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La qualité de l’air, un sujet pris très au sérieux

18 août 2022

Une étude fédérale relève l’excès de CO2 dans des classes d’Orbe et de la capitale régionale.

Même si les spécialistes s’en préoccupaient depuis un certain temps, la qualité de l’air dans les classes d’école est devenue un sujet de premier plan lors de la pandémie. Les utilisateurs ont en effet été encouragés à ouvrir grand les fenêtres afin de changer d’air, même en hiver. Or une enquête fédérale, réalisée entre 2013 et 2015, limitée aux cantons des Grisons, de Berne et de Vaud, démontre que la qualité de l’air est mauvaise dans deux tiers des classes. Cinq bâtiments nord-vaudois figurent dans le top dix, le collège Léon-Michaud, à Yverdon-les-Bains, et celui du Pré-Genevois, à Orbe, arrivant en tête.

Le problème de la qualité de l’air dans les classes d’école et autres établissements accueillant du public est connu depuis longtemps. Il est généralement réglé par des ventilations et des extracteurs qui évitent que la concentration en CO2 (dioxyde de carbone) ne dépasse les normes.

Dans les écoles pourtant, le problème aurait été négligé, ont révélé nos confrères de Bon à savoir dans leur numéro d’été. Selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), les valeurs supérieures à 2000 ppm (partie par million) sont considérées comme inacceptables. En France, le Haut Conseil de la santé publique a fixé la limite à 800 ppm. La concentration de CO2 à l’air libre est de 410 ppm.

Les résultats publiés à la veille de l’été ne datent pas d’hier. En effet, l’étude a été réalisée durant les hivers 2013/2014 et 2014/2015 dans 100 salles de classes de trois grands cantons. L’OFSP ne l’a évoquée qu’en 2019, se contentant de révéler que la qualité de l’air était insuffisante dans deux tiers des classes.

La loi sur la transparence a permis à nos confrères d’obtenir les mesures réalisées à l’époque. On y découvre que les normes sont dépassées au collège Léon-Michaud d’Yverdon-les-Bains (4800 ppm), au collège du Pré-Genevois à Orbe (4800 ppm), au collège de Montchoisi à Orbe (4200 ppm), à Pierre-de-Savoie (Etablissement Edmond-Gilliard) à Yverdon-les-Bains (4000 ppm) et au collège Sainte-Claire à Orbe (4000 ppm).

Ces valeurs, mesurées il y a plus de sept ans, sont à interpréter avec prudence, l’enquête conduite au niveau national n’ayant concerné qu’un nombre infime de classes sur les milliers que compte le pays. Mais le problème est bien réel.

Directeur de l’Etablissement secondaire d’Orbe et environs (collège de Montchoisi), Patrick Tharin est bien placé pour évoquer le sujet. En effet, il était enseignant et doyen lorsque la campagne de mesures a débuté: «Je suis surpris par le fait que les résultats ne soient sortis que sept ans après. A l’époque, la Confédération a mis des capteurs dans certaines classes, puis on n’a plus rien revu.»

Cela dit, le Département de la formation et les directions d’écoles ont été contraintes d’empoigner le problème. La pandémie a non seulement imposé une aération systématique des locaux, mais le Canton a également fourni des capteurs – un pour cinq classes – permettant de mesurer la qualité de l’air.

A Orbe, la Commune, réagissant à une demande de Laurent Delisle, directeur de l’Etablissement primaire, a acquis des capteurs qui permettront de compléter le panel de ceux mis à disposition par le Canton.

Mais ce n’est pas tout. «Nous avons aussi mis en place un concept d’aération. Les enseignants sont sensibilisés à chaque conférence des maîtres. J’interviens également sur cette problématique au Conseil des élèves de Montchoisi. Je peux affirmer que nous sommes en phase d’amélioration. La qualité de l’air est meilleure qu’auparavant. Lorsque je me rends dans les classes, je regarde s’il y a un capteur. Je n’ai pas constaté des dépassements», souligne Patrick Tharin.

