Yverdon-les-Bains – L’Etat de Vaud et la Cité thermale ont officiellement lancé vendredi le début des travaux de renaturation et de sécurisation du cours d’eau. Le chantier, estimé à près de 20 millions de francs, devrait durer deux ans.
Malgré la chaleur de ces jours, tout le monde n’a pas oublié les inondations qui ont perturbé le Nord vaudois en janvier dernier. «La Thièle a prouvé à plusieurs reprises qu’elle n’avait rien d’un long fleuve tranquille, a rappelé la conseillère d’Etat Jacqueline de Quattro. Les très fortes précipitations que nous avons connues cet hiver ont engendré une hausse du niveau de la rivière et elles ont démontré que les limites du système étaient atteintes.» Grâce à l’arrivée des beaux jours, le Canton et la Cité thermale ont lancé officiellement vendredi des mesures de sécurisation du cours d’eau.
Si la cheffe du Département du territoire et de l’environnement s’est déplacée jusque sur les digues situées à côté de l’aérodrome d’Yverdon-les-Bains, ce n’est pas pour présenter un petit projet. Le chantier s’étend sur trois km et prévoit de doubler la largeur du lit du cours d’eau sur 1,8 km et de réhausser les berges sur 1,2 km entre le pont Rouge et le pont Curtil-Maillet, ainsi que le long du Canal du Déversoir. Les travaux sont «d’une ampleur inégalée dans le canton», selon Jacqueline de Quattro, et sont estimés à 18,5 millions de francs, financés à hauteur de 75% par la Confédération et de 20% par le Canton. La capitale du Nord vaudois, elle, y a mis quelque 925 000 francs de sa poche.
Aménagements nécessaires
«Vous allez me dire: on ne voit pas le problème, l’eau coule tranquillement, investir près de 20 millions ça fait beaucoup… Mais en janvier, on n’était pas loin de la catastrophe, rappelle la ministre. La Thièle n’a pas débordé, mais on a vu que l’eau filtrait par les digues.»
Concrètement, le point le plus faible est situé entre le pont Rouge et la limite communale, représentée par la ligne de peupliers. C’est pourquoi, à cet endroit, il est prévu de rehausser la digue droite, bordant le chemin de l’Aérodrome, et d’élargir le lit de la rivière de 15 mètres, sur la rive gauche, pour atteindre une largeur totale de plus de 30 mètres. En parallèle, des palplanches seront installées à l’intérieur des digues pour assurer leur étanchéité. «La Thièle sera sécurisée pour les siècles à venir», commente Philippe Hohl, chef de la division ressources en eau et économie hydraulique à la Direction générale de l’environnement.
En plus de sécuriser le flux, ces travaux permettront de renaturer la Thièle. «Elle sera toujours en ligne droite, car cela permet de donner une structure et d’éviter une faiblesse des digues, mais il y aura plus de place pour une dynamique naturelle entre les deux rives», explique le spécialiste. C’est donc le lit de la rivière qui va être aménagé différemment pour permettre notamment à l’ombre commun de réinvestir ce cours d’eau quasi abandonné par les poissons.
L’accent sur la biodiversité atteindra également les berges, puisqu’un panachage de prairies, et de plantations de buissons et d’arbres indigènes y seront éparpillés. Ce qui bénéficiera non seulement aux animaux, tels que le muscardin et le tarier pâtre (oiseau), mais aussi à la population qui pourra, elle aussi, se réapproprier cet espace pour se ressourcer, souligne encore l’élue PLR.
Avant d’ajouter: «Nous n’avons pas envie de voir ces travaux s’étaler sur dix ans. Nous avons prévu leur fin en juillet 2020, car on ne sait jamais quand la prochaine catastrophe naturelle se reproduira.» Une date dont le syndic n’avait visiblement pas connaissance. «On m’avait dit que les travaux allaient durer entre trois et quatre ans, mais j’ai pris acte que cela pourrait ne durer que deux ans!», a rétorqué Jean-Daniel Carrard avec le sourire.
«Cela fait plus de 25 ans qu’on attend ces travaux»
Elargir la Thièle signifie aussi exproprier le propriétaire des terres agricoles de la rive gauche et empiéter, le temps des travaux, sur celles de la rive droite. Comment ceux-ci voient-ils ce chantier? «Mes champs formaient un lac ce début de printemps, souligne Roger Freymond, agriculteur sur la rive droite, qui se réjouit tout en attendant de voir comme le rivière va réagir avec la première crue. Mon assurance grêle ne veut plus me couvrir depuis des années à cause des inondations tant que rien n’est mis en place. Alors j’espère qu’on pourra bientôt rediscuter…»
Du côté de son voisin de rive, le maraîcher Willy Stoll, il n’y a pas de doute: «Ça ne peut pas être pire! Je vois ces travaux d’un bon œil. Cela fait plus de 25 ans qu’on les demande. On a déjà perdu des millions à cause des inondations, alors même si on perd environ quatorze hectares durant les travaux et un an de culture, il faut aussi qu’on y mettre du nôtre.»
Pragmatiques, les agriculteurs ont demandé à ce que des stations de pompage soient installées – à leurs frais toutefois – pour évacuer l’eau en cas d’inondation, car les digues étanches ne laisseront pas redescendre l’eau dans la rivière avec la décrue. «Sur la rive droite il y aura une pompe pour remettre l’eau des champs dans la Thièle, explique Philippe Hohl. Sur la rive gauche, en revanche, il existe un projet, qui n’a pas encore été validé, pour qu’une pompe puise dans la rivière pour arroser les champs.»