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La Maison d’Ailleurs invite le jeu vidéo au musée pour neuf mois

2 mars 2012

Avec «Playtime – Videogame mythologies», la Maison d’Ailleurs présentera la plus grande et la plus ambitieuse exposition temporaire de son histoire, du 11 mars au 9 décembre. Le directeur, Marc Atallah explique pourquoi cet univers a sa place entre les murs de l’institution yverdonnoise.

 

Avec «Playtime - Videogame mythologies», la Maison d’Ailleurs (ici, son directeur, Marc Atallah) présentera, du 11 mars au 9 décembre, la plus ambitieuse expositon temporaire de son histoire.

La Région: Marc Atallah, êtes-vous un grand amateur de jeux vidéo?

Marc Atallah: Non, pas du tout. Au même titre, d’ailleurs, que je ne suis pas un fan de science-fiction à proprement parler. Par contre, je suis très curieux et, en lisant beaucoup de choses qui se rapportent aux jeux vidéo, en jouant à de nombreux jeux, j’ai appris énormément, ce qui m’a permis de dépasser les stéréotypes classiques, comme le fait que c’est réservé aux enfants, que c’est violent, que c’est dangereux. J’ai découvert un monde plus large que ce que j’imaginais, un monde qu’il faut questionner.

Votre vision du jeu vidéo a-t-elle évolué pendant la conception de «Playtime»?

Oui, bien sûr. Ce qui a le plus évolué chez moi, c’est ma réflexion autour de la relation entre le ludique, donc le jeu traditionnel, le vidéoludique et la fiction. Finalement, on se rend compte qu’on passe un temps incroyable à jouer. Tout ce qui touche aux relations publiques, à la séduction, cela relève déjà du jeu. Il y a des règles à respecter dans un cadre donné. Le jeu est profondément humain et il dépasse largement les simples représentations concrètes que sont le jeu de plateau et le jeu vidéo, entre autres.

D’où est venue l’opportunité de faire une exposition autour de ce thème?

Cela provient directement de «GameCulture – Du Jeu à l’Art», le programme de Pro Helvetia, dont le but est d’interroger la dimension artistique du jeu vidéo, à partir du constat qu’il est au coeur d’une industrie qui marche fort. C’est donc Pro Helvetia, qui était déjà en contact avec la Maison d’Ailleurs par le passé, qui a donné l’impulsion de départ. Ensuite, nous avons monté un projet, qui a été accepté. Après, il est clair que c’est un projet provocateur, au sens noble du terme, car il bouleverse les habitudes: il n’est pas naturel de trouver du jeu vidéo dans un musée.

Le jeu vidéo a-t-il sa place à la Maison d’Ailleurs?

C’est une évidence, et ce parce que le jeu se passe, précisément, ailleurs. Lorsqu’on joue, on fait comme si ce qui se passe à l’écran était la réalité, alors qu’on sait que ce n’est pas le cas. Chaque jeu vidéo propose un autre monde, plus ou moins grand, plus ou moins complexe. Et finalement, c’est ce que propose toujours la Maison d’Ailleurs: un détour par un monde alternatif pour questionner, ensuite, si on le souhaite, notre réalité.

«Playtime» est une exposition d’une envergure inédite pour la Maison d’Ailleurs. Vous a-t-elle demandé un effort particulier?

Il faut imaginer que la tâche a été multipliée par dix. D’habitude, on travaille sur une expo avec un, deux, voire cinq artistes. Là, il y en a trente. Nous avons une vingtaine de partenaires, contre cinq ou six traditionnellement. Le budget est également beaucoup plus important: entre 450 000 à 500 000 francs, contre 50 000 ou 100 000 francs pour une exposition «normale». De plus, la communication se fait à l’échelle nationale, l’exposition est en trois langues. Tout cela implique de nombreux problèmes à gérer, et un travail de coordination beaucoup plus intensif. Mais c’est le pied de mettre en place un truc pareil!

La Maison d’Ailleurs sort de deux expositions qui s’inscrivaient dans l’univers steam-punk, très particulier. Etait-ce un souhait que de partir dans une toute autre direction?

Ce qui me plaît, c’est que ceux qui ont aimé l’exposition de Stéphane Halleux reviennent, en se disant que la Maison d’Ailleurs, c’est cool, et qu’ils tombent sur une exposition sur les jeux vidéo. Cela montre l’étendue du champ dans lequel on peut travailler. C’était une coïncidence que les deux dernières expositions s’enchaînent ainsi, et je trouve intéressant de passer de l’univers steam-punk et son côté un peu vieillot à quelque chose d’aussi technologique que l’univers du jeu vidéo.

Comment aimeriez-vous que le public appréhende cette exposition?

Ce qu’il y a de bien avec un thème tel que le jeu vidéo, c’est que l’on peut supposer que tout le monde sait de quoi on parle. Tout le monde connaît, a déjà joué. Ça peut attirer les gens. Et ça va être amusant de voir le décalage entre ce à quoi les gens s’attendaient, et ce qu’ils vont découvrir. Ceux qui pensaient venir pour jouer à Pong (réd.: un des premiers jeux vidéo de l’histoire) vont être surpris. Ce n’est pas une exposition historique sur le jeu vidéo. En même temps, ce que l’on propose, c’est mieux! Le but de l’exposition, c’est vraiment d’amener les gens à questionner leurs stéréotypes.

Ces derniers mois, un visiteur de la Maison d’Ailleurs pouvait découvrir trois expos: «Halomancie», «Imaginary Landscape» et «L’île de Pâques sans dessus dessous». Ne craignez-vous pas qu’en neuf mois, «Playtime» lasse?

Au contraire! «Playtime» propose différents types d’expériences, avec la possibilité d’interragir, de jouer. La découvrir à fond prendra sans doute trois heures, si l’on prend le temps de découvrir les jeux. Il n’est pas impossible que des gens viennent plusieurs fois! Avec les trois expositions précédentes, on était davantage dans la contemplation pure et simple.

Cette exposition étant la plus ambitieuse jamais mise en place à la Maison d’Ailleurs, avec quoi le musée pourra-t-il enchaîner?

Avec une exposition permanente, en 2013! Elle sera modulable et fera le lien entre les futures expositions temporaires et l’Espace Jules Verne. C’est la prochaine étape du développement de la Maison d’Ailleurs.

Lionel Pittet