Logo
La potion magique du PS en faveur du logement
L’Yverdonnois Xavier Fischer préside la commission logement du PS Vaudois qui propose des solutions pour contribuer à détendre le marché du logement.

La potion magique du PS en faveur du logement

27 mars 2025 | Textes: Jérôme Christen | Photo: Michel Duperrex
Edition N°La Région Hebdo No 4

Le Parti socialiste vaudois (PSV) constate que les loyers des logements proposés à la relocation ont augmenté de 86% depuis l’an 2000, que le taux de vacance est dramatiquement bas et que les résiliations collectives se multiplient. Réunis mardi soir en congrès à Lausanne, ses délégués ont décidé de lancer une initiative cantonale qui «vise à remettre l’humain au centre de la politique du logement». L’architecte-urbaniste et conseiller communal yverdonnois Xavier Fischer, président de la commission logement du PSV, nous explique le contexte et les raisons de cette initiative.

Tout va-t-il vraiment si mal pour les locataires, après deux succès fédéraux, soit le rejet l’an dernier de la révision du droit du bail et de la limitation de la sous-location ?

C’était plutôt un pare-feu, car les choses n’allaient pas bien du tout pour les locataires. Nous avons surtout évité une dégradation, ce n’est pas une victoire dans le sens d’une amélioration, mais un frein momentané à une attaque car on en attend d’autres de la part du Parlement fédéral. Nous sommes dans un pays où les loyers et le foncier sont très élevés, où l’accès au logement et à la propriété est difficile. C’est lié au droit du bail sur lequel nous n’avons aucune prise à l’échelle cantonale. Depuis des décennies, le PS essaie, avec l’ASLOCA notamment, de renforcer ce cadre légal. Mais au vu la configuration du Parlement, ce n’est possible que par des initiatives populaires.

Sur le plan cantonal, vous pouvez compter sur la mise en œuvre de la nouvelle loi vaudoise sur le logement…

La loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (L3PL) est attaquée systématiquement par les milieux immobiliers soutenus par la droite. Ce n’est donc pas une bataille que nous pouvons considérer comme gagnée. Le logement est une cause à défendre constamment. Le cadre actuel est malheureusement insuffisant pour protéger les locataires. La preuve, c’est le marché locatif.  Le coût des loyers entre 2000 et 2025 pour les logements mis sur le marché, c’est-à-dire des bâtiments neufs ou après rénovation, a augmenté de 86%. C’est sans commune mesure avec l’augmentation des salaires.

Tous loyers confondus, selon des organismes tels que Wüst et Partners ou l’Office fédéral des statistiques, l’augmentation est de 40% en 25 ans. C’est énorme et rien ne le justifie. Ce n’est pas le coût de matières premières, mais uniquement de la spéculation, c’est grave, qu’est-ce qui justifie ça, à part l’appât du gain ? C’est un gros poste au budget des ménages qui méritent de faire autre chose avec cet argent. Et si cet argent était investi dans l’économie réelle, on s’y retrouverait aussi en termes de vitalité, de proximité et d’impôts indirects.

Quels sont les bénéficiaires de ces hausses ?

Une grosse partie de ce parc immobilier appartient à des fonds de placement et des grandes sociétés qui ont aussi augmenté à peu près de 30% leurs parts de marché ces dernières années. Il y a une concentration du bien immobilier. Bien sûr, tous les propriétaires ne sont pas des méchants, mais le résultat est là. Nous sommes sous la pression des besoins de rendement. Parfois pour de bonnes raisons que sont les caisses de pension. Mais est-ce à de modestes locataires de financer les retraites de tout le monde ?

En quoi le cadre légal est-il insuffisant ?

Nous observons que la situation du marché du logement se péjore. A Yverdon, nous avons aussi un important taux de pénurie et des loyers élevés. Heureusement que la L3PL existe, c’est mieux que rien, elle a déjà amélioré beaucoup de choses, mais elle est attaquée par les milieux immobiliers et leurs soutiens politiques qui n’ont pas digéré le droit de préemption alors que ça les impacte de manière extrêmement marginale. Ils en font une question de principe.

Qu’est-ce que votre initiative va-t-elle amener de plus ?

La seule chose que nous pouvons faire à l’échelle cantonale, c’est renforcer la L3PL. Nous proposons de renforcer les mesures pour mieux contenir les loyers du parc immobilier existant.  Il aurait été possible de proposer d’augmenter les quotas de logements d’utilité publique et de prendre des mesures pour faciliter la création de logements, mais c’est lent. Pour nous, l’urgence, c’est de préserver les loyers relativement bon marché qui existent et n’accepter que des augmentations correctes en cas de travaux de rénovation. Ce doit être équilibré pour que le propriétaire s’y retrouve, mais ne fasse pas de bénéfices excessifs et que les locataires ne voient pas leurs loyers exploser de manière indécente.