Désormais, les classes sont aérées avant même l’arrivée des élèves, puis une ou deux fois pendant les cours, et à chaque changement de période. «Alors que j’étais enseignant, j’avais déjà constaté que si on n’aérait pas régulièrement, la fatigue s’installait dans le temps. Ce problème se pose durant l’automne-hiver. En été, les fenêtres sont toujours ouvertes», conclut le directeur de l’Etablissement secondaire d’Orbe et environs.

Municipale urbigène en charge des Bâtiments, Myriam Schertenleib déplore une forme d’alarmisme venant comme la pluie après les vendanges. Depuis le moment où les mesures ont été effectuées, la situation a considérablement évolué: «Des mesures ont été mises en place durant la pandémie. Nous avons aussi décidé de mettre à disposition des appareils de mesure qui viendront compléter ceux distribués par le Canton. Nous avons également fait une enquête sur l’éventuelle présence de radon – gaz radioactif se formant naturellement dans le sol – en 2018-2019. Dans toutes nos classes, nous sommes en dessous des limites admises.»

 

Le collège des Rives fait exception

 

La problématique de l’aération se pose exclusivement dans les bâtiments anciens. Ainsi, le collège des Rives, où il est impossible d’ouvrir les fenêtres, bénéficie d’un système d’échange d’air, explique Brenda Tuosto, municipale en charge du Service travaux et et environnement, de la Mobilité et, depuis le départ de Jean-Daniel Carrard, des Bâtiments: «Au collège des Rives, le problème ne se pose pas, car il bénéficie d’un système d’échange d’air via l’atrium. L’air est renouvelé en permanence. Il est vrai par contre que dans les mesures effectuées à Léon-Michaud, deux tiers n’étaient pas conformes. Le Canton a émis des directives et fourni des appareils de mesure.»

Dans les bâtiments anciens, seule l’aération régulière permet de maintenir une atmosphère conforme aux normes. Mais cette méthode entre en contradiction avec la bonne gestion de l’énergie. «Il faut trouver un juste milieu. Le Covid a boosté le débat sur la qualité de l’air», souligne la municipale yverdonnoise. A Orbe, Myriam Schertenleib souligne que l’aération fréquente des salles durant la période hivernale s’est clairement traduite par une augmentation de la facture d’énergie.

Si, à part l’aération mécanique et régulière des locaux, il n’y a pas d’autre solution applicable aux bâtiments anciens, Brenda Tuosto assure que la problématique est prise en compte dans les projets futurs: «Pour les nouveaux bâtiments, on va mettre en place systématiquement la régénération d’air.»

La municipale yverdonnoise relève elle aussi le paradoxe entre assainissement énergétique et qualité de l’air dans les bâtiments publics. «Il faut trouver un juste milieu», conclut-elle.

Si des classes nord-vaudoises font figure de mauvaises élèves, c’est tout simplement parce que les établissements sélectionnés par l’OFSP se trouvent tous dans le Jura-Nord vaudois, le Gros-de-Vaud et la Broye-Vully. L’étude n’est donc pas représentative, souligne Didier Sieber, adjoint au directeur général de l’enseignement obligatoire et de la pédagogie spécialisée. Et de préciser que «dès 2018, l’Etat de Vaud, en collaboration avec l’OFSP, a mis en place une campagne de sensibilisation auprès de l’ensemble des établissements de la scolarité obligatoire et des autorités communales, propriétaires des bâtiments scolaires».

Les professionnels de l’enseignement ont été sensibilisés aux «8 règles d’or de l’aération» de l’OFSP et bénéficient d’appareils de mesure distribués par le Canton, qui tournent dans les classes. «J’ai d’ailleurs encore rappelé cette consigne lors de notre rencontre de rentrée avec l’ensemble des directions du canton mardi matin», assure Didier Sieber.

L’adjoint au directeur général de la DGEO relève avoir reçu beaucoup d’avis positifs à propos de la mise en œuvre des capteurs de CO2. Ils ont favorisé une prise de conscience, tant chez les enseignants que parmi les élèves: «La DGEO prend très au sérieux ce sujet et a confié la mission à ses directions, et par elles à ses enseignantes et enseignants, de s’assurer que la qualité de l’air en classe est bonne.»

Isidore Raposo