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La piste de motocross est condamnée
La piste aménagée près de Gressy accueille des entraînements de motocross depuis plus de quarante ans. raposo

La piste de motocross est condamnée

13 décembre 2024 | I. Ro.
Edition N°3852

Le Tribunal cantonal rejette le recours et dénonce au passage l’inaction des services cantonaux compétents.

Pour Jean Thévenaz, champion de motocross atteint dans sa santé à la suite d’un accident, l’arrêt rendu par la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal sonne comme la mort d’un projet qui l’a véritablement maintenu en vie ces quarante dernières années. Les juges ont en effet rejeté son recours et confirmé la décision de remise en état des terrains situés au fond du vallon où coule le Buron, au lieu-dit Le Trésy, sur le territoire de Gressy.

«C’est incompréhensible!» Dire que Jean Thévenaz est déçu est un euphémisme. Et la pétition qui a réuni plus de 2000 signatures en faveur du maintien de cette piste d’entraînement n’y a rien fait. Pas plus que la gestion exemplaire du site où une cinquantaine de pratiquants de la discipline venaient s’entraîner le mercredi et le samedi après-midi. Des horaires très restreints et des règles précises qui ont permis l’exploitation de cette piste durant plus de quarante ans.

Une affaire mal engagée

La piste a été aménagée au début des années huitante dans une clairière, colloquée en zone agricole et en aire forestière, sur une surface totalisant quelque 16 000 m2. La CDAP constate aujourd’hui que la piste, aménagée au gré d’importants mouvements de terre, aurait dû être soumise à une procédure de permis de construire et à des autorisations spéciales. Tel n’a pas été le cas.

Mais cette piste, invisible sauf depuis le ciel, n’a pas été aménagée en catimini. En effet, une autorisation provisoire a été délivrée en avril 1982 par le Service des automobiles et de la navigation (SAN) du Canton de Vaud, à la suite d’un préavis favorable de la Commune de Gressy.

Ce feu vert a été suivi d’une visite sur les lieux, à laquelle ont participé le syndic de Gressy, le préfet d’Yverdon, des représentants du SAN et du Service de protection de la nature, ainsi que de la Commission cantonale des courses.

L’autorisation a par la suite été reconduite, et renouvelée tacitement d’année en année. Le Département des travaux publics, le conservateur de la faune ont reçu copie de cette autorisation.

En 1991, l’inspecteur forestier a interpellé la Commune de Gressy, puis le Service de l’aménagement du territoire, aujourd’hui Direction générale du territoire et du logement (DGT). Ce service demandait alors à la Commune de procéder à une mise à l’enquête. Un plan d’affectation a été élaboré en 1994, mais il n’a pas abouti. Tout en délivrant un permis de coupe, l’inspecteur forestier soulevait certains problèmes de conformité, et en 2012 demandait la régularisation de la piste à l’occasion de la révision du Plan général d’affectation d’Yverdon-les-Bains, ville avec laquelle Gressy a fusionné en 2011.

En 2017, les services cantonaux compétents ont délivré des préavis négatifs. En 2021, la Municipalité d’Yverdon-les-Bains a soumis un plan d’affectation à l’examen préliminaire du Canton. La réponse de la DGTL a été négative, le projet présenté étant incompatible avec le cadre légal cantonal et fédéral (zone agricole et zone forestière). En juillet 2021, la Municipalité d’Yverdon a abandonné la procédure de planification.

Remise en état exigée

La DGTL a ordonné, à fin août 2022, de cesser toutes les activités en lien avec la pratique du motocross, la suppression de toutes les installations, notamment la citerne enterrée – elle permettait d’arroser la piste pour éviter le dégagement de poussière –, et la remise en état des lieux. Les propriétaires des trois parcelles incriminées ont saisi la CDAP à l’automne 2022.

Après avoir examiné la législation en vigueur à l’époque de la création de la piste, les juges cantonaux sont parvenus à la conclusion que le projet aurait dû être soumis aux autorités compétentes en matière d’aménagement du territoire et des constructions, et pas seulement au SAN. Ils citent plusieurs arrêts rendus dans des cas comparables.

L’administration tancée

Si, du point de vue de la légalité, les choses n’ont pas été faites dans l’ordre, la CDAP émet de vifs reproches à l’égard des autorités compétentes: «…il est vrai que le département compétent en matière d’aménagement du territoire et des constructions a été informé… Il en est allé de même du département compétent en matière de protection des forêts.»

Et les juges de monter le ton: «A vrai dire, on ne s’explique guère la passivité des autorités cantonales de l’époque. Quoi qu’il en soit, une telle passivité ne peut être considérée comme une autorisation, même tacite, comme le soutiennent les recourants. Elle ne peut être prise en compte qu’au titre d’une tolérance, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité d’un ordre de remise en état ou de la prescription, après trente ans, d’une telle remise en état.»

Malgré ces circonstances, les juges cantonaux sont d’avis qu’une régularisation n’est pas possible, vu notamment la classification en zone agricole, les risques de pollution par la proximité du Buron, ou encore les nuisances, même si personne ne s’en est jamais plaint. La CDAP constate par ailleurs que les deux tentatives d’élaborer un plan d’affectation ont échoué.

Intérêt public prépondérant

Les juges enfoncent le clou en relevant que le Buron et son cordon riverain constituent une liaison biologique d’importance régionale, et que l’endroit est inscrit à l’inventaire cantonal des monuments naturels et des sites. «L’intérêt public à la remise en état du site s’avère dès lors important», précise l’arrêt.

Si, vu «sous l’angle de la bonne foi des exploitants et propriétaires, donne à penser», et que «quelles que soient la bonne foi des recourants et la confiance qu’ils ont placée dans les actes des autorités, ces éléments ne permettent de toute façon pas de renverser la pesée des intérêts, compte tenu de l’ampleur de l’intérêt public à la remise en état du site».

Le recours est rejeté et un nouveau délai de remise en état doit être donné. Enfin: «Au vu des circonstances, il est renoncé aux frais judiciaires.» Maigre consolation pour l’exploitant et les adeptes de motocross.

Un recours au Tribunal fédéral reste possible.