bas.
Comment vos proches ont-ils réagi à cet accident?
Pour mes parents, c’était évidemment un choc. C’était dur pour eux. Pour mon frère aussi, mais il s’est vite montré super positif, il a tout de suite réussi à accepter la chose. Mes amis aussi m’ont beaucoup soutenu. J’ai reçu énormément de messages, mais mes amis proches et ma famille m’écrivaient tous les jours pour me soutenir. Tous ont su être assez positifs.
C’était quelque chose d’important?
Comme je n’ai pas une lésion complète de la moelle épinière, ça veut dire que j’ai un espoir de récupérer. Et, dans ces cas-là, plus tu es positif, plus ton corps peut récupérer. Plus tu augmentes tes chances d’y arriver. C’est aussi pour ça que les médecins étaient assez positifs, et que mon entourage a réussi à l’être.
Et vous?
Ben, pfff, c’est quand même dur. Toute ta vie s’écroule. J’ai tout perdu, tout ce que j’avais construit ces dernières années. Y’a des moments où t’en as marre, et d’autres où ça peut aller. Les premières semaines au centre de Salt Lake City, ça allait, car je faisais pas mal de progrès, ça a été assez vite. Ce n’est pas agréable à vivre, mais je n’ai pas non plus été dans la dépression. J’ai vite appris le programme en place pour les paralysés et, la dernière semaine, ils ne savaient plus trop quoi me faire faire. Je ne sais pas comment on peut dire ça, mais c’était gratifiant.
À votre retour en Suisse, pourquoi n’êtes-vous pas revenu chez vos parents à Épautheyres?
Je ne peux pas y habiter, la maison n’est pas adaptée. Il y a beaucoup d’escaliers, les salles de bains sont trop petites. C’est pour ça que j’ai dû venir ici, à Villars-le-Terroir, où tout avait été prévu pour que je m’installe directement.
«Si je n’avais pas ma famille, je serais très seul.»
Comment avez-vous trouvé ce logement?
C’est le meilleur ami de mon père, qui est aussi le propriétaire de la maison qu’on a aux États-Unis. Ils avaient cette maison qu’ils n’utilisaient pas, lui habite de l’autre côté du motel.
Aujourd’hui, qui vous entoure?
Beaucoup ma famille. Ma femme est partie, mais on est toujours en contact. Il y a aussi surtout mon meilleur ami, Tim Jaunin, et quelques autres copains qui passent de temps en temps, mais on se retrouve quand même assez vite seul. Si je n’avais pas ma famille, je serais très seul.
Vous êtes séparé de votre épouse?
C’est compliqué. Ça a vraiment été une période difficile. Lorsqu’on s’est retrouvés seuls en Californie, je n’étais pas facile à vivre, souvent de mauvaise humeur. C’est tout elle qui se prenait sur la tête, c’était dur. Elle a eu besoin de respirer un peu. Normalement, elle va bientôt revenir. Comme je vais mieux, j’espère que ça va mieux se passer aussi.
Comment vous en sortez-vous dans votre habitation?
Je me débrouille tout seul. J’ai juste une femme de ménage. Je n’ai pas besoin d’aide à domicile, je sais tout faire seul. J’ai tout ce qu’il faut, pour la douche, aux toilettes. Je me débrouille bien, alors je ne vois pas l’utilité d’avoir une aide extérieure.
Les gens viennent vous voir?
Tous les mardis soir, j’ai mon frère Kevin qui vient manger avec sa famille. En semaine, à part ma famille, il n’y a pas grand monde qui passe.
Vous vous rendez trois fois par semaine au Max Régénération Center à Bullet de Benoît Thévenaz pour votre thérapie. Y avait-il d’autres options?
Les assurances auraient voulu que j’aille à la SUVA, à Sion, ou à Nottwil. Là où vont normalement les gens après un accident comme le mien. Moi, ça ne me servait à rien de m’y rendre, parce qu’ils t’apprennent à vivre en étant paralysé, et moi je l’ai déjà fait aux États-Unis en un mois. Dans les centres comme ça, en Suisse, on ne va pas te pousser à remarcher. Ça ne m’intéressait pas du tout, alors que chez Benoît, c’est vraiment spécialisé pour faire évoluer ton corps. Voilà pourquoi je voulais y aller.
