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La table ronde de Fallet entre au Musée

12 septembre 2012

Petit monument de l’histoire yverdonnoise -elle a «accueilli» le Général Henri Guisan et le conseiller fédéral Paul Chaudet- la table ronde est désormais au Musée.

L’ancien conseiller d’Etat Pierre Cevey lit les noms gravés dans la plaque centrale. Il est entouré de Samuel Gurtner, Lousy Bornoz et Savina Bugnon.

Les Yverdonnois et leurs hôtes connaissent bien la promenade Auguste-Fallet, qui s’étend le long de l’avenue des Remparts, entre une allée de marronniers. Mais peu se souviennent de cet hôtelier et mécène yverdonnois. Et encore mois d’une table ronde qui, des décennies durant, a accueilli la fine crème du Parti Radical, mais aussi beaucoup d’amis sans couleur politique. Car le propriétaire de l’Hôtel du Paon, qui se trouvait à l’extrémité ouest de la rue du Lac, avait fait cet objet mobilier le point de départ d’une renaissance… après avoir échappé à la guillotine!

Avec le temps, l’évolution des moeurs et une société qui évolue à cent à l’heure, cette table avait échoué à Bonvillars, dans le domaine de Jacques Bloesch. Sa sauvegarde est désormais assurée. En effet, vendredi passé, les derniers amis de la table ronde d’Auguste Fallet l’ont remise au Musée d’Yverdon et Région, avec des documents écrits et photographiques originaux.

La libération

Cette table, et les multiples réunions conviviales qu’elle a accueillies, sont le fruit d’une forme de reconnaissance. En effet, Auguste Fallet, né en 1894, s’est établi à Yverdon-les-Bains en 1903, lorsque ses parents ont repris l’Hôtel du Paon. Plus tard, a rappelé France Terrier, directrice-conservatrice du Musée d’Yverdon et Région, son métier d’hôtelier l’a amené à voyager, sur terre, mais aussi sur le navire «Europe».

En 1917, au retour d’un séjour au Congo, Auguste Fallet est arrêté et incarcéré à Lyon. Il est accusé d’espionnage en faveur de l’Allemagne. En réalité, des Zurichois oeuvrant pour l’espionnage allemand avaient usurpé son identité.

C’est grâce aux efforts déployés par le chef de la Sûreté neuchâteloise de l’époque qu’Auguste Fallet a finalement été libéré le 25 août 1917, après six mois de détention à la prison Saint-Paul de Lyon.

Comme un héros

De retour à Yverdon, Auguste Fallet est accueilli comme un héros. Et c’est autour de cette table ronde qu’il conte sa mésaventure. Le professeur Jules Viguet, Ernest Addor, Ulysse Péclard, César Sueur, Louis Bourquin, Félix Cuendet, qui participèrent plus tard à la fondation du Rotary Club d’Yverdon-les-Bains, étaient de la partie.

La table ronde, sans statuts ni règlement (à ne pas confondre avec le club service du même nom) venait ainsi de naître. Elle serait chaque semaine le lieu où l’on célèbre l’amitié.

Invités illustres

Cette table a, au cours du vingtième siècle, accueilli nombre d’invités illustres au nombre desquels figuraient le général Henri Guisan, le conseiller fédéral Paul Chaudet, ou encore Sir Gavin de Beer, directeur du British Museum. Vingt ans après sa libération, Auguste Fallet a fait célébrer un culte d’action de grâce au Temple, suivi d’un banquet au Casino, auquel ont participé les juges et policiers lyonnais, et les policiers neuchâtelois. A cette occasion, le mécène yverdonnois a aussi fait un don important aux sociétés locales. A l’heure de la retraite, Auguste Fallet a vendu l’Hôtel du Paon, s’est marié avec la plus fidèle collaboratrice de l’établissement, et tous deux se sont installés à la rue Neuve. Malheureusement, l’hôtelier-mécène a été emporté par la maladie peu après, le 24 août 1962, alors qu’il allait fêter le 45e anniversaire de sa libération. Il avait 68 ans. Il a légué, par testament, une grande partie de sa fortune aux oeuvres de bienfaisance, aux églises, et aux sociétés dont il a été membre. Le Musée d’Yverdon et Région a aussi hérité de ses collections.

Pour saluer cette générosité, la Ville d’Yverdon a donné son mom à la fameuse promenade.

Une promesse

Avant de disparaître, Auguste Fallet a fait promettre à ses amis, au nombre desquels figuraient Oscar Etzensperger et le colonel Pierre-André Junod, de perpétuer les moments d’amitié de la table ronde.

A la fermeture de l’Hôtel du Paon, la table a trouvé refuge à Bonvillars, mais les réunions se sont peu à peu espacées. Au point qu’elle a fini par être oubliée. Et lorsque Samuel Gurtner a reçu un appel de Jacques Bloesch, il s’est dit que ce témoin de l’histoire yverdonnoise ne pourrait trouver meilleure protection que le Musée.

 

Auguste Fallet a présidé le Musée du vieil Yverdon

En accueillant les amis du mécène yverdonnois, François Bruand, président de la Fondation du Musée Yverdon et Région, a rappelé que la remise de cette table était «un acte emblématique de la vocation de ce musée».

La directrice-conservatrice France Terrier a dit sa reconnaissance aux amis d’Auguste Fallet, réunis autour de cette table 95 ans après sa création. Outre la table, les archives et le contenu de la caisse, qui était alimentée par des dons volontaires, ont été remis au Musée. France Terrier a aussi rappelé que le Musée d’Yverdon et Région avait évoqué l’extraordinaire trajectoire d’Auguste Fallet en 1994, lors d’une exposition consacrée aux Yverdonnois illustres, et que ce mécène avait présidé la Société du Musée du Vieil Yverdon. Elle a aussi signalé l’existence, à la Bibliothèque publique, d’un recueil d’articles consacrés à «l’affaire Fallet».

Isidore Raposo