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La mobilité suisse sur la bonne voie ?
L’arrivée d’Albert Rösti, « à l’heure » comme il l’a dit lui-même, alors même qu’il « a passé par le fameux échangeur d’Essert-Pittet souvent bouchonné » , et accueilli par Rémy Jacquier, le président du FENV, et Marie-Claude Chevalier, la syndique d’Orbe.

La mobilité suisse sur la bonne voie ?

9 octobre 2024 | Texte: Maude Benoit | Photos: Michel Duperrex
Edition N°3805

Albert Rösti, Nuria Gorrite et Yves Delacrétaz : un trio de choc a ouvert hier le premier cycle de conférences du jour lors du Forum Economie Nord vaudois (FENV), au Casino d’Orbe.

Comme l’a souligné Rémy Jacquier, président du FENV, lorsque le thème de la mobilité a été choisi l’année dernière pour être au centre de la rencontre de 2024, les organisateurs étaient loin d’imaginer que ce sujet allait parfaitement coller avec l’actualité politique de cette fin d’année. En effet, le peuple suisse devra se prononcer, le 24 novembre prochain, sur l’acceptation de l’arrêté fédéral sur l’aménagement des routes nationales et notamment des grands axes d’autoroute (six tronçons sont spécifiquement ciblés) pour un montant de 4,9 milliards de francs.

Ainsi, si le Forum n’était pas destiné à devenir un lieu de campagne pour la prochaine votation, cette dernière a coloré les discours des intervenants et les questions de l’assemblée.

« On investit toujours plus dans le rail que dans les routes »

Albert Rösti, conseiller fédéral en charge du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (Detec), a donc ouvert la session. Comme attendu, il a presque immédiatement abordé le sujet de l’encombrement des routes et des autoroutes suisses. Selon lui, le temps perdu dans les bouchons est estimé à 3 milliards de francs par an. Une surcharge qui, selon ses propos, encombre les routes de contournement et engendre des nuisances pour les habitants. Si rien n’est fait, selon lui, ce sont près de 453 kilomètres de route qui seront régulièrement bloqués d’ici à 2040. Enfin, ces routes nationales ne représentent que 3% du réseau routier suisse, mais absorbent plus de 40% du trafic et plus de 70% du trafic commercial. Il invite donc la population suisse à voter en faveur de l’initiative sur les routes nationales.

Albert Rösti devance ensuite ses détracteurs, en précisant que les dépenses de la Confédération dans le développement du réseau ferroviaire dépassent les 20 milliards de francs, démontrant que le gouvernement ne délaisse pas la mobilité douce au profit de la voiture. «Je n’entends pas privilégier un type de transport au détriment des autres » , explique-t-il.

Albert Rösti avoue que si la Suisse romande a longtemps été le parent pauvre de la politique en matière de mobilité, la Confédération envisage de nouveaux projets, notamment la ligne RER reliant Lausanne et Orbe, ou une halte à Y-Parc.

Cependant, il ajoute que, paradoxalement, « la Suisse romande souffre désormais plutôt du trop grand nombre de projets en cours, qui empiètent sur l’avancement des autres » . Ainsi, pour que ces projets se réalisent, certaines lignes vont voir leur horaire modifié. Quatre haltes de la ligne Yverdon- Sainte-Croix seront donc tem- porairement fermées (voir page 4) et la ligne du pied du Jura reliant Genève et Bâle ne sera plus directe. D’autres lignes, en revanche, verront leur cadence augmenter, comme celle reliant Yverdon-les-Bains et Renens.

Une mobilité multimodale à faire coexister

Nuria Gorrite, conseillère d’Etat vaudoise, cheffe du Département de la culture, des infrastructures et des ressources humaines, a mis en avant la compétitivité de la mobilité suisse au niveau international, héritage de nos ancêtres qui ont tracé des voies de communication dans un territoire accidenté.

Selon elle, « investir dans nos réseaux, c’est investir dans notre compétitivité » . La compétitivité d’une société basée sur les échanges de biens et de personnes.
Pour Nuria Gorrite, la mobilité est une affaire individuelle – en fonction de son emploi du temps, on voudra toujours prendre le moyen de transport qui nous arrange –, pour laquelle une réponse collective doit être trouvée. Une tâche difficile, puisque les individus se déplacent ainsi de manière multimodale et n’utilisent pas un transport unique.

Ainsi, pour elle, il ne s’agit pas « d’opposer la route au rail, la voiture au vélo ou encore les piétons aux trottinettes, mais de faire dialoguer le tout en prenant en compte les voix et les voies contradictoires » . Un dialogue qui doit évidemment prendre en compte les questions du dérèglement climatique, puisque, comme l’a bien rappelé la conseillère d’Etat, la loi nous oblige, d’ici 2050 à atteindre la neutralité carbone.

Des mobilités décarbonées

Enfin, Yves Delacrétaz, professeur HES ordinaire, responsable du groupe thématique de compétence Planification et développement, a quant à lui abordé le sujet d’une mobilité durable, notamment dans le Nord vaudois.

Actuellement, le bilan carbone de la mobilité des Vaudois est de 4350 kilogrammes de CO2 par habitant. L’objectif pour 2050, soit dans 25 ans, est de dimi- nuer ce nombre par 10. Un pari qui semble difficile à tenir, voir impossible.

Pour réduire ceci, la Confédération compte essentiellement sur l’électrification du parc automobile. Mais ce système n’est pas parfait – il faudra trouver une solution pour les gaz à effet de serre liés à la fabrication et au recyclage des batteries – et sa mise en place prendra beaucoup de temps. Le professeur indique ainsi que des efforts doivent être fournis au niveau des importations, de la demande en transport (limiter les besoins de déplacements, par exemple) et l’optimisation des transports existants, entre autres.

Il ajoute enfin que les entreprises ont également leur rôle à jouer pour contribuer à la transition vers des mobilités décarbonées.