Vous espérez toujours marcher un jour?
Marcher, je ne sais pas, mais récupérer le plus possible. Je suis paralysé depuis là (ndlr: il montre le haut de sa poitrine), mais je peux récupérer des abdos, et j’ai déjà récupéré des muscles dans le dos. Plus tu récupères et plus c’est facile à vivre. Le but, c’est vraiment de faire le maximum.
Vous avez des douleurs?
Oui, j’en ai beaucoup au dos. On a enfin trouvé le problème. On m’a mal opéré aux États-Unis. En fait, ma vertèbre s’est écrasée et est partie en miettes. Ils auraient dû faire une greffe ou la remplacer. Ça fait cinq mois que j’ai super mal au dos, parce que l’os n’arrive pas à se réparer, et ça force sur tout le matériel qui m’a été mis. Ça force tellement qu’il est en train de sortir.
Vous allez devoir être réopéré?
Oui, ce sera au CHUV normalement. Ils vont devoir tout refaire de A à Z.
Ça vous angoisse un peu?
Au contraire, car c’est vraiment invivable. Je dois passer la plupart de mes journées couché. En étant assis, j’ai super mal au dos, c’est l’horreur. Si ça me permet de me sentir mieux, il faut vraiment faire cette opération. C’est clair qu’il y a un risque, vu qu’ils doivent tout refaire. J’espère que tout ira bien.
«Je ne me vois pas abandonner sans avoir donné mon maximum.»
À quoi ressemble votre quotidien?
J’ai déjà beaucoup de peine à dormir, car j’ai beaucoup de spasmes, les jambes qui bougent. Les nuits, c’est assez compliqué. Parfois je fais des nuits blanches, je ne ferme pas l’œil, alors je dors un peu le matin. Le reste du temps, une fois réveillé, il me faut bien une demi-heure pour réussir à détendre mes jambes, car pendant la nuit, elles se crispent. Une fois que je me lève, je vais faire mes soins. Il faut compter une heure et demie – deux heures. Après, c’est déjà midi ou plus. J’ai créé une marque d’habits, du coup je gère les commandes, ce qui me prend pas mal de temps. Souvent, ensuite, je vais me coucher un moment, car j’ai mal au dos. Je me repose ou je fais des trucs sur mon ordi en étant allongé. Et quand je ne vais pas à Bullet, j’essaie de toujours faire un peu de sport ici.
Hormis la maison et le centre de Bullet, vous voyez quelque chose?
Rien, car j’ai si mal au dos que je ne peux même pas aller me promener et, en voiture, c’est là que je souffre le plus. Je ne peux rien faire.
Que reste-t-il de vos muscles des jambes?
L’avantage et le désavantage que j’ai, c’est d’avoir beaucoup de spasmes. Ça garde la musculature, ça la fait travailler. À vivre, c’est pénible, mais pour les muscles, c’est bien. Ça aide pour la récupération. Quand tu arrives à recontrôler un muscle, s’il n’a pas tout perdu, c’est plus simple pour le reconstruire.
Comment ça se passe à Bullet?
Bien, j’ai bien progressé depuis le début, il y a deux ou trois mois.
Comment se mesurent ces progrès?
Maintenant, j’arrive à contrôler mon corps jusqu’aux hanches, à peu près. Y a des trucs qui fonctionnent et d’autres pas. Par exemple, j’ai récupéré beaucoup de muscles dans le dos, je commence aussi à récupérer les abdos. Je ne ressens pas les choses en-dessous, mais j’arrive à contrôler des muscles de mon bassin. Ça veut dire que quand je suis debout, j’arrive à tenir mon bassin. Normalement, quand tu es paralysé et que tu te mets debout, sans quelque chose qui te tient derrière, tes fesses repartent en arrière. Comme j’arrive à tenir ça, quand je marche en déambulateur, j’arrive à le faire sans ceinture pour me maintenir.
