A mi-parcours de la construction du futur centre taoïste Ming Shan, unique en Suisse, son concepteur prévoit d’y implanter un projet novateur mêlant deux mondes que tout oppose: le numérique et la spiritualité. Un concept que le Canton va financer.
Ce n’est pas tous les jours que l’on peut associer les noms de grandes institutions comme l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL) à la petite commune de Bullet. Unir l’eau et le feu est un art dont seul Fabrice Jordan, président de l’Association taoïste suisse, a le secret. Après avoir convaincu les autorités du bien-fondé d’un centre de ce type sur le Balcon du Jura (lire encadré), il vient de les persuader, pour la seconde fois – et en seulement un mois – de financer une autre de ses idées: le Ming Shan Digital Experience. Le Service de la promotion de l’économie et de l’innovation (SPEI) de l’Etat de Vaud a annoncé, la semaine dernière, qu’il accordait une aide de 80 000 francs, sur les 180 000 francs que coûte le projet.
Concrètement, celui-ci vise à faire vivre aux utilisateurs du futur centre Ming Shan une expérience spirituelle améliorée et surveillée grâce à des technologies dernier cri. Une idée totalement novatrice qui a émergé d’une réflexion pragmatique. «Je me demandais comment donner du sens à un temple – qui se veut laïc – au XXIe siècle, alors que les églises se vident, explique le docteur Fabrice Jordan. Comme la particularité de la pensée taoïste est d’observer le monde sous l’angle du mouvement, j’ai réfléchi et je me suis dit: Qu’est-ce qu’il se passe en nous entre le moment où on entre et celui où on ressort d’un temple? Et comment monitorer cette transformation d’état d’âme?»
Après quelques recherches, le spécialiste en médecine traditionnelle chinoise a découvert que l’EPFL+ECAL Lab menait des réflexions du même ordre. «Notre but est de montrer que l’on peut modifier la perception qu’ont les gens d’un espace et d’une expérience avec des moyens technologiques discrets, précise Nicolas Henchoz, directeur de ce laboratoire. Mais, avec le projet de Bullet, ce sera la première fois que l’on sera confrontés à des gens en état de méditation.»
Impact
pour les neurosciences
Des ingénieurs, des psychologues, des designers et peut-être même des experts en neurosciences de renommée internationale, comme Olaf Blanke – qui a notamment réussi à reproduire la sensation de sortie hors du corps en laboratoire – œuvreront sur ce projet inédit en Suisse. «On a beaucoup à apprendre de ce travail parce que si on arrive à déterminer quels sont les facteurs de stress et de bien-être, on pourra ensuite transposer ces nouvelles connaissances dans d’autres domaines», admet Nicolas Henchoz.
C’est d’ailleurs ce qui a convaincu le SPEI de mettre la main au porte-monnaie. «C’était l’opportunité de créer un outil novateur pour tous ceux qui font un travail de développement personnel, tout en aidant, dans un second temps, les personnes traitées au centre pour une dépression ou une addiction. Ensuite les start-up pourront dupliquer cette innovation en neurosciences ou ailleurs», relève Sandra Mordasini, chef de projet tourisme au SPEI, qui a souhaité être la première à tester le futur prototype.
Comment le Ming Shan Experience Digital va se présenter? Impossible de le savoir, puisqu’il y a tout à inventer. «Le défi, c’est que la technologie soit au service de la méditation et pas l’inverse. Je ne veux pas que le temple devienne un Disneyland spirituel monitoré!», conclut Fabrice Jordan, qui espère obtenir un prototype pour l’ouverture du centre, en septembre 2019.