«Je n’ai pas voulu reproduire avec les jeunes ce que j’ai vécu»
5 avril 2023Yverdon Sport entame le dernier tour dans la peau du leader, demain soir (20h15), en recevant la lanterne rouge Xamax. Avantage ou inconvénient? Le point de vue du capitaine William Le Pogam.
William Le Pogam, YS a toujours bien réagi après ses défaites. Accueillir le dernier du classement, Neuchâtel Xamax, pour rebondir suite à celle contre le Lausanne-Sport, est-ce une bonne chose, ou y a-t-il le risque de sous-estimer l’adversaire?
Je trouve que c’est une bonne chose qu’on prenne Neuchâtel, car c’est un derby. Si on avait rencontré une autre équipe dernière du championnat, typiquement comme Kriens l’année passée, peut-être qu’on se serait dit «bon ok, c’est les derniers…». Alors que là, ce sont des Romands, c’est le derby du Lac, on sait qu’il va y avoir du monde au niveau des supporters, donc je trouve que c’est un bon match pour attaquer le quatrième tour et repartir du bon pied.
Yverdon a déjà battu les Neuchâtelois trois fois en autant de rencontres cette saison, on imagine qu’il y a une volonté d’enfoncer définitivement le clou…
C’est sûr! Surtout que lors de l’exercice 2021-22, ça avait été difficile contre eux (ndlr: trois nuls et une défaite). De toute façon, maintenant, il nous reste neuf matches, et on veut en gagner le plus possible pour espérer quelque chose en fin de saison.
Malgré les bons résultats des Verts, tout le monde s’est toujours montré prudent en soulignant, à raison, que le championnat était long. Là, vous abordez le dernier tour dans la peau du leader. Commence-t-on à parler sérieusement de promotion dans le vestiaire?
En fait, les joueurs expérimentés, on sait ce qu’on a à perdre, ou à gagner. Mais les jeunes, qui constituent la moitié de notre effectif, ne sont pas conscients de ce qu’on est en train de vivre. Ils ont cette insouciance qui nous apporte de la folie, qui fait qu’il n’y a pas de prise de tête, qu’on joue pour gagner chaque match. Pour nous, c’est du bonus. Si on m’avait juste dit en début de saison «tu vas être dans les trois premiers de Challenge League avec YS», je ne suis pas sûr que j’y aurais cru. Alors il faut vraiment profiter du moment présent.
En ayant réalisé un si beau parcours jusque-là, y a-t-il une certaine pression à l’idée de «tout perdre», même si on n’attendait pas YS si haut avant le début de la saison?
On sait bien sûr que l’on peut tout perdre mais, au final, je préfère jouer ces places-là que d’être dans la situation d’une équipe de bas de classement comme Xamax. Car avoir gros à perdre, pour elle, signifie qu’elle risque de ne plus être en Challenge League. À nous de faire en sorte de terminer dans les trois premiers pour au moins aller jouer un gros barrage, parce que c’est vrai que si on finit 4es, il n’y aura rien derrière, on n’aura pas marqué l’histoire du club. Mais on y pensera quand on abordera les quatre-cinq derniers matches. Pour le moment, il faut continuer, garder un bon état d’esprit, se faire plaisir.
Yverdon prouve que l’on peut jouer le haut du classement en ayant une bonne part de jeunes dans son effectif. C’est positif pour la relève, non?
Bien sûr, mais je pense qu’il faut un bon mix. Il ne faut pas avoir une équipe trop jeune, parce qu’elle risque de manquer de maturité dans les moments et les matches difficiles. Mais il faut des jeunes, car ils amènent de l’insouciance, de la folie, de l’envie, ils courent partout. Après, c’est aussi une question d’état d’esprit. Cette saison, à Yverdon, on a de la chance, car on a des super jeunes. Je suis généralement un peu mitigé sur la nouvelle génération, mais ceux qu’on a ont une super mentalité, sont à l’écoute, ils retiennent ce que tu dis et ce sont des bosseurs.
À 30 ans, quel lien avez-vous avec vos coéquipiers qui ont dix ans de moins?
Avec Anthony Sauthier (ndlr: qui a 32 ans), on est tout le temps en train de blaguer, de les mettre à l’aise. Certains, comme Achille Truchot et Saliou Thioune, n’ont même pas 20 ans, ce sont des bébés (rires)! J’étais comme eux, donc je les taquine un peu, pour qu’ils comprennent que, même si c’est notre métier, on est aussi là pour s’amuser, que c’est important de rigoler.
Mais du coup, les jeunes osent-ils vous chambrer en retour?
Ça arrive, mais pas trop. Pourtant, moi, je suis ouvert à tout! Mes coéquipiers, ce sont les personnes avec qui je passe le plus de temps. Alors c’est important que l’on soit vraiment bien ensemble, qu’on parle de tout et de rien, de nos familles, nos copines. Et c’est la force de notre équipe: par exemple, quand on mange à l’hôtel lors des déplacements comme à Vaduz, on reste à table après le repas, on joue aux cartes, on est tout le temps ensemble.
Ce qui n’est pas le cas partout.
Non, j’ai connu des clubs où chacun rentrait tout de suite dans sa chambre. Alors que nous, on tarde, jusqu’à ce que le coach vienne nous dire «bon les gars, vous pouvez y aller» (rires). Mais j’ai été à la place des jeunes et, pour notre génération, ça n’a pas été facile, parce que les plus vieux étaient vraiment durs avec nous. Ce n’était pas la même école. On devait laver les crampons, on attendait que les plus âgés soient assis pour prendre place, on passait en dernier pour aller manger. Je ne dirais pas que je n’ai pas apprécié, mais ce n’était pas facile, et je n’ai pas voulu reproduire avec les jeunes ce que j’ai vécu. Surtout qu’ils ne vont pas être irrespectueux, malpolis. Je préfère être cool, blaguer avec eux, écrire quand ça ne va pas, plutôt que d’être dur.
Il fait la paire avec Anthony Sauthier
Après avoir été camarade de chambre, lors des déplacements, avec Hugo Fargues et Miguel Rodrigues, William Le Pogam s’est retrouvé avec Anthony Sauthier.
«Je l’avais déjà côtoyé à Servette, c’est la personne avec qui j’ai passé le plus de temps, qui m’a le plus épaulé: on joue au même poste, il est plus âgé que moi, il a connu la Super League. Il m’aide toujours un peu dans mon rôle de capitaine, car il a longtemps porté le brassard à Genève», apprécie William Le Pogam. Qui l’a d’ailleurs eu comme capitaine à Servette, avant que les rôles ne s’inversent à YS. «On peut autant parler sérieusement, de foot, de la vie de tous les jours, que déconner», rigole le latéral.