L’évolution paraît vraiment rapide!
Ils n’ont jamais vu quelqu’un qui progressait aussi vite.
Ça fait du bien au moral?
Vraiment, oui. Car avec ces douleurs, la vie est un calvaire. J’ai pas trop de plaisir à vivre, alors ces progrès me poussent à tenir et à rester positif pour la suite.
Vous avez dit que vous auriez presque préféré mourir les premiers jours. Et à présent, avec le recul?
Il y a des semaines où c’est difficile. Quand tu fais des nuits blanches avec ces douleurs, tu te dis mais pourquoi vivre comme ça? Et d’autres où ça va. Ça dépend beaucoup du sommeil. Quand je ne dors pas, je fais des chutes de pression, la journée devient un calvaire, c’est interminable.
Qu’est-ce qui vous pousse à vous battre?
Le fait que je récupère. Je ne me vois pas abandonner sans avoir donné mon maximum. Et aussi pour ma famille. Ce serait égoïste de ma part de ne pas me battre. Je prends ça comme un challenge, celui d’essayer d’aller le plus loin possible.
Avez-vous accepté ce qui vous arrive?
Non. Quand tu fais tous les jours du sport et que tu te retrouves le lendemain à plus pouvoir rien faire… On en parle beaucoup à Bullet. C’est encore plus dur à accepter pour un sportif que pour une personne normale. Après, j’accepte que c’est arrivé. Je connaissais les risques. Mais accepter réellement, je ne pense pas que ce soit possible.
Quand vous vous retrouvez devant le miroir, comment réagissez-vous?
C’est un des trucs avec lesquels j’ai eu le plus de peine au début. J’ai toujours eu un corps de sportif, et là de voir qu’il change… Tu perds des muscles, l’estomac se détend, t’as l’impression d’avoir un gros ventre. Maintenant, ça va mieux, mais je ne passerais pas des heures à me regarder devant la glace.
«J’ai travaillé toute ma vie de sportif pour vivre ce que j’ai vécu cette année.»
Et le regard des autres, vous le sentez différent?
Je suis quelqu’un qui me fous assez de ça, alors je n’y porte pas trop d’attention. Mes amis et ma famille n’ont pas trop changé leur regard.
Vous acceptez de vous faire aider?
Quand j’ai vraiment mal au dos, oui. Pour le reste, je n’en ai pas beaucoup besoin. Par exemple, en ville, ma mère veut me pousser. Je lui dis maman, j’ai la chance d’avoir mes bras, autant que je pousse. C’est clair que si je suis en galère, des fois je dis oui. Par principe, j’essaie de faire moi-même, mais je ne veux pas m’infliger des choses juste pour faire seul.
Vous avez perdu du poids?
La dernière fois que je me suis pesé, c’était aux États-Unis, avant que je rentre en Californie. J’avais perdu 10 kilos.
Ça vous a fait peur?
J’aurais plus peur si j’en prenais! Je vois mon corps changer, je vois que je perds mes muscles, mais je n’y prête pas trop attention.
Aller régulièrement à Bullet, avoir des exercices à suivre, c’est quelque chose qui fait du bien?
Oui, ça me fait un peu retrouver ma vie d’avant, de sportif. Le fait d’aller là-haut, de travailler, que ce soit dur physiquement. C’est un peu tout ce que j’ai fait toute ma vie, et c’est quelque chose qui me plaît.
Quel genre d’exercices y faites-vous?
On travaille beaucoup debout, l’équilibre dans les barres parallèles, et pas mal de mouvements pour le bassin et les muscles alentour car pour les jambes, c’est de là que ça fonctionne. Je fais aussi beaucoup de marche assistée.
Jusqu’où vos progrès peuvent-il vous mener?
C’est impossible à dire. Comme j’ai une lésion incomplète, je peux récupérer, comme je pourrais ne rien avoir. Les sensations ont déjà évolué au-dessous de ma paralysie, mais au toucher, ce n’est et ne sera plus le même feeling.
