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«Je suis prêt à prendre tous les risques»
(KEYSTONE/Laurent Gillieron)

«Je suis prêt à prendre tous les risques»

23 septembre 2021

Loïc Gasch se lance à 100% dans le sport, dans l’idée de franchir la barre suivante. Cela implique de trouver les fonds nécessaires.

Réveil, boulot, sautoir, dodo. La cadence quotidienne de Loïc Gasch est sur le point de complètement changer. Le Sainte-Crix de l’USY Athlétisme, employé à la comptabilité de la Commune d’Orbe, a donné sa démission dans le but de se consacrer entièrement à l’athlétisme. Il deviendra «pro» dès le mois de novembre, un peu moins de trois ans avant les Jeux olympiques de Paris, l’objectif ultime du recordman de Suisse de saut en hauteur.

 

Loïc Gasch, qu’est-ce qui vous a convaincu de prendre cette décision à 27 ans?

C’est venu au cours de cette saison. Je le concède, je ne tenais pas le même discours il y a une année. Au final, ce sont plein de petites choses, qui se sont déroulées cette année, qui m’ont fait comprendre que je devais faire le pas.

 

Par exemple?

Par exemple, lorsque je suis allé sauter en Diamond League à Florence. Alors que les autres sauteurs ont bénéficié de quelques jours de repos sur place avant de se rendre aux Championnats d’Europe par équipes en Roumanie, moi, je suis rentré pour aller bosser et reprendre l’avion quelques jours plus tard pour la Roumanie. Un enchaînement qui m’a tué. Une fois à Cluj, on a même renoncé à faire l’entraînement de la veille du concours. C’est là où je me suis aperçu qu’il y avait un problème, par rapport à mes concurrents.

 

Vous en avez parlé avec d’autres sauteurs?

Oui, notamment beaucoup avec Gianmarco Tamberi (ndlr: le champion olympique italien, qui a partagé son sacre avec Mutaz Barshim) lors des JO. Il m’a conseillé, m’a expliqué tout ce qu’il a mis en place depuis les Jeux de Rio pour Tokyo. Un parcours dont j’aimerais m’inspirer.

 

On vous comprend…

Je me suis aussi rendu compte qu’après chaque meeting, les autres profitent de l’événement, de tout ce qu’il y a autour, tandis que moi, je rentre. Je vis les choses à moitié. Par ailleurs, mon entourage me soutient et m’a même poussé à franchir le pas, un ami m’aide à chercher des sponsors. D’où, aussi, la création du Décollage Club, qui est prêt à être lancé aujourd’hui même.

 

De quoi s’agit-il?

C’est une sorte de fan-club, mais sans montant minimal, car on a voulu quelque chose pour toutes les bourses. Par exemple, une connaissance a fait un ordre permanent de 5 francs par mois. Cela se présente sous la forme d’un site web, depuis lequel les gens peuvent soutenir mon parcours jusqu’à Paris, au moins. Cela s’adresse aussi aux entreprises qui veulent me soutenir, mais qui n’ont pas les moyens d’être un sponsor principal. Tokyo m’a ouvert les yeux sur le fait que ce n’est pas une aventure que je vis seul, et je souhaite être le plus actif possible sur les réseaux sociaux pour la partager. J’ai reçu tellement de messages de gens qui se sont levés à 2 heures du matin pour me suivre durant les Jeux!

 

De quel montant avez-vous besoin pour pouvoir vous consacrer uniquement à l’athlétisme ces prochaines années?

Tout compris, pour vivre, je dirais environ 60 000 – 70 000 francs par saison. J’ai déjà quelques sponsors, comme Athletissima – un meeting qui, en plus, m’a toujours fait rêver –, qui me soutiennent dans cette aventure jusqu’aux JO, et j’espère en trouver d’autres d’ici la fin de l’année. Je n’en ai pas encore assez pour être à l’aise. Quant au Décollage Club, cela doit me permettre de compléter l’apport des sponsors, mais on ne s’est pas fixé de montant à atteindre.

 

Qu’est-ce que comprend une saison d’athlétisme, sur le plan financier?

Outre les frais quotidiens normaux, comme un loyer et les courses, il y a les entraîneurs, le coach mental, celui en nutrition, le matériel, les soins, les massages et les déplacements. L’objectif, en arrêtant de travailler à côté, est d’augmenter les temps de récupération et les massages. C’est un nouveau rythme que je dois trouver. En ce sens, je m’apprête à vivre un hiver laboratoire, afin de constater ce qui me convient, de voir comment je réagis, si je suis capable d’assumer deux entraînements par jour, ou simplement d’enchaîner les concours comme d’autres le font. Ce que je n’ai jamais connu, vu que je travaillais à côté.

 

C’est la voie à suivre pour devenir meilleur encore?

J’ai déjà vécu ma première saison internationale complète cette année. Je suis passé d’un athlète souvent blessé à un athlète solide, mais irrégulier. A présent, j’aimerais passer de cet athlète solide et irrégulier, à un athlète solide et régulier. Cela dit, en plus de chapeauter toute mon équipe, je vais conserver une petite activité annexe, puisque je continue mon brevet de spécialiste en finance à raison d’un jour de cours par semaine durant encore six mois.  C’est toujours bien de penser à autre chose que l’athlétisme, de pouvoir se vider la tête.

 

Ne risquez-vous pas d’être parfois un peu ric-rac?

Peut-être, oui, même si je ne pars pas totalement dans l’inconnu. C’est maintenant ou jamais pour prendre ce pari. C’est peut-être cela qui me permettra de passer de 2m33 à 2m37. Un travail, j’en retrouverai un à l’avenir. Ma carrière de sauteur en hauteur, elle, a une date limite. Je suis prêt à prendre tous les risques. Je suis allé aux Jeux olympiques; à présent, j’ai envie de réussir quelque chose aux Jeux olympiques.

 

On vous sent déterminé, convaincu de votre choix.

Complètement. A Athletissima, le mois dernier, c’est la première fois que je me suis senti vraiment à ma place. J’étais à l’aise, je faisais partie de l’équipe. J’ai aussi envie de mettre le record de Suisse sur orbite, de vivre à fond les meetings de Diamond League, les Championnats d’Europe et du monde à venir. Alors oui, je prends tous les risques. Il faut que j’assume mes ambitions.

 

Infos pratiques

Soutenir Loïc Gasch: via le site internet https://decollage.club

Versements par Twint, carte ou BVR.

Possibilité de s’inscrire au Club des 1000 du Décollage Club et de profiter d’avantages.

Manuel Gremion