Logo
La grève continue
© Michel Duperrex

La grève continue

3 novembre 2021

Les livreurs de chez Smood protestent contre leurs conditions de travail depuis mardi soir. Leur employeur, lui, assure être déjà en négociations avec Syndicom pour mettre en place une convention collective de travail.

Les dirigeants de Smood, l’un des leaders de la livraison de repas à domicile en Suisse, ont eu les oreilles qui sifflaient mercredi. Car mardi soir, leurs employés de la région d’Yverdon ont fait grève pour dénoncer leurs conditions de travail et leurs bas salaires (lire encadré). Et ils n’y sont pas allés de main morte. Les slogans «Assez, assez des inégalités!» ou encore «Smood, Smood: t’es foutu, les travailleurs sont dans la rue» résonnaient sur la place Bel-Air.

Finalement, les livreurs yverdonnois, épaulés par des collègues d’autres cantons, ont décidé hier de poursuivre leur action. «On n’a toujours aucun contact avec l’entreprise, assure Aymen Belhadj, secrétaire syndical chargé de la logistique chez Unia. Il s’agit d’une grève d’avertissement. Pour l’instant, on n’a pas lancé de procédure devant les tribunaux, mais on a plusieurs dossiers prêts, avec des preuves.» Son collègue Arnaud Bouverat, secrétaire régional d’Unia Vaud, a continué de motiver les troupes. «Vous êtes aujourd’hui les porte-parole de milliers de personnes qui restent dans l’ombre, mais qui n’en pensent pas moins que vous. On espère que ces gens sortent aussi un jour de l’ombre pour que ces acteurs d’un marché en pleine expansion – Uber pour ne pas les citer – se mettent au pas, confie-t-il. On mène un combat sur l’économie de plateforme. Un rapport sorti fin octobre démontre, en gros, que tous les dispositifs légaux existent, il n’y a donc pas besoin d’inventer un nouveau statut pour les collaborateurs comme vous.»

Contacté, Smood n’a pas répondu à nos questions précises mais a fini par sortir du bois mercredi en tout début de soirée pour donner sa version officielle des faits. L’entreprise indique avoir pris connaissance des doléances de certains employés à Yverdon et a proposé une discussion avec ceux-ci. En revanche, elle déplore les méthodes du syndicat – notamment le préavis de grève de moins d’une heure – «qui ont pour objectif de déstabiliser plutôt que de dialoguer». Les doléances concernant le paiement des heures de travail ont été résolues sous trois jours, assure Smood.

Pour le surplus, l’entreprise de livraison à domicile annonce qu’elle travaille depuis près d’une année sur un cadre contractuel général pour l’ensemble de ses livreurs avec Syndicom, sous la forme d’une convention collective. «Ce syndicat représente de longue date les préoccupations individuelles et collectives des livreurs de Smood, grâce à sa connaissance du secteur de la logistique», note le communiqué. «Notre objectif, en tant que seul acteur suisse actif dans la vente de repas à domicile, a toujours été de parvenir à conclure une CCT pour notre activité. Nous croyons que l’activité est possible dans le respect de la législation en vigueur, malgré la concurrence féroce d’autres acteurs qui ne jouent pas les mêmes règles du jeu», conclut Luise Kull, responsable du marketing chez Smood.

 

Une semaine de travail disparaît des fiches de salaire

 

Le mouvement de contestation a été lancé par Renan, 32 ans. Embauché par Smood en juin 2020, l’Urbigène a rapidement constaté des problèmes graves et récurrents. «A partir de novembre de l’année dernière, j’ai commencé à avoir des soucis sur mes fiches de salaire. Il manquait régulièrement des heures. C’est allé crescendo, d’abord cinq heures, puis dix et, le mois dernier, il manquait environ cinquante heures! raconte-t-il. C’est pourquoi on a décidé de dire stop. Smood est une société qui brasse des millions, et dont la Migros est actionnaire majoritaire, donc ils ont les moyens de faire les choses correctement et de respecter le droit.» Claudia, elle aussi, a tout de suite vu qu’il y avait des problèmes de tarification et a tenté de contacter sa hiérarchie, en vain. «Au début, Renan s’est lancé seul, mais après on l’a tous rejoint parce que ça n’allait vraiment plus.»

Concrètement, les livreurs et Unia exigent plusieurs changements, et en premier lieu sur les fiches de salaire. Tout d’abord, ils veulent une augmentation du tarif horaire afin de passer de 19 francs de l’heure à 24. Ils souhaitent également que les dimanches et jours fériés soient rémunérés adéquatement, c’est-à-dire avec une majoration. Ensuite, il demandent que les heures supplémentaires soient payées et indiquées clairement. Et c’est compter sans les pourboires qui arrivent dans un pot commun avant d’être redistribués selon un calcul opaque aux livreurs. Le défraiement pour l’utilisation des véhicules privés doit aussi être revu puisqu’il se situe à 2 francs de l’heure actuellement chez Smood, alors que la loi fixe un barème à 0,7 centimes le kilomètre. Enfin, ils revendiquent un système transparent et équitable de l’organisation des vacances et de la planification des horaires de travail.

Christelle Maillard