Valeur immobilière - Les victimes de l’application de la révision de la LAT, ce sont eux, des propriétaires qui voient des centaines de milliers de francs s’envoler d’un coup.
Difficile d’y voir une logique. Selon le nouveau PACom de Tévenon, Pierre Krummenacher possède une parcelle en zone agricole… en pente et entourée d’habitations! On voit mal en quoi «rendre» cette parcelle aux agriculteurs empêche le mitage du territoire. Comble du comble, le propriétaire n’a même pas le droit de faire pousser une carotte sur son terrain. Pour utiliser un terrain en zone agricole, il faut être agriculteur. «J’ai tous les inconvénients, comme l’obligation d’entretenir le terrain, sans avoir aucun bénéfice», explique l’ingénieur.
Surtout, ce qui révolte Pierre Krummenacher, c’est qu’il ne pourra probablement pas toucher un centime d’indemnité. «On nous a dit que ça serait très compliqué. Vu que le PACom précédent (anciennement appelé Plan général affectation ou PGA) qui concernait Villars-Burquin ne prenait pas en compte la révision de la LAT, alors l’injustice qui me touche ne serait pas la faute du Canton. Mais ce plan, le Canton l’avait approuvé! On se fait rouler…»
Avec une fourchette basse, l’homme estime ses pertes à environ 180 000 francs en comptant le prix d’achat des parcelles dans les années 1980. S’il compte le prix auquel se revendraient ces terrains s’ils étaient encore constructibles, il dépasserait les 400 000 francs. «Le Canton comme la Municipalité m’ont dit qu’un PACom, ça créait forcément des injustices. Je veux bien l’entendre, mais là où il y en a, les indemnités devraient y palier.»
Sauf que le Canton estime que puisqu’il n’a rien construit sur sa parcelle en 35 ans, Pierre Krummenacher n’avait pas l’intention de le faire. «Mais la réalité du terrain est bien plus complexe que les critères de décision qui définissent le PACom… Chacun à son calendrier de construction. Ce n’est pas un petit projet.»
Pierre Krummenacher, comme d’autres propriétaires de Tévenon, réfléchit à recourir à titre individuel contre le nouveau plan.
De quoi on parle?
LAT: Les difficultés que rencontrent certaines communes aujourd’hui partent de la votation fédérale sur la révision de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT), largement acceptée par les Suisses en mars 2013 (62,9%).
Son objectif: La première étape de cette révision est entrée en vigueur en mai 2014. L’objectif principal était d’éviter le mitage du territoire, et donc de gaspiller les terres agricoles. Un objectif qui n’est pas un simple vœu pieu. Des mesures concrètes sont là pour s’assurer que la densification qui devrait éviter ce mitage soit mise en place.
Exemple de mesure: La définition d’un taux de croissance annuelle limité à 0,75% pour les villages hors-centre, à l’image de Tévenon et de Valeyres-sous-Rances. Ainsi, on obtient un nombre d’habitant maximum que la commune peut atteindre jusqu’à 2036. Si la surface déjà bâtie dépasse les besoins pour ce futur nombre d’habitants, alors la commune est surdimensionnée et doit dézoner.
«Les communes nous font toujours le reproche de ne pas prendre en compte le terrain»
L’approche du Canton de Vaud en matière de plans d’aménagement des communes est critiquée par plusieurs d’entre elles. Selon Pierre Imhof (en photo), le directeur général du territoire et du logement de l’État, «les communes nous font parfois le reproche de ne pas prendre en compte le terrain, quel que soit le sujet. Mais il faut comprendre que les lois s’appliquent à l’ensemble du canton.» Pour lui, les plans d’aménagement présentés par les communes doivent justement permettre à ces dernières de défendre les réalités du terrain.
Les communes accusent aussi le canton de mettre en avant certains objectifs de la LAT plutôt que d’autres, notamment, dans le cas de Valeyres-sous-Rances, de valoriser les surfaces d’assolement au détriment du développement économique. «L’objectif de protection des surfaces d’assolement et celui de développement économique par exemple, ne s’excluent pas l’un l’autre. D’ailleurs, le plan directeur cantonal a été pensé pour répondre aux besoins des futurs habitants selon un scénario démographique. Un important travail est en cours avec les régions actuellement concernant les zones d’activités», précise Pierre Imhof. En ce qui concerne la prise de décision, il ajoute que «la répartition des compétences entre Confédération, cantons et communes concernant l’aménagement du territoire est le fruit d’un processus démocratique. L’obligation d’une approbation des plans communaux par le Canton vient de la loi fédérale.»
Juin 2022 est la date butoir prévue par le plan directeur cantonal pour les 165 communes qui doivent réviser leur PACom. «Ce délai ne sera pas tenu pour nombre de communes», annonce Pierre Imhof. Actuellement, seules 9 communes ont un plan approuvé et 16 n’ont pas encore atteint le stade de l’examen préliminaire du canton. Celles dont la procédure est en cours pourront voir leur PACom aboutir. Concernant celles qui n’auraient pas commencé, le plan directeur cantonal prévoit une exécution par substitution par le canton.