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La catastrophe écologique a été évitée de justesse

27 avril 2015

Daillens – Six wagons d’un train marchandises contenant des substances dangereuses, dont 25 tonnes d’acide sulfurique, ont déraillé, samedi au petit matin, a proximité du centre de tri de la Poste. L’incident n’a pas fait de blessé, mais aura de grosses conséquences sur le trafic.

L’acide sulfurique a complètement brûlé la végétation, à l’endroit de son écoulement. © Michel Duperrex

L’acide sulfurique a complètement brûlé la végétation, à l’endroit de son écoulement.

Il était 2h54, samedi matin, lorsque le train marchandises composé de 22 wagons, en provenance de la gare de Muttenz (BL) à destination de la gare de triage de Lausanne, puis de Monthey, arrive, «à une vitesse d’environ 100km/h», selon le chef de l’infrastructure des CFF, Philippe Gauderon, à proximité du centre de la Poste, à Daillens. Un endroit où, «pour une raison encore indéterminée», selon Olivier Rochat, répondant presse de la Police cantonale, le conducteur a alors constaté que les six derniers wagons du convoi, acheminé par une locomotive de CFF Cargo pour le compte de plusieurs clients, avaient quitté la voie. «Ce dernier a alors immédiatement donné l’alerte», poursuit le répondant presse, «et, très rapidement, l’ordre des wagons dans le convoi, ainsi que leur contenu ont pu être communiqués», assure Philippe Gauderon.

Problème: une fois sur place, les pompiers constatent que sur les six wagons, l’un est bien resté accroché au convoi, mais que les cinq autres se sont détachés et que quatre d’entre eux se sont même couchés au travers des voies. Une configuration qui, de fait, complique dès lors l’identification des contenus, «puisqu’après ce déraillement, les wagons n’étaient plus forcément disposés dans leur ordre de départ sur les voies. De plus, chacun est muni d’une étiquette qui mentionne son contenu mais, une fois le wagon couché, elle n’est plus forcément lisible».

Les moyens sur place sont considérables, puisque l’accident a nécessité l’intervention de plus de 130 personnes. © Michel Duperrex

Les moyens sur place sont considérables, puisque l’accident a nécessité l’intervention de plus de 130 personnes.

Ainsi, il faudra plusieurs heures aux pompiers pour identifier le contenu exact des wagons endommagés et déterminer la gravité. Par mesure de sécurité, une quinzaine d’employés travaillant dans les entreprises voisines du site de l’accident, dont ceux présents à l’intérieur du centre de tri de la Poste -toujours inaccessible, hier-, sont immédiatement évacués. Au final, sur les wagons accidentés, «quatre contenaient des produits chimiques (voir ci-dessous), mais seuls deux ont été assez gravement touchés pour connaître des fuites, dont un de manière importante», explique le porte-parole de l’ex-régie fédérale, Jean-Philippe Schmidt.

Population hors de danger

Un wagon-citerne, au premier plan, a été acheminé, hier, afin de transférer l’acide. © Michel Duperrex

Un wagon-citerne, au premier plan, a été acheminé, hier, afin de transférer l’acide.

«Mais à aucun moment la population n’a été en danger, martèle Sylvain Rodriguez, de la Direction générale de l’environnement, puisqu’aucun des produits chimiques, qui se sont déversés dans le terrain, n’étaient apte à former un nuage toxique.» Raison pour laquelle aucune alerte n’a été lancée aux populations des villages alentours, par ailleurs situées assez loin de la zone de l’accident. Quant à une éventuelle pollution des eaux, là encore, la chance a visiblement été du bon côté, «puisque les différents contrôles et mesures, notamment en ce qui concerne les taux de pH, ont permis d’établir que ni la Venoge ni ses affluents n’ont été touchés», a rassuré Sylvain Rodriguez. Et ce même si, là encore par précaution, le site de captage d’eau de la commune de Daillens a été coupé, sans pour autant remettre en question l’alimentation du village en eau potable.

D’heureux hasards qui ont fait dire à Philippe Gauderon, le chef de l’infrastructure des CFF, que «dans ce malheur, nous avons eu de la chance». Mais reste que la tâche qui attend désormais ses employés est colossale, puisque les dégâts (voir ci-dessous) «sur cette ligne ferroviaire vitale sont très importants», a reconnu le chef de l’infrastructure, et «nécessiteront plusieurs jours de travail afin de rétablir, même partiellement, le trafic».

L’Armée en renfort

L’Armée est arrivée, hier, avec un tapis pour permettre aux grues d’accéder au site. © Michel Duperrex

L’Armée est arrivée, hier, avec un tapis pour permettre aux grues d’accéder au site.

