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La grande traversée des Etats-Unis de Lionel Mauron

31 décembre 2014

Hockey – Ballotté du Texas au Massachussetts, le joueur de Valeyres-sous-Montagny découvre un nouveau monde.

Lionel Mauron a trouvé ses marques sous les couleurs des Pics de Springfield, son équipe depuis la fin octobre. DR

Lionel Mauron a trouvé ses marques sous les couleurs des Pics de Springfield, son équipe depuis la fin octobre.

Parti durant l’été pour le Texas, Lionel Mauron a terminé l’année dans le Massachusetts. Parce que, en Amérique du Nord, le hockey, le sport, c’est comme ça.

A 20 ans, l’attaquant de Valeyres- sous-Montagny découvre une mentalité, un pays, un monde très différent de ce qu’il a connu jusque-là, lui, l’ex-junior du Lausanne HC. Et le système américain ne l’a pas épargné. Il a été échangé après seulement sept matches avec les Rio Grande Valley Killer Bees. «Il n’y a aucun cadeau. Si le coach n’est pas satisfait, il t’échange. Les gars se présentaient le matin à la patinoire, et les responsables matériel avaient déjà préparé leurs affaires. Ils montaient en voiture et s’en allaient dans leur nouveau club, raconte le Nord-Vaudois. Ça fait partie de la culture, ici.» Depuis le début de la saison, 16 des 25 joueurs de Rio Grande Valley ont déjà changé d’air.

Le premier changement

Pour Lionel Mauron, c’est arrivé juste après une série de six matches à l’extérieur. En tant que l’un des plus vieux joueurs de l’équipe, et avec son statut d’étranger, on lui en demandait beaucoup offensivement.

Au premier rendez-vous à domicile de la saison, l’excitation monte. Les joueurs entrent sur la glace, dans la nuit, avec une vidéo de chacun d’entre eux projetée sur l’écran et le speaker qui crie leur nom «à la sauce américaine ». Le rêve prend forme. Pourtant, durant la partie, les choses se passent mal. L’équipe perd 7-3. Après la rencontre, l’entraîneur fait revenir ses hommes sur la glace, sans maillot, pour patiner durant une heure, devant les propriétaires et les supporters. «Je crois que ça a été le moment le plus humiliant de ma carrière de joueur», reconnaît le centre du premier trio.

Le coach a alors estimé qu’il mettait trop de temps à s’adapter à son système. On était début octobre. «C’était à mon tour de trouver mon sac prêt à mon arrivée à la patinoire, le lendemain, se souvient Lionel Mauron. Je pense avoir payé la défaite de la veille, devant notre public.»

 

La méthode américaine

Malgré cela, il a passé les premiers mois de son expérience dans un milieu ultraprofessionnel. Au camp d’avant-saison, l’équipe s’entraînait à trois reprises par jour sur la glace, dont une première fois à 5h du matin, avant la chaleur texane. «C’est toujours spécial de trouver une patinoire au milieu des palmiers», glisse-t-il. Les journées sont complètement prises par les entraînements, la musculation et les séances vidéo.

Il le reconnaît volontiers, il a eu besoin de temps pour s’adapter au style nord-américain, pour être «le joueur qu’ils attendaient». Et il a rapidement pu goûter à la méthode locale. «On te crie dessus et on te met beaucoup de pression pour voir jusqu’où tu peux aller.» Lionel Mauron a appris un nouveau hockey, basé essentiellement sur l’intensité, le combat et la vitesse.

La grandeur du pays

Arrivé en août à McAllen, à plus de 40 degrés, dans une région où on peu vivre en short presque toute l’année, il a découvert l’immensité des Etats-Unis. «Tu dois prendre l’autoroute pendant 45 minutes pour arriver à la patinoire qui se trouve juste à côté de la maison», se plaît-il à relever.

Les premiers matches de la saison se sont disputés dans le Minnesota, à 27 heures de trajet de McAllen. Mais l’organisation est à la hauteur du déplacement: bus à couchettes, entraînements tout au long du trajet et vidéos sur l’adversaire. L’essentiel du voyage se déroule de nuit, «mais je ne me plaindrai plus jamais d’aller jouer à Lugano ou à Davos», promet Lionel Mauron. Ainsi, l’essentiel du premier mois de championnat s’est passé sur la route, dans des hôtels, et auprès de ses coéquipiers. «C’est une expérience amusante de se retrouver avec des gars qui viennent des quatre coins du pays, souligne-t-il. Ça va du bad boy de Détroit au surfer de Californie, en passant par le Texan pure souche, à qui il ne manque que le chapeau de cowboy.»

Revenu en Suisse pour des questions de visa après avoir été écarté de la formation texane, Lionel Mauron a connu des moments difficiles. «Je n’étais pas sûr de vouloir y retourner. Ma confiance en avait pris un coup, admet-il. J’ai été heureux de revoir ma famille, qui m’a soutenu. Mon père, passionné de sport, m’a épaulé et conseillé. J’avais une nouvelle opportunité, il ne fallait pas passer à côté.»

Le retour

Alors, fin octobre, il est parti pour Springfield, dans le Massachusetts cette fois, pour rejoindre sa nouvelle équipe, les Pics, en United States Hockey League Premier. Une division où évoluent les meilleures franchises de la côte est, et où le Nord-Vaudois a trouvé un niveau équivalent, voire meilleur qu’en North American Hockey League. «Je m’y suis tout de suite bien senti. J’étais très attendu, dans une équipe qui avait de la peine en début de championnat, affirme-t-il. J’ai envie de prouver ce que je vaux.» Et ça fonctionne plutôt pas mal, puisque qu’après quatorze rencontres sous ses nouvelles couleurs, Lionel Mauron a inscrit dix points, dont six buts. «Je sais aussi que je ne suis pas à l’abri de devoir refaire mes valises. Je l’accepte, et je me bats pour rester», ajoute-t-il.

Les enfants de sa nouvelle famille d’accueil font du hockey. Il vit aussi avec un jeune de Pittsburgh et un Finlandais qui ne parle pas anglais. «Ça donne des discussions un peu fantaisistes, mais on s’entend bien», conclut Lionel Mauron, épanoui et toujours un peu plus américain.

 

Dealers, pistolet, etc.

Vivre à la frontière du Mexique peut, parfois, être particulier. Au Texas, Lionel Mauron habitait un quartier sympa, un peu à l’extérieur de la ville. Puis, un jour, il est réveillé par des dizaines de voitures de police, des hélicoptères et des chiens, partout. «En regardant la télé, j’ai appris que mes voisins étaient des dealers et possédaient plusieurs millions de dollars de marchandise dans leur cave», raconte-t-il.

Autre anecdote: lors de son premier déplacement avec un de ses coéquipiers qui possédait une voiture avec des plaques de Pennsylvanie, ils sont arrêtés. «Le policier nous a demandé de sortir les mains du véhicule en braquant son pistolet sur nous, rapporte le Nord-Vaudois. Il pensait que nous avions volé la voiture et que nous voulions passer la frontière pour la revendre. Je découvrais un nouveau monde.»

Manuel Gremion