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«Je n’ai rien à voir avec ces incendies»

17 septembre 2014

Accusé dans un premier temps de onze, puis finalement de cinq incendies, le pyromane d’Yverdon passait, hier, devant ses juges.

L’accusé lors de son arrivée au Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, hier matin.

L’accusé lors de son arrivée au Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, hier matin.

Une demi-journée. Pas plus. C’est le temps qu’il aura fallu, hier matin, au Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois pour boucler l’un des procès les plus attendus, ces derniers mois, dans la région. Soit celui de Marc*, la quarantaine finissante, rondouillard à la bonhomie de façade, pyromane multirécidiviste et, surtout, depuis son arrestation en décembre 2013, auteur présumé de plusieurs incendies en ville d’Yverdonles- Bains -sinistres qui s’inscrivent dans la fameuse «vague d’incendies » qui a frappé la Cité thermale l’année dernière.

«Pas vu, pas pris»

Pas de tous, mais d’au moins onze, selon l’acte d’accusation, parmi lesquels -les plus médiatisés à l’époque- celui d’un entrepôt CFF à la rue Saint-Roch, en date du 6 septembre 2013, celui d’un cabanon de jardin, à la rue Haldimand, quelques minutes plus tard, celui d’une cave à la rue des Philosophes 18A, le 20 septembre 2013, ou encore, le 12 décembre de la même année, celui d’un container adossé au Théâtre Benno Besson. Un dernier acte à la suite duquel Marc sera finalement arrêté, puis placé en détention préventive à La Croisée, à Orbe, d’où il a été extrait, hier matin, afin de venir répondre d’incendie intentionnel, de tentative d’incendie intentionnel et de contravention à la Loi sur les stupéfiants. Et c’est peu dire que dans le cas précis, le terme «répondre» est pour le moins galvaudé.

Et pour cause : ainsi que l’a relevé le procureur Patrick Galeuchet lors de son réquisitoire, la stratégie de défense de l’accusé a consisté, toute la matinée durant, à prôner le «pas vu, pas pris». Une posture qui a cependant le mérite d’être en adéquation avec l’attitude de Marc durant toute l’instruction. Une période lors de laquelle l’accusé a longtemps nié être impliqué dans le moindre de ces onze incendies. Avant de finalement en reconnaître un seul, le dernier, celui du container du Théâtre Benno Besson. Un aveu, détail important, concédé après avoir été confronté à la vidéo le montrant en train de bouter le feu au dit container. «Parce qu’il était à côté de moi, me dérangeait et sentait mauvais. Alors, je lui ai mis le feu. Point barre», a justifié l’accusé, hier matin.

De onze à cinq incendies

Le reste ? «C’est trop facile de me mettre ça sur le dos et, d’ailleurs, pour plusieurs de ces cas, je n’étais pas là. Je n’ai absolument rien à voir avec ces incendies», a martelé Marc. Une posture qui n’a, de loin, pas fait les affaires du procureur, confronté à un dossier délicat, faute de preuves matérielles indiscutables sur bien des sinistres figurant à l’acte d’accusation. Raison pour laquelle ce dernier, dans son réquisitoire, a finalement fait le choix de revoir l’accusation à la baisse et de ne retenir que les cinq incendies pour lesquels «il n’y a aucun doute sur la culpabilité de l’accusé».

Une conviction basée et argumentée envers le Tribunal sur la base, notamment, de l’étude des vidéos issues des caméras de surveillance posées, pour les besoins de l’enquête, à proximité du domicile de l’accusé et dans une rue du centre-ville, ainsi que sur les nombreuses statistiques qui démontrent l’évolution du nombre d’incendies criminels en ville d’Yverdon-les-Bains, en fonction des périodes où l’accusé avait ou pas l’opportunité de les commettre.

Mais ces faisceaux d’éléments ne font pas encore de Marc un coupable, selon son avocate, Me Alexa Landert. «Parce que si le fait d’être filmé, sortant de chez soi avant d’y revenir, dans la même heure où se déclare un incendie à quelques mètres de chez vous, fait de vous un coupable, alors on peut arrêter tous les habitants du centre-ville», a-t-elle plaidé avant d’ajouter qu’«au début de l’année aussi, il y a eu plusieurs incendies criminels à Yverdon », alors que son client était enfermé.

Troubles gravissimes

Reste à savoir si ces arguments sauront convaincre le Tribunal qui rendra son verdict par écrit aux parties. L’avocate de Marc demande «une peine modérée» pour l’incendie reconnu, ainsi que pour la consommation et l’achat de Dormicum et de marijuana, par son client, entre septembre et décembre 2013. Une peine qu’elle aimerait voir assortie d’une libération immédiate au regard des neuf mois de prison préventive déjà effectués par son client et d’une suspension au profit d’un traitement des addictions et d’un traitement ambulatoire. Le procureur, quant à lui, et tenant compte des antécédents, du déni complet et de l’absence de collaboration de l’accusé, a requis trois ans d’emprisonnement et ordonné un traitement institutionnel. Le psychiatre entendu à titre d’expert durant l’audience n’ayant pas caché que les risques de récidive sont importants si Marc n’est pas soigné. «Car ce dernier souffre de troubles gravissimes de la personnalité, dont la pyromanie n’est que la manifestation.»

*Prénom d’emprunt.

 

Un lourd passé

Pyromane notoire, Marc a déjà été condamné, en 1995, à Lausanne, à six ans d’emprisonnement pour avoir allumé 91 feux. En 2011, il avait écopé d’un an d’emprisonnement pour d’autres incendies, allumés à Yverdon, dont l’un, déjà aux Philosophes, avait failli lui coûter la vie.

Raphaël Muriset