« La perspective de vivre dans une boule à neige ne me paraît pas très réjouissante »
21 août 2024 | Texte: Maude Benoit | Photo: KeystoneEdition N°3771
Le 22 septembre prochain, le peuple suisse devra
se positionner sur l’initiative « Pour l’avenir de notre nature
et de notre paysage (Initiative biodiversité) » . En prévision de cette votation, Prométerre a invité le conseiller fédéral Albert Rösti.
Le conseiller fédéral s’est exprimé lundi soir à Lausanne sur la prochaine votation portant sur la biodiversité et la protection du territoire suisse. Cette initiative demande au Conseil fédéral d’augmenter les surfaces de terre protégée, afin de défendre davantage la faune et la flore helvétique.
À un mois des votations, il est temps que les différents avis se fassent entendre. Les initiants étant restés plutôt discrets jusqu’ici, la chambre d’agriculture du canton de Vaud, Prométerre, a pris les devants en invitant directement le chef du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication. En effet, si l’initiative ne vise pas uniquement le monde agricole, mais aussi le domaine des énérgies, du patrimoine culturel bâti, des paysages, du milieu urbain, ou encore des forêts et cours d’eau, l’agriculture se trouve directement concernée par la question.
Le NON du Conseil fédéral
Albert Rösti a d’emblée annoncé la couleur en faisant savoir que le gouvernement prenait suffisamment de mesures pour assurer la protection de la biodiversité et du paysage suisse qui lui est cher. En effet, un plan d’action pour la promotion de la diversité (dont les coûts s’élèvent à 600 millions de francs) est déjà mis en place par le gouvernement et il porte ses fruits. La nouvelle initiative exigerait d’investir 400 millions de francs supplémentaires, alors que le Conseil fédéral doit déjà faire des économies. Il mentionne également que cette initiative gèlerait les nouveaux projets de construction, que ce soit pour de nouvelles habitations dans un pays où la démographie augmente exponentiellement, mais aussi pour des projets de développement d’énergies renouvelables. Il rappelle ainsi que cette nouvelle initiative irait à l’encontre de la dernière votation du 9 juin 2024 sur la modification de la loi sur l’énérgie et de la loi sur l’approvisionnement en éléctricté approuvée par la population. La Suisse se trouverait alors, selon ses propos, figée comme dans une boule à neige, sans possiblité de se développer.
Concernant le milieu agricole, Albert Rösti souligne que les agriculteurs consacrent déjà 20% de leurs terres en compensations écologiques, alors que la législation agricole leur en demande cinq. Une telle initiative empêcherait une production suffisante pour nourrir la population, favoriserait davantage l’importation de denrées alimentaires et donc ne protégerait pas la biodiversité.
Fait intéressant à souligner, Albert Rösti invite à développer les espaces verts dans les villes, là où la biodiversité est la plus mise à mal et fait appel à la responsabilité individuelle pour l’amener sur les toits et les balcons des concitoyens et concitoyennes.
Des réactions diverses
Après cette présentation du conseiller fédéral, les avis exprimés ont montré des divergences, et les remarques ont parfois été éloignées de la question des surfaces à protéger : les sujets sur la protection du loup et de la biodiversité des sols ont notamment été abordés. D’autres se sont interrogés sur les différents secteurs impactés en premier. Ce à quoi Albert Rösti a répondu qu’il appartient aux villes et communes de davantage contrôler leur territoire tout en augmentant les surfaces à protéger.
Ne pas demander l’impossible
Jacques Nicolet, conseiller national et agriculteur à Lignerolle, questionne : comment peut-on demander davantage à une agriculture qui consacre déjà une grande partie de ses terres à des compensations écologiques, qui perd des terrains agricoles pour la construction et qui est contrainte de produire suffisamment pour garantir une certaine souveraineté alimentaire. N’est-ce pas demander l’impossible ? » conclut-il.
Un agriculteur mitigé
De son côté, Guy Cousin, viticulteur à Concise, semble indécis. Il ne sait pas encore comment il va se positionner mais s’interroge : « Pourquoi n’enlèverait-on pas directement ce qui pollue (à savoir les pesticides), plutôt que de vouloir compenser ce qui pollue ? Est-ce que l’on investit suffisamment dans le développement des techniques qui nous permettraient d’éviter de choisir entre détruire pour produire et préserver la biodiversité ? » S’il a été répondu à plusieurs de ses questions lors de cette rencontre, le Concisois reste encore dubitatif face aux zones d’ombres quant à l’application réelle de cette modification législative si elle venait à passer la rampe. Et il demande également ce que les initiants proposeront dans leur programme.