Yverdon-les-Bains – Une avocate allemande a comparu, hier, devant le Tribunal criminel pour avoir transporté des kilos de cocaïne entre la Suisse et les Pays-Bas par amour pour un trafiquant. Elle risque neuf ans de prison.
C’est une prévenue en larmes qui s’est présentée, hier, devant les juges du Tribunal criminel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois. Une femme de 39 ans submergée par la honte d’être assise sur le banc des accusés, alors qu’elle-même est avocate à Munich. Avant son arrestation à Yverdon-les-Bains, le 26 juin 2017, Lotte* était une femme brillante et entourée d’une famille aimante. Elle est aujourd’hui accusée de blanchiment d’argent qualifié et d’infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants.
Il aura suffi d’une seule rencontre pour que la vie de Lotte s’effondre; celle avec Ayodeji*, un ressortissant nigérian qui vivait entre les Pays-Bas et la Tchéquie, dont elle est tombée éperdument sous le charme. Par amour pour lui et parce qu’il lui avait assuré qu’il voulait construire quelque chose avec elle et avoir des enfants, elle a commis l’irréparable.
Soixante kilos de cocaïne
Entre le 5 novembre 2016 et le 20 juin 2017, Lotte aurait ainsi effectué plusieurs trajets entre les Pays-Bas et la Suisse pour le compte d’Ayodeji. Au moyen d’une voiture de location, elle aurait transporté plusieurs kilos de cocaïne qu’elle acheminait dans différentes villes de Suisse, dont Yverdon-les-Bains. Elle avait été interpellée par les forces de l’ordre à la rue d’Orbe, alors qu’elle s’apprêtait à livrer sa marchandise à un grossiste. A bord de son véhicule, les policiers avaient retrouvé 41 950 francs suisses et 7500 euros, ainsi que 280 grammes de poudre blanche, le reste ayant déjà été remis à d’autres destinataires. Selon l’enquête, Lotte aurait ainsi effectué plus d’une dizaine de trajets de ce type, à en croire les données de son téléphone portable.
D’après l’acte d’accusation, il ressort que Lotte aurait, au total, convoyé près de 60 kilos de coke et plusieurs centaines de milliers de francs entre les deux pays. La jeune femme prenait une commission oscillant entre 200 et 300 euros. «Ayodeji m’avait dit qu’il gardait le reste pour notre futur. Je ne voulais pas le perdre, je voulais juste qu’il m’aime», a-t-elle déclaré au président du tribunal, Donovan Tésaury. Interrogée sur d’éventuels regrets, la prévenue a confié: «C’est horrible ce que j’ai fait, j’ai moi-même consommé de la drogue et ça m’a détruite.»
Le Ministère public a requis neuf ans de prison, une peine lourde vu la quantité de cocaïne et les montants en jeu. Avocate de la défense, Maryam Massrouri a, pour sa part, mis en doute les calculs des enquêteurs concernant les kilos de drogue livrés (lire encadré) et demandé une peine clémente en raison de l’emprise psychologique qu’exerçait Ayodeji sur sa cliente. Le verdict sera rendu demain.
*Prénoms d’emprunt
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Rapport de police flou
Il existe plusieurs zones d’ombre à propos des trajets qu’aurait réalisés l’accusée, comme l’a relevé son avocate Maryam Massrouri. Selon les enquêteurs, le terme «cheveux», régulièrement utilisé par la prévenue dans ses SMS, était un nom de code pour qualifier son trafic. Or, selon sa défenseuse, rien ne permet de l’affirmer.