Vous avez la sensation de toucher le sol?
Non, du tout. Je dis toujours que j’ai l’impression de voler. Si tu regardes pas tes pieds, tu as le sentiment d’être dans le vide.
L’expérience de Benoît Thévenaz, son parcours, doivent être précieux.
Il m’a appris plein de choses et m’a surtout bien soutenu. Il m’a écrit tous les jours depuis le début. Il m’a aidé à garder le moral, m’a guidé dans toutes ces nouvelles choses. Il voit les progrès que je fais et trouve que c’est vraiment bien. Il sait de quoi il parle. Je dis que c’est un Terminator, depuis les années qu’il travaille, alors qu’il a une lésion complète. Il arrive à être super indépendant en étant tétraplégique. Ça doit être un des seuls comme ça en Suisse.
Ce que vous aviez construit aux États-Unis, c’était votre rêve?
J’ai travaillé toute ma vie de sportif pour vivre ce que j’ai vécu cette année. Depuis tout petit, je voulais vivre aux États-Unis. Mon rêve était d’avoir un team, et cette année tout s’était concrétisé. J’avais réussi à avoir un visa pour quatre ans, on avait une belle maison, on m’avait pris dans un team et j’avais obtenu de bons résultats.
Et maintenant, quel rêve vous reste-t-il?
C’est difficile de se projeter. Je ne sais pas comment la suite de ma vie sera. Le but est, dans un premier temps, de récupérer le plus possible. Après, on verra. Ça dépendra de ma récupération, de mon corps. Si j’arrive à récupérer la plupart de mes muscles, mes jambes, j’aimerais bien retourner aux États-Unis, rester dans le milieu de la moto. Il y a beaucoup plus d’options pour y travailler. Si je dois rester ici, je ne sais pas exactement ce que je ferai.
Financièrement, les frais, les aides, comment ça se passe?
La situation est assez complexe avec les assurances, vu que mon accident a eu lieu aux États-Unis. Tout prend du temps. Pour l’heure, j’ai juste ma complémentaire qui me verse un salaire tous les mois. Mais ce n’est pas grand-chose. Je dois encore aller faire un diagnostic à Sion, par des médecins spécialisés, pour que je puisse toucher des primes.
Vous suivez encore la moto?
Oui, je n’ai pas de haine contre le sport ou autre. Je regarde tout le temps, tous les jours. J’ai suivi le supercross directement après mon accident. Ça me fait du bien, c’est ma passion et ça le reste. J’ai toujours du plaisir à regarder. J’étais conscient des risques. Beaucoup de sportifs qui ont eu des accidents comme ça, cela ne leur est pas arrivé dans leur sport. Je pense que c’est encore plus dur à accepter que pour moi.
Êtes-vous quelqu’un de patient?
Pas du tout. Là, je progresse, mais je trouve que c’est interminable. Toutes les blessures que j’ai eues, j’ai toujours fait en sorte que ça aille plus vite que la normale. C’est un peu le défaut du crossman, on est un peu tous comme ça.
Vous en voulez à quelqu’un, à quelque chose?
Un peu à la vie, parfois. Mais sinon non, à personne. J’ai fait mes propres choix, je ne peux en vouloir à personne.
Pourquoi avez-vous accepté de parler publiquement à présent?
Au début, je voulais pas voir grand monde. J’avais besoin de mes amis, d’être un peu posé dans ma vie. Je n’étais pas prêt à raconter tout ça. À force d’être mieux, d’apprendre à vivre comme ça, c’est plus facile de s’exprimer.
Il vous arrive de rêver du passé, ou alors du futur?
Souvent, oui. La nuit précédente, je me suis vu dans un hôtel, avec les pieds qui rebougeaient. J’ai aussi rêvé plusieurs fois que je marchais dans les barres parallèles.
Vous vous revoyez en moto dans ces rêves?
Non, je ne suis qu’au stade de remarcher.