Le nœud du problème n’est-ce pas la croissance démographique et la contestation toujours plus forte des projets immobiliers par les milieux de la protection de l’environnement ?

Ce n’est pas le nœud, mais une partie du problème. C’est avant tout l’insuffisance de logements à loyer abordable. Certaines communes ont quelques pourcents de Logements d’utilité publique (LUP), la majorité n’en a pas. A Yverdon si on voulait arriver à avoir 20% de LUP sur le marché – ce qui me semble être le minimum raisonnable – et que l’on exigeait que la moitié de tous les logements créés soient des LUP, il faudrait 130 ans.

Ce ne sont pas les oppositions de milieux de la défense de la nature, ni l’Association Transport et Environnement (ATE) – qui relève des problématiques de mobilité mal traitées – qui posent un problème. Ce sont le plus souvent des privés ou des associations de circonstance qui réunissent des voisins qui cherchent à préserver leur tranquillité. C’est l’essentiel des freins. Mais il est vrai qu’on ne peut plus développer des grands projets en marge de la ville, sur des terrains agricoles. Nous devons donc construire la ville sur la ville, c’est plus compliqué, ça va plus lentement, mais malgré tout, il y a tout de même pas mal de projets qui se font.  Pour rattraper la pénurie, il faudrait en construire des quantités phénoménales. C’est trop simple de dire que c’est un problème démographique. C’est un facteur, mais si c’était le seul problème, il ne serait pas aussi compliqué à régler. Il y a d’autres facteurs.

Lesquels ?

La surface que chacun consomme.  Sainte-Croix a doublé sa surface urbanisée en même temps qu’elle a perdu un bon tiers de sa population. Ce n’est pas lié à une forte croissance des emplois, ni à une explosion des résidences secondaires, mais au gaspillage d’espace. A Démoret, commune de petite taille, c’est la même chose.


Les propositions majeures

Certaines mesures en faveur du logement dépendent du taux de pénurie. Aujourd’hui, il est calculé par district sur trois ans. Le PSV estime que la pression n’existe pas seulement dans les districts à pénurie et qu’elle est disparate en leur sein. Il demande que le champ d’application du taux de pénurie concerne l’ensemble du canton. Et si le taux cantonal est supérieur à 1,5 %, il s’appliquerait uniquement dans les districts où le taux est plus bas.

Les contrôles des loyers après travaux sont limités à maximum cinq ans et le PSV affirme qu’au bout de ce délai, les propriétaires ont tendance à profiter d’un changement de locataire ou avancent des motifs divers pour augmenter les loyers auxquels les locataires se plient parce qu’ils n’ont pas vraiment le choix. Le PSV demande de prolonger les contrôles à dix ans.

Xavier Fischer relève encore que les nécessaires rénovations à but d’efficience énergétique ne doivent doit pas être prétexte à des changements de standing des appartements: «Il y a une tendance à faire d’autres travaux dans le cadre de ces optimisations et on pousse les locataires à partir, alors qu’on peut faire beaucoup de choses en les gardant dans les appartements. Nous demandons que les projets soient dimensionnés et conçus pour les maintenir en place et si ce n’est pas le cas, une obligation de relogement à des conditions comparables. Enfin, le PS veut étendre le droit de préemption à toutes les communes vaudoises.


La réaction de la CVI

La Chambre vaudoise immobilière a réagi hier estimant «que le but consiste à instaurer toute une série de contraintes supplémentaires qui auront pour effet de compliquer les procédures administratives et judiciaires et de décourager la rénovation énergétique des bâtiments». La CVCI ajoute qu’elle examinera de près le texte de l’initiative une fois qu’elle sera déposée, mais observe déjà que «les mesures préconisées par les initiants risquent de produire des effets néfastes pour l’ensemble de la communauté vaudoise».


Pas d’ambition élective

A la question de savoir s’il sera candidat à la Municipalité lors des élections de 2026,  Xavier Fischer répond catégoriquement par la négative. «Je n’ai jamais été candidat à un exécutif,  même si ça fait longtemps que je suis engagé politiquement. Je pensais même arrêter mes mandats politiques en m’installant à Yverdon, il y a huit ans. Je ne sais pas encore si je me représenterai au Conseil communal, mais je ne serai candidat à aucune fonction exécutive ou cantonale, j’arrive à la fin de ma carrière, je n’ai pas d’ambition élective. »


Large expérience politique

Xavier Fischer est architecte-urbaniste associé au sein du bureau Fischer-Montavon. De 2012 à 2017, il a été collaborateur personnel à temps partiel de la conseillère d’Etat Béatrice Métraux. Sur le plan politique, il a été conseiller communal PS à Grandson de 1985 à 2016. Après s’être installé à Yverdon, il a été élu conseiller communal PS à Yverdon en 2021. Il préside la commission logement du PS vaudois.