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«La nuit, je me demandais ce que je faisais là»
Jean-Claude Rey et Serge Schnegg lors de Paris-Brest-Paris. Photo: DR

«La nuit, je me demandais ce que je faisais là»

1 septembre 2023 | Edition N°3530

Cyclisme - Jean-Claude Rey et Serge Schnegg sont venus à bout des 1218 km de la mythique randonnée cycliste Paris-Brest-Paris, la semaine dernière. Les deux Tapa-Sabllia, qui ont pédalé pendant près de soixante heures, racontent leur aventure.

Serge Schnegg, Jean-Claude Rey, vous êtes tous les deux des habitués des gros défis sportifs. Mais pourquoi avoir choisi de prendre le départ de Paris-Brest-Paris?

Serge Schnegg: Parce que c’est une épreuve mythique, il y a des gens qui viennent de partout pour la faire, des centaines de Japonais, d’Américains.

Jean-Claude Rey: Et comme on se côtoie assez souvent, on a décidé d’y participer ensemble.

 

Comment prépare-t-on une course pareille?

S. S.: On a d’abord fait un brevet de 300 km à Strasbourg, en mai 2022, ce qui nous permettait d’avoir une légère priorité au moment des inscriptions. Puis on a fait d’autres brevets, de distances toujours plus longues, jusqu’à 600 km, dans différentes communes de France, qui se sont tous très bien passés. On s’arrangeait pour y aller les week-ends où il faisait beau… On a aussi discuté avec Samuel Wyss (ndlr: d’Orbe), qui participait à son quatrième Paris-Brest-Paris. On a pris des conseils auprès de lui, et on a fait une petite sortie avec lui le jour avant le départ de la course. Jean-Claude, lui, avait aussi fait le parcours de 242 km pour 8848 m de dénivelé positif du Tour des stations deux semaines avant. Et on s’est entraînés de nuit, ce qui nous a valu de croiser pas mal d’animaux.

J.-C. R.: C’était ma hantise pour la course: se retrouver face à du gibier en pleine descente. Car on ne connaissait pas les routes, et quand on descend à 50 km/h, on peut vite tomber. Mais on a juste croisé un blaireau et une chouette.

S. S.: J’ai dû baisser la tête, parce qu’elle m’est passée tout près! Et il y a aussi eu des avions de chasse qui nous sont passés juste au-dessus dans un petit bled. Ça faisait un sacré bruit, c’était impressionnant.

 

Quand on fournit un tel effort, a-t-on le temps de profiter quand même un peu du paysage?

S. S.: Oui, j’ai même fait des photos. Il y avait des éoliennes au coucher du soleil, c’était très beau. Quand on est dans le peloton, on est concentrés, car on roule tout près de la roue de celui de devant. Donc il y a des choses que l’on n’a pas vues. Mais pour le reste, il faut quand même profiter!

J.-C. R.: Et on a beau faire un aller-retour, à part deux tronçons où on passe par des chemins différents, ce n’est pas lassant. Parce qu’on ne se souvient pas de tous les endroits qu’on a traversés à l’aller, et qu’on n’en a pas vu certains, puisqu’on roulait de nuit.

 

«Notre but était d’aller jusqu’à Brest d’une traite, ce qu’on a fait, de rouler 24 heures avant de s’accorder 1h30 de sommeil.» Serge Schnegg

 

 

Comment gère-t-on une épreuve de 1200 km, pour près de 12 000 m de dénivelé positif? Avez-vous eu de gros coups de mou?

S. S.: Notre but était d’aller jusqu’à Brest d’une traite, ce qu’on a fait, de rouler 24 heures avant de s’accorder 1h30 de sommeil. Mais j’ai eu une attaque de paupières dans la descente avant Brest. Pour le reste, c’était incroyable, j’ai été bien jusqu’à la fin, j’ai eu du plaisir tout le long. Je me suis demandé d’où venait cette énergie!

J.-C. R.: En ce qui me concerne, la nuit, je me demandais ce que je faisais là (rires). Il y avait des participants qui s’endormaient instantanément, sur le trottoir, à peine le pied posé par terre. Mais l’ambiance était féerique! Il y a des gens qui montent des tentes sur le côté de la route et qui regardent les cyclistes passer, aussi au milieu de la nuit. Et les organisateurs ont cette volonté que Paris-Brest-Paris garde l’esprit d’une randonnée cycliste, ils ne veulent pas que ce soit une compétition.

S. S.: Oui, l’ambiance est géniale! La deuxième nuit, on s’est arrêtés sous une cantine pour manger une soupe. Comme j’avais envie d’un chocolat chaud, ils sont allés me le faire dans le bistro d’à côté… Sinon, pour le ravitaillement, nos accompagnants nous ont suivis dans un véhicule qui n’avait pas le droit d’emprunter le même parcours que nous, donc ils nous envoyaient des messages pour dire où ils étaient, et faisaient clignoter des lampes pour qu’on les retrouve dans le noir.

 

Il s’agissait de votre premier Paris-Brest-Paris. Seriez-vous partants pour en refaire un?

S. S.: Certains en étaient à leur douzième ou treizième, alors que la course a lieu tous les quatre ans… On verra en temps voulu!

J.-C. R.: Oh, je ne pense pas…

S. S.: C’est vrai que ça s’est super bien passé. On est fiers d’être arrivés au bout – un quart des participants ne finit pas – et d’avoir terminé en 59 heures. Je ne sais pas si on pourrait faire mieux.

J.-C. R.: Et il y a plein d’autres courses à faire!

Muriel Ambühl