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La Boucherie des Uttins a fermé ses portes
Venue de Montagny, Nathy a tenu à manifester son amitié aux deux femmes.

La Boucherie des Uttins a fermé ses portes

3 novembre 2022

De nombreux clients sont venus témoigner leur amitié à Gisèle Buchs et à sa fille Natacha.

La Boucherie des Uttins, l’un des derniers petits commerces du quartier du Cheminet, à l’ouest de la ville, a définitivement fermé ses portes. Malgré l’émotion du moment, qui marquait le terme de 46 années d’activité familiale, l’ambiance était à la fête samedi dernier. En effet, de nombreux clients et amis sont venus témoigner leur reconnaissance à Gisèle Buchs et à sa fille Natacha qui, après le départ subit de leur époux et père Frédy, il y a près de treize ans, ont eu le courage de poursuivre l’activité. «On l’a fait pour lui», assurent mère et fille.

La boucherie n’a pas désempli de la journée, tant les clients étaient nombreux à vouloir témoigner leur affection à la patronne, Gisèle, qui va s’accorder une retraite bien méritée, et à sa fille, qui l’a épaulée ces onze dernières années. Beaucoup sont venus avec des fleurs, une bouteille ou d’autres présents. Car les deux femmes ont su faire perdurer l’esprit de famille qui régnait dans ce commerce qui s’est distingué par la qualité de ses produits et un sens du service devenu rare. Il faut dire que le fondateur, Frédy Buchs, un homme chaleureux au franc-parler proverbial, avait indiqué la voie. Cette petite boucherie de quartier était, il y a un demi-siècle, une succursale de la Boucherie Gasser, de la rue de la Plaine.

Originaire des montagnes neuchâteloises – il a fait sa formation à La Chaux-de-Fonds –, Frédy Buchs est venu travailler dans la boucherie yverdonnoise. Et à l’occasion du départ du précédent responsable, il a eu l’opportunité de reprendre le commerce des Uttins à titre individuel. Une aventure dans laquelle il a entraîné son épouse.

C’est d’ailleurs dans le village de celle-ci qu’ils se sont rencontrés. «On s’est encoublés dans un bal de Jeunesse», relate-t-elle un brin taquine. Et d’ajouter: «Je n’avais même pas 20 ans. Frédy avait fait son apprentissage à La Chaux-de-Fonds et moi j’avais une formation commerciale. On a commencé le 1er novembre 1976 et on a sans cesse travaillé pour s’en sortir. En trente ans, on n’a jamais pris de vacances. Frédy, c’était sa boucherie», témoigne Gisèle.

A l’instar de nombreux commerçants de l’époque, la semaine comptait souvent sept jours de travail. Car, avec la concurrence naissante et toujours plus intense des grands distributeurs, il a fallu faire preuve d’imagination et d’engagement pour survivre. En développant un service traiteur avec des produits traditionnels de qualité, la famille Buchs a fait son chemin.

A l’heure du bilan, on ne compte plus les repas de fête, d’anniversaire de société, préparés dans le laboratoire et servis dans toute la région, en particulier les fins de semaine. «Pour un Giron de Jeunesse à Fontaines, on a préparé au moins 400 repas. Faire des plats cuisinés, c’était aussi une manière d’optimiser l’utilisation de la marchandise», se souvient la patronne.

Avec l’évolution des habitudes de consommation, l’élargissement de l’aire d’activité a permis de faire vivre la petite boucherie-charcuterie. «Les bons pour les lotos nous ont beaucoup aidés. Les gens qui les gagnaient venaient chercher la marchandise et s’ils étaient satisfaits, ils revenaient. Beaucoup de clients nous ont connus de cette manière», explique Gisèle.

Le décès subit de Frédy a été vécu comme un coup d’assommoir, mais avec le soutien de ses trois enfants, la patronne a décidé de continuer. D’autant plus que Natacha, qui avait commencé à collaborer avec ses parents peu auparavant, a décidé de l’épauler. Vendeuse en électroménager, elle a complété sa formation pour devenir vendeuse en charcuterie. «C’était peut-être un signe?» s’interroge Gisèle, reconnaissante de cette collaboration: «Elle est comme son père, elle cuisine à l’instinct. Et elle a une fille adolescente et des jumeaux!»

Natacha aurait bien évidemment pu poursuivre l’activité. Mais les contraintes réglementaires et autres exigences de la police du commerce auraient nécessité un investissement démesuré. Elle ne quitte pas pour autant un domaine qu’elle aime et où elle excelle, puisqu’elle rejoindra la Boucherie Buffat, à Vuarrens, un commerce connu pour la qualité de ses produits et sa philosophie de proximité.

Quant à sa maman, elle aspire à profiter de la vie avec son compagnon Umberto et à voyager. Sans oublier un rendez-vous incontournable: «Le loto de Giez, c’est le 25 novembre et c’est sacré!»

Isidore Raposo