La décroissance comme piste face aux défis actuels
13 janvier 2025 | Texte et photo: Kévin RamirezEdition N°3868
L’ouvrage La Décroissance, chemins faisant dénonce les impasses de la modernité et présente des alternatives inspirées par le mouvement pour la décroissance. Eclairage avec le Nord-Vaudois Mathieu Glayre, de l’association Moins!, l’un de ses rédacteurs.
Géographe de formation, c’est lors de différentes missions pour des ONG en Amérique du Sud que Mathieu Glayre prend conscience de l’ampleur des inégalités sociales dans les pays où il séjourne, produites par le modèle de croissance des sociétés occidentales. «J’ai été frappé par l’injustice au niveau mondial, partage celui qui est à présent enseignant pour de jeunes adultes migrants. La nourriture va là où on la paie, pas là où elle est nécessaire», livre-t-il.
C’est ainsi que lui vient l’idée, de retour en Suisse, de créer une revue qui aborderait les problématiques sociétales actuelles tout en présentant les alternatives possibles en militant pour la décroissance, mouvement que le géographe découvre durant les années 2000. C’est ainsi que naît, en 2012, la revue bimensuelle d’écologie politique Moins! (https://www.achetezmoins.ch), fondée par des militantes et militants du Réseau Objection de Croissance, dont le Pompaplois Mathieu Glayre fait partie.
Constitué à partir d’articles publiés dans cette revue, un livre, La décroissance, chemins faisant, est paru l’année dernière, présentant la décroissance comme seule voie viable à terme pour l’humanité, nécessitant l’abandon de l’objectif de la croissance économique à tout prix. «Le but était d’amener le débat sur la scène politique», explique Mathieu Glayre
Le mouvement peut d’ailleurs se résumer à travers ses axes principaux, identifiés par l’économiste français Serge Latouche et repris dans le livre: «Réévaluer et Reconceptualiser (nos valeurs et les fondements mêmes de nos sociétés); Restructurer (l’économie et ses institutions); Redistribuer (la terre, le travail, la richesse…); Relocaliser (la production, mais également la politique); Réduire (notre empreinte écologique, le temps de travail, les transports…); Réutiliser et Recycler», résumés par les fameux 8 R (en page 16). Le mouvement de la décroissance est d’ailleurs à distinguer du développement durable qui, bien qu’issu de l’écologie, conserve l’idée de la croissance, entraînant inévitablement les impacts environnementaux, économiques et sociaux que nous connaissons.
Une Suisse peu exemplaire
L’ouvrage poursuit en abordant différents thèmes, comme l’environnement, l’énergie, les transports, l’agriculture et le logement, en démontrant, pour chaque cas, les conséquences néfastes de notre modèle de développement actuel. A titre d’exemple, si les évolutions techniques de nos moyens de transport devraient conduire à un gain de temps et à une réduction de l’énergie consommée, il s’avère qu’elles servent plutôt à allonger les distances parcourues avec des véhicules toujours plus lourds, entraînant une plus grande consommation d’énergie et production de gaz à effet de serre. Ce que l’on nomme l’effet rebond.
«Dans une société de croissance, reprend Mathieu Glayre, les progrès ne servent pas à réduire la consommation d’énergie mais à consommer davantage.» Autre exemple, si la Suisse diminue ses émissions de gaz à effet de serre sur son territoire, c’est principalement grâce à la délocalisation des deux tiers de celles-ci à l’étranger. «Les impacts écologiques en Suisse ne diminuent pas», résume le géographe. Comme quoi, la Suisse a encore beaucoup à entreprendre si elle veut être exemplaire en termes de consommation d’énergie.
Paru en mai 2024 aux Editions Antipodes, Lausanne.