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La Norvège vient prendre des cours d’éducation auprès d’un prof de la HEIG-VD

20 février 2020 | Edition N°2688

L’Agence nationale pour la qualité de l’enseignement supérieur (DIKU) a mandaté le Nord-Vaudois Dominique Jaccard pour développer une formation basée sur les «jeux sérieux». Plus d’un demi-million de francs ont été débloqués pour mener à bien ce projet.

Les pays scandinaves se classent parmi les bons élèves en matière d’éducation. Pourtant, ils n’ont pas que des bonnes notes. Et parfois, ils ont aussi besoin de copier sur leurs voisins. En matière de pédagogie numérique, c’est vers la Haute École d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud (HEIG-VD) que l’Agence nationale norvégienne pour la qualité de l’enseignement supérieur DIKU s’est tournée. Plus précisément sur les notes du professeur Dominique Jaccard.

L’exception devenue la règle

Le spécialiste en gestion de projets s’est en effet démarqué en développant des serious games, littéralement des jeux sérieux. «Il y a quinze ans, j’ai créé des simulations pour mes cours, parce que j’ai réalisé que certaines compétences sont difficiles à acquérir dans des cours ex cathedra», confie le Nord-Vaudois. Concrètement, l’idée est de plonger virtuellement l’élève dans l’univers professionnel qui l’attend. Pour réussir la mission confiée par le professeur, il devra agir comme un pro, histoire de tester en situation réelle ses connaissances.

De fil en aiguille, la méthode de l’ingénieur nord-vaudois a intéressé ses collègues à l’interne, puis d’autres Romands. Médecine, gestion de l’énergie, droit, urbanisme, investigation: plusieurs cursus ont désormais intégré ses jeux informatiques à leur programme pédagogique. Certains profs ont même totalement revu leur façon de travailler. Le logiciel étant devenu le livre, l’enseignant se transforme en guide ou en aide-mémoire durant cette quête du savoir. «Maintenant, c’est une méthode utilisée dans la plupart des hautes écoles romandes», assure Dominique Jaccard. Les étudiants en criminologie, par exemple, se retrouvent ainsi au milieu d’une scène de crime où ils doivent investiguer. Les données et la mise en scène sont issues de véritables cas, ce qui permet à l’enseignant de faire un retour d’expérience.

«En tant que professeur, on cherche toujours à susciter l’intérêt, à développer les capacités de nos élèves et à identifier les connaissances qu’ils n’ont pas. Avec mon logiciel, on peut justement faire tout ça, souligne Dominique Jaccard. L’attention des étudiants est totalement différente. On peut voir les notions qui sont acquises et celles qui n’ont pas été comprises, afin de donner un cours plus adapté.»

L’idée a convaincu le Gouvernement norvégien

Par la suite, des universités marseillaises et parisiennes, ainsi que des institutions tchèques et indiennes, ont frappé à la porte de l’expert des serious games. «C’est vrai que c’est une petite fierté», confie humblement le membre de l’Institut d’ingénierie des médias de la HEIG-VD. Lors d’une présentation en Norvège, l’été dernier, l’homme a une fois de plus fait sensation. «Trois professeurs m’ont demandé de pouvoir utiliser mon logiciel pour leur cours de gestion de projets. Suite à cela, ils ont monté un dossier pour réfléchir à comment implémenter et diffuser des serious games d’abord au sein de leur université avec une idée d’extension aux autres établissements norvégiens, explique Dominique Jaccard. Comme il y a aussi un professeur finlandais dans l’équipe, mon travail va potentiellement aussi débarquer en Finlande.» La demande des trois Scandinaves a finalement été acceptée, à l’issue d’un processus très sélectif, dans le programme gouvernemental de l’innovation pédagogique. «En gros, ce sont 600 000 euros pour développer le projet global, dont un tiers qui revient à la HEIG-VD», chiffre l’habitant de Rances. L’homme va ainsi devoir consacrer 20% de ses heures à cette nouvelle tâche durant trois ans, pour aider ce pays à mettre en place une nouvelle stratégie d’enseignement basée sur les jeux éducatifs. «À force, je sais ce qui peut fonctionner et ce qui ne va jamais marcher. Il ne reste plus qu’à mettre ces quinze années d’expérience par écrit!»

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Le Fonds national suisse soutient le concept

Le Media Engineering Institute de la HEIG-VD vient d’apprendre une autre bonne nouvelle: il a obtenu le soutien financier du Fonds national suisse. Celui-ci avait lancé un appel aux projets visant la transition numérique l’an dernier. Parmi les 324 dossiers soumis, 37, dont celui de Dominique Jaccard, ont été retenus pour se partager une enveloppe de 30 millions de francs. «Il y a quinze ans, je devais me battre pour convaincre les gens que les serious games avaient leur utilité dans une école d’ingénieurs. Maintenant, leur valeur est reconnue, mais l’enjeu est de les rendre plus efficaces et moins chers», témoigne le professeur qui compte au moins trois mois pour élaborer un logiciel sur-mesure. Et de préciser: «Ces dix dernières années, on a réussi à diviser le prix par dix, passant de 300 000 francs à 30 000 francs, mais ce n’est toujours pas suffisant. Avec cette bourse de 500 000 francs, je vais pouvoir créer un nouvel outil de développement.»

Christelle Maillard