La Thièle s’exporte bien
6 juin 2025 | Textes: Jérôme Christen | Photo: Gabriel LadoEdition N°3955
Les Éditions de la Thièle à Yverdon relèvent la tête, après l’incendie qui a provoqué la destruction de la majeure partie de leur stock au Centre Saint-Roch. Un nouvel ouvrage vient de sortir de presse et deux autres sont en préparation.
Au moment du sinistre du 30 décembre dernier, cette société coopérative, fondée par l’imprimeur Henri Cornaz en 1984, avait édité 55 titres. Si l’incendie du dépôt de lithium a été assez vite circonscrit, la fumée et la fuite polluante et toxique dégagée ont quasiment anéanti leur réserve de livres.
Le seul stock d’ouvrages à avoir survécu est celui de Grandson, un siècle de photographies, sorti de presse en 2023 dont 350 exemplaires étaient sous trois protections: livres filmés, emballés dans des cartons sur une palette qui était elle-même filmée. Ce triple rempart les a préservés de l’odeur de la fumée qui a pénétré et rendu invendables même ceux qui ne bénéficiaient que d’une double protection.
Au-delà du Nord vaudois
Les éditions de la Thièle, pilotées par Christine Desponds, se remettent peu à peu de ce coup dur. La maison yverdonnoise exporte même son savoir-faire au-delà des frontières du Nord vaudois avec l’édition d’un livre intitulé Vevey alternatif. Il retrace l’histoire de mouvances culturelles et festives nées sur les décombres d’un passé industriel à une époque où le chef-lieu de la Riviera a vu disparaître coup sur coup ses fleurons de l’industrie mécanique (ACMV) et du tabac (Rinsoz & Ormond), laissant son économie exsangue.
L’auteur de cet ouvrage est le professeur d’histoire Daniel Reymond qui réside à La Tour-de-Peilz et avait déjà collaboré à deux reprises avec les éditions de la Thièle. La première fois avec La Bobine, un ouvrage sur le cinéma de la vallée de Joux et l’autre sur le Vevey d’autrefois. Vevey alternatif est donc le troisième ouvrage de cet auteur.
Ethnologie régionale
«Nous nous sommes très bien entendus dès le départ, explique Christine Desponds. Mais notre premier critère, c’est la qualité de l’écriture et l’intérêt du sujet, qui relève ce qu’on pourrait appeler de l’ethnologie régionale. La vallée de Joux était un peu plus loin que notre territoire habituel, mais nous n’avions pas de projet à ce moment-là. Le livre a très bien marché et lorsque Daniel Reymond est revenu vers nous pour des ouvrages sur Vevey, nous avons été convaincus par le fond qui était très intéressant et par de très belles photos. Mais il est vrai que notre territoire est avant tout Yverdon et ses environs.»
La coopérative a certes passé un cap difficile il y a une dizaine d’années où non seulement les réserves financières avaient été épuisées, mais pire, les comptes affichaient même un petit découvert. Mais la Commune d’Yverdon a sauvé les meubles grâce à une grosse commande du livre 57 photos d’Yverdon 1896-1960 offert aux nouvelles nonagénaires. «Un sacré bol d’air, se souvient Christine Desponds. Après, ça s’est bien enchaîné, nos livres ont bien marché avec notamment Paillard Bolex Bolsky et Les Cygnes. Tant et si bien qu’aujourd’hui les éditions de la Thièle se portent bien.
Quelles réimpressions?
Après les dégâts provoqués par l’incendie se pose la question de la réimpression des ouvrages perdus. C’est prévu pour 57 photos d’Yverdon 1896-1960 et pour Le vieil Yverdon. «Usuellement, nous ne le faisons pas, poursuit Christine Desponds. Un livre se vend durant les trois mois qui suivent sa parution, après c’est plus rare, sauf si des événements en lien avec l’ouvrage sont organisés. Nous avons réimprimé La Filière, qui traite du passage d’enfants juifs entre la France et la Suisse. Parce que c’est un livre régulièrement demandé. Il suffit qu’il y ait une exposition sur cette époque pour qu’il suscite à nouveau de l’intérêt. Sinon, nous renonçons. Certes, nous étions bien assurés et la porte à des réimpressions est encore ouverte 18 mois, mais il importe de bien évaluer l’intérêt et se demander dans chaque cas si c’est bien raisonnable.»
Pestalozzi et les bistrots d’Yverdon
Deux projets sont en cours: l’édition d’un livre qui regroupera les chroniques hebdomadaires du Centre Pestalozzi parues dans La Région et qui devrait paraître en janvier 2027 à l’occasion des 200 ans de la mort d’Henri Pestalozzi. Quant à l’auteur des Cygnes et de Fontenay, Claude Alfred Bruand, il prépare depuis bientôt quatre ans un livre sur certains bistrots et restaurants d’Yverdon.
Trouver le bon équilibre
L’avenir des Éditions de la Thièle, en dépit des péripéties de décembre, se présente plutôt bien. «Nous avons toujours trouvé des sources de financement. Le coût d’un livre avoisine les 30 000 francs. Sans subventions et/ou sponsoring, il faut monter le prix le prix du livre, et si c’est trop cher, ce n’est plus vendable. Nous pouvons parfois nous permettre un petit déficit en ayant recours à nos réserves, mais de l’autre côté, nous essayons de faire un petit bénéfice pour les alimenter et financer le suivant», explique Christine Desponds.
Peintre de L’Auberson
La fresque qui figure sur la couverture du livre et qui se trouve à la place Scanavin à Vevey est l’œuvre d’un artiste connu du Nord vaudois. Le peintre et sculpteur Denis Perret-Gentil réside depuis de nombreuses années à L’Auberson. Deux de ses réalisations monumentales emblématiques se trouvent l’une à la rue des Rasses à Sainte-Croix (L’homme qui scrute le ciel), l’autre, au bord du Lac à Yverdon près du port (Le voyage immobile). Denis Perret-Gentil a vécu plusieurs années à Vevey au cœur de l’effervescence du Vevey alternatif.