La peur s’invite encore
26 février 2025 | Textes: J.-Ph. Pressl-WengerEdition N°3900
La campagne pour l’élection complémentaire à la Municipalité de la Cité thermale se poursuit dans un climat détestable.
Insultes, menaces, insinuations salaces, demi-vérités ou vrais mensonges, les réseaux sociaux ont déjà vomi tout ce que l’on aimerait éviter dans le cadre d’une campagne électorale digne. Si les municipaux Pierre Dessemontet (PS) et Christian Weiler (PLR) ont déposé plainte il y a plusieurs mois, et font l’objet d’une surveillance policière légère, d’autres ont décidé de ne pas se tourner vers la justice. Ou du moins pas encore.
Tout bloquer
«J’ai bloqué tout ce qui me concernait, révèle Sophie Pistoia-Grosset, la présidente de la section yverdonnoise de l’UDC. Du coup, je ne vois plus rien. D’autres personnes regardent les réseaux et m’indiquent si quelque chose est vraiment important et mérite que je dépose plainte.» Pour la gérante d’entreprise et courtière en immobilier, la période la plus compliquée s’est présentée après la diffusion du communiqué commun des partis de droite, en vue du 2e tour. L’Entente yverdonnoise (Vert’libéraux, PLR et UDC) laissait dans ce document la liberté de vote à ses sympathisants. Ce qui a eu pour conséquence des réactions assez violentes, surtout de la part d’un internaute (lire encadré ci-dessous). «J’avais averti beaucoup de personnes, se souvient Sophie Pistoia-Grosset, le monde change et les gens en ont marre de ce qui est proposé. Tout était réuni pour que cela dérape. La liberté d’expression sur les réseaux sociaux offre de nombreux avantages, mais elle comporte aussi des dérives. Il est essentiel de trouver un équilibre afin de ne pas franchir certaines limites».
Peur de sortir
Autre victime du même internaute, l’ancienne présidente du Conseil communal, Aurélie-Maude Hofer a véritablement pris peur. «J’ai longtemps fait l’objet de propos très virulents, la semaine dernière encore. C’est compliqué à gérer, poursuit la socialiste. J’ai hésité à déposer plainte il y a quelque temps, mais lorsque j’ai vu que tout s’amplifiait encore dans les cas de Pierre Dessemontet et de Christian Weiler, j’ai eu peur qu’une plainte de ma part envenime encore plus les choses.» De plus, l’Yverdonnoise a dû faire face à une situation particulière qui n’a rien fait pour la rassurer: «Des personnes sont venues faire des photos de ma maison… Après cela, je suis restée enfermée, sans oser sortir de chez moi. Heureusement que je suis bien entourée par ma famille et mes amis.»
Finalement, tout le monde espère qu’une fois le verdict du dimanche 2 mars tombé, les choses se calmeront. Mais peu d’indices permettent d’y croire vraiment. Avec la campagne qui précédera la votation liée au parking de la place d’Armes (en mai), puis celle, déjà entamée, qui mènera jusqu’aux élections communales de mars prochain, la table est mise pour que le chaos perdure.
«Je trouve que la société suisse est extrêmement sensible»
L’auteur des publications qui ont mené aux plaintes et à la protection policière des municipaux yverdonnois Pierre Dessemontet et Christian Weiler, en automne dernier, a accepté de répondre à nos questions. Il s’agit de Vinicius Müller, Helvético-Brésilien de 35 ans, actif dans la sécurité privée, via une filiale d’une entreprise brésilienne basée en Suisse romande.
Comment réagissez-vous aux plaintes liées à vos posts?
Je trouve que la société suisse est extrêmement sensible. Peut-être parce que j’ai longtemps vécu dans d’autres sociétés, au Brésil et au Texas. Si on rigole, on trolle, on chambre ça ne fonctionne que dans un sens.
Mais comprenez-vous que des gens se sentent en danger aujourd’hui?
Attaqués, oui, mais sur des idées. Il n’y a jamais eu de violence physique et il n’y en aura jamais. Mais il faut aussi savoir que j’ai transmis une proposition de collaboration à la Municipalité, via Ruben Ramchurn, afin de tenter de s’attaquer au deal de rue avec des agents de sécurité privée. Tout était aux normes, mais j’ai dû faire face à du racisme, à des menaces, et à des délits de faciès.
Vous êtes actuellement sous enquête depuis l’automne dernier, non?
Oui, par rapport aux plaintes de M. Dessemontet et de M. Weiler. Mais l’enquête est terminée selon ce qu’on m’a dit. Et j’ai aussi déposé plainte contre ces deux personnes pour diffamation et calomnie.
Cette plainte a mené à une perquisition à votre domicile, c’est juste?
Oui, et ils ont saisi un airsoft et un couteau en caoutchouc. Moi je n’ai pas la nécessité d’avoir des armes en Suisse.
Aucune autre arme n’a été saisie?
Si, un 431 customisé, mais il est à ma femme.
Quelles sont les implications de ces affaires pour votre entreprise?
D’une part, une partie des gens qui travaillent dans le même monde que moi semblent concevoir que j’ai été mal compris. D’autre part, tous les échanges sur les réseaux sociaux me concernant ont généré une visibilité dont l’entreprise a profité, une visibilité qu’il aurait été difficile d’obtenir par du marketing.