Mais avant cela, hier, ce sont plusieurs spécialistes qui s’attelaient, dans un premier temps, à transférer l’acide chlorhydrique contenu dans l’un des wagons accidentés à une autre citerne ferroviaire. Quant au mode opératoire utilisé afin de relever les quatre wagons couchés, de part et d’autre des voies, il n’était pas encore définitivement arrêté, hier après-midi. «Beaucoup de moyens spécifiques, qu’ils soient routiers ou ferroviaires, sont actuellement mis en place», a expliqué le porte-parole de la Police cantonale vaudoise, avant de préciser que différentes grues étaient attendues sur place, en fin d’après-midi, voire en soirée, tout comme l’Armée qui a gagner Daillens avec un tapis métallique généralement utilisé pour réparer les pistes des aéroports, afin de permettre à des grues routières d’accéder au site.

A noter, enfin, que cet accident intervient dans un contexte bien particulier puisque, pas plus tard que jeudi dernier, l’Office fédéral des transports publiait un rapport au sujet du transport des matières dangereuses qui, selon ce dernier, pourrait poser de sérieux problèmes environnementaux sur 52 des 3652 kilomètres de voies ferrées en Suisse. Raison pour laquelle tant les CFF que la Confédération veulent procéder à une analyse de fond et prendre d’éventuelles mesures. Au chapitre de ces diverses matières dangereuses, le chlore fait partie de celles, transportées par train, qui suscitent le plus d’inquiétudes. Une pétition a, par exemple, été lancée, en début d’année, par les Verts genevois, vaudois et valaisans, afin de demander l’arrêt des transports de chlore par rail, ceci à cause du danger que ces convois font courir à la population.

 

Le contenu des quatre wagons renversés

L’un des wagons, le plus sévèrement touché, contenait 25 tonnes d’acide sulfurique à 98%. Contenu qui s’est quasi totalement écoulé.

Le second wagon qui a connu une fuite, très faible, transportait, quant à lui, 57 tonnes de soude caustique à 50%.

Les troisième et quatrième wagons, dont les citernes sont restées intactes malgré le choc, contenaient pour l’un, 52 tonnes d’acide chlorhydrique à 37% et, pour l’autre, 23 tonnes de méthylènedianiline, produit hautement cancérigène.

 

Des dégâts très importants aux infrastructures

L’importance des dégâts explique à lui seul qu’il faudra plusieurs jours afin de remettre l’axe ferroviaire en état.

Ainsi, en plus de deux aiguillages et de deux mâts complètement détruits, l’accident a causé le déplacement de quinze kilomètres de câbles qui devront être remplacés.

Qui plus est, la voie a été endommagée sur environ 300 mètres. Enfin, des armoires du poste d’enclenchement de Daillens sont également sérieusement touchées.

 

Le mauvais souvenir de Lausanne en 1994

L’accident de ce week-end n’est pas sans rappeler celui survenu, dans la capitale vaudoise, il y a bientôt 21 ans. Nous sommes alors le 29 juin 1994 un train, en provenance de Bâle, déraille à 3 heures du matin, en gare de Lausanne. Treize wagons déraillent, dont quatre contenant des produits dangereux, notamment de l’épichlorohydrine. Ce produit, hautement toxique, coule alors sur le ballast et dans les conduites de drainage. Près de 3000 personnes, des quartiers sous la gare, seront évacuées.

 

Bus et importants changements d’horaire

Dès aujourd’hui, la gare d’Eclépens est réouverte au trafic, de même que la ligne entre Vallorbe et La Sarraz. Seuls les tronçons Cossonay-Penthalaz – Eclépens et Cossonay-Penthalaz – La Sarraz restent interrompus au trafic ferroviaire. Des bus remplacent les trains régionaux sur ces tronçons.

Les voyageurs d’Yverdon-les-Bains à destination de Lausanne empruntent des bus navettes pour Cossonay-Penthalaz, puis les trains régionaux jusqu’à Lausanne. Les autres voyageurs de la ligne du Pied du Jura (en provenance ou à destination de Neuchâtel/Bienne) circulent impérativement via Berne et non pas via Yverdon-les-Bains. Une cadence à la demi-heure est, en outre, mise en place, dès aujourd’hui, entre Yverdon et Bienne. Les clients de la Broye à destination de Lausanne sont invités à circuler via Payerne et non pas via Yverdon. Il faut compter avec des temps de parcours prolongés et des affluences élevées dans les trains et les bus de la région. Des assistants clientèle sont présents dans les gares de la région et dans les grands noeuds de correspondance pour renseigner les voyageurs. L’horaire en ligne est mis à jour et des annonces sont faites dans les trains et les gares.

Des informations sont disponibles auprès de Rail Service au 0900 300 300 et sur www.cff.ch/166

Raphaël Muriset