La Maison d’Ailleurs tente d’assurer son avenir
22 novembre 2024 | Texte: Lena Vulliamy | Photo: Gabriel LadoEdition N°3837
Après un enchaînement de crises, imputé à une mauvaise gestion de la précédente direction, le musée de la science-fiction d’Yverdon veut être optimiste et a présenté sa nouvelle ligne de conduite. Qui doit se faire avec le soutien de la Ville.
«Le musée se trouve dans une situation financière précaire», a annoncé d’emblée de jeu Gloria Capt, directrice du conseil de fondation de la Maison d’Ailleurs. La presse a été réunie hier matin à l’espace Jules Verne par le conseil de fondation et la Ville d’Yverdon-les-Bains. Le but: annoncer la signature d’une nouvelle convention de subventionnement entre les deux entités pour les trois prochaines années, ainsi qu’une demande de crédit supplémentaire de 200 000 francs – notamment pour rembourser une ligne de crédit auprès de la BCV de l’ordre de 150 000 francs. L’idée est d’éponger toutes les dettes pour repartir sur des bases solides. Ceci s’ajoutera aux 610 000 francs de subvention annuelle.
Car le bilan actuel est sans appel: la fréquentation du musée s’est réduite de moitié depuis fin 2020. Dans les faits, 13 500 visiteurs en 2023 et 2024, contre près de 24 000 pour les grandes expositions des années 2010.
Une succession de problèmes
Gloria Capt et Julien Wicki, vice-président du conseil de fondation, n’ont pas manqué de faire l’historique des circonstances qui ont conduit à la situation difficile du musée presque quinquagénaire. Tout a débuté avec un article du Blick paru en 2021 révélant des problèmes au niveau des ressources humaines. S’est ensuivi un audit, et 30 recommandations ont été émises, dont 2 pour la Municipalité (aujourd’hui, 16 mesures auraient déjà été réalisées et les plus urgentes ont été traitées). Gloria Capt et Julien Wicki ont notamment dû résoudre un conflit avec une agence de photographie. Une solution moyennant 50 000 francs a été trouvée. En 2022, on découvrait un budget déficitaire et la Maison d’Ailleurs se séparait de deux collaborateurs. En 2023, Marc Attalah, en poste depuis douze ans, annonçait sa démission. Catherine Hirsch, membre du conseil de fondation, se propose alors pour assurer l’intérim en attendant la nomination d’un nouveau directeur, poste qu’occupe Frédéric Jaccaud depuis le 1er septembre.
Une analyse des faits
Mais quels éléments ont réellement conduit à la descente aux enfers financière de la Maison d’Ailleurs? Selon le conseil de fondation, il y a notamment la très rapide montée en puissance du musée, qui s’est éparpillé, la relation avec le public s’en trouvant brouillée par tant de diversification. Les collections du musée se sont aussi retrouvées dans l’ombre du Numerik Games Festival, créé par la Maison d’Ailleurs. Il faut dire que même si le musée était très bien rémunéré pour cela, explique Julien Wicki, on ignorait le taux d’activité du directeur et des collaborateurs pour le festival, et cela a probablement péjoré la qualité des expositions du musée. Julien Wicki a aussi parlé de «l’échec du modèle de financement» de l’ancienne direction, qui s’appuyait sur de l’argent privé plutôt que sur des subventions de la Ville. Avec un nouveau plan d’assainissement, le conseil de fondation estime avoir ficelé une solution pour chaque scénario. «Si on fait tout cela, c’est qu’on y croit, car si on n’a pas ce feu sacré, on ne peut pas y arriver», a déclaré Gloria Capt.
«Du sous-sol au grenier»
Et puis une gestion généralement déficiente de l’ancienne direction a pu être constatée par la directrice ad interim Catherine Hirsch, qui a épluché les documents «du sous-sol au grenier», suscitant la reconnaissance et l’admiration du conseil de fondation et de la Ville. «Grâce à elle, la situation de la Maison d’Ailleurs est désormais claire», s’est réjouie Gloria Capt.
Au printemps de cette année, on apprenait que les comptes 2023 étaient déficitaires, notamment à cause de l’annulation du Numerik Games Festival. Et cet automne, crise de liquidité, d’où la demande d’un crédit supplémentaire. Mais le conseil de fondation n’aurait-il pas pu remarquer cela avant? «Premièrement, on ne peut pas tout voir, ensuite, il y a une relation de confiance avec la direction. Mais on ne s’exonère pas de toute responsabilité pour autant», répond Gloria Capt. Notons par exemple que le conseil de fondation n’avait pas été mis au courant du dépassement de budget de 150 000 francs de l’exposition Révolte de 2023.
Soutien infaillible de la Ville
«La Maison d’Ailleurs vivait depuis quelques années au-dessus de ses moyens», a quant à elle déclaré la vice-syndique et municipale chargée de la Culture Carmen Tanner, soulignant aussi une situation délicate générale dans le milieu culturel. «Nous avons toujours été à l’écoute des besoins financiers de l’institution.» Elle a également rappelé la position du Service de la culture: «Il y a une nécessité pour la Ville de faire confiance aux institutions externes, donc respecter la liberté artistique des institutions qui rayonnent – et c’était le cas avant –, et nous ne sommes pas là pour gérer à la place des institutions.»
De son côté, Frédéric Jaccaud, qui assure pour l’instant la double casquette de conservateur et de directeur (le musée est passé de 7,6 équivalents temps plein à 3,1), s’est plutôt montré poète et philosophe, rappelant la mission première du musée à sa création. Un musée comme médiateur, pas là pour instruire, ni pour divertir, mais comme un lien.
«Pas au rabais», la prochaine exposition
Il a aussi révélé travailler depuis deux mois sur la prochaine exposition, «dans la cohérence des budgets, mais pas au rabais». Quant au budget 2025, il devrait tourner autour des 800 000 francs, mais il n’a pas encore été validé. Il doit donc être financé à 80% par la Ville. Affaire à suivre, donc, surtout que le Conseil communal doit accepter ce crédit extraordinaire de 200 000 francs.