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La mémoire vivante du club

15 mai 2015

Voile – Une page se tourne au Cercle de la voile de Grandson. Après plusieurs décennies de bénévolat, Antoinette Kistler aspire à regarder vivre la société en se déchargeant des responsabilités du club-house.

Josette Erlich, nouvelle responsable du Bar d’Ecoute, et Claude Cassard, président du CVG, entourent Antoinette Kistler. © Christiane Baudraz

Josette Erlich, nouvelle responsable du Bar d’Ecoute, et Claude Cassard, président du CVG, entourent Antoinette Kistler.

Figure du Cercle de la voile de Grandson (CVG), Antoinette Kistler prend un peu de recul en passant le témoin à la tête du club-house. Rencontre.

Vous êtes un des piliers du CVG. Depuis quand oeuvrez-vous dans le club?

Je suis entrée au comité en 1977. J’ai été tour à tour caissière, secrétaire et j’en fais toujours partie comme membre. A la rénovation du club-house, en 2007, et avec l’ouverture du Bar d’Ecoute, il fallait une licence buvette sportive. Personne ne voulait se lancer, alors je l’ai faite et, depuis, je m’en occupe. On dit de moi, en plaisantant, que je suis la mémoire vivante du club.

La voile se féminise depuis une vingtaine d’années. Comment êtes-vous entrée dans ce milieu?

Avec mon mari, Kurt, nous habitions la région lémanique. Quand il a été nommé à un poste de chirurgien à l’hôpital d’Yverdon, le lac de Neuchâtel s’est offert à nous. Nous possédions un bateau et nos amis gravitaient dans le monde de la voile. Au décès de mon mari, j’ai gardé longtemps notre bateau; trop grand pour naviguer seule, j’ai dû me résoudre à m’en séparer. Mais je suis attachée au lac, à la voile, à la mer. Du reste, je pars régulièrement en croisière. Dernièrement, je suis allée dans les fjords norvégiens et, plus récemment encore, sur le Danube.

Vous avez vu défiler plusieurs comités et dû vous adapter aux changements…

J’ai vécu seulement deux changements de président, un poste qu’a occupé Gilbert Despland durant douze ans. Tous les matins de la belle saison, sur la terrasse du club, nous ouvrions le courrier et faisions une petite séance de comité, le plus souvent à deux.

Qu’est-ce qui vous marque le plus dans l’évolution de l’organisation des régates?

Tout se complique. C’est bien pour la sécurité, mais parfois, cela devient lourd pour un club. Pour les régates et les championnats, tout était beaucoup plus simple par le passé. La sécurité a toujours été assurée par un canot sur l’eau, et même parfois depuis la terre avec une paire de jumelles. Il n’y a jamais eu de drame. Maintenant, cela tourne à l’obsession. Il faut presque un bateau derrière chaque équipage, un comité de course ayant suivi un entraînement spécifique, un jury. Certains régatiers jouent le jeu, se privent d’une régate pour se trouver du côté des organisateurs, et d’autres ne le font jamais. Alors, forcément, chez les membres, il y a parfois de l’usure.

Quels sont vos meilleurs souvenirs?

Oh là là, il n’y a pas un souvenir précis! Chaque grande régate, le Bol d’Or, les championnats de série sont autant de rencontres riches, joyeuses. Cette année, cela fera trente ans que j’organise la Parade des Vieux Bateaux, c’est ma régate. J’aime l’ambiance festive, le monde qui gravite autour du club, le fourmillement des équipiers avant de monter à bord et l’après-régate, même si parfois elle se poursuit jusqu’au petit matin…

Et, à l’opposé, quels souvenirs restent teintés de tristesse?

Le décès des membres que j’ai longtemps côtoyés, particulièrement notre ancien président Gilbert Despland; cela m’a beaucoup attristée. Mais aussi le 9 mars 2010, quand le nouveau port a gelé. Ces bateaux chargés de glace, couchés sur le flanc ou coulés, c’était horrible. Impressionnant, l’acharnement des propriétaires armés de crampons, de bâton, de lampe frontale qui bravaient les embruns gelés et tentaient de briser la glace sur leur bateau qui givrait de plus belle sitôt la vague suivante arrivée. Certains se sont battus tard dans la nuit, c’était très dangereux: les pontons étaient recouverts d’une épaisse couche de glace, les vagues passaient par-dessus la digue. C’est gravé dans ma mémoire.

Quel est l’avenir du club sans son Antoinette?

D’abord je ne quitte pas le club, puisque je suis toujours au comité et je l’ai dit, le CVG, c’est ma famille! Josette Erlich reprend la responsabilité du club-house et pourra compter sur moi en cas de nécessité. Du vent frais amène des changements, et cela fera du bien à chacun. Ce poste ne peut pas être assumé par une seule personne et, sans l’aide de mes amies membres, je n’aurais jamais pu tenir le cap. Je les remercie chaleureusement et espère que Josette sera aussi bien épaulée que je l’ai été. C’est ça, le secret d’un club: la solidarité, l’entraide, l’abnégation. Tant que cette recette marchera, le club vivra!

Christiane Baudraz