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La valse saisonnière des vendanges a débuté avec un temps d’avance

1 octobre 2018 | Edition N°2342

La récolte du raisin est précoce, cette année, en raison du soleil très généreux de ces derniers mois. Le millésime 2018 s’annonce riche et sucré. Reportage au milieu des ceps à Valeyres-sous-Rances et à Concise.

«Avec le temps qu’il fait, on se croirait au mois de juillet», lâche Jacques Ravey, tandis qu’il gare son tracteur au pied de son vignoble à Valeyres-sous-Rances, ce vendredi 28 septembre sur le coup de 14h30. Il reste encore du travail mais, à la fin de la journée, l’agriculteur-viticulteur sait qu’il pourra ranger ses caisses jusqu’à l’année prochaine. Au total, il aura récolté environ 50 tonnes de raisin sur ses cinq hectares, dont les deux tiers seront transformés à la Cave du Château de Valeyres-sous-Rances. D’autres, dans la région, continueront à s’activer au milieu des ceps jusqu’à la fin de la semaine, avant que leurs vignes n’aient rendu toutes leurs grappes.

En 1961 déjà

Cette année, Jacques Ravey a mobilisé sa troupe de cueilleurs dès le 22 septembre. C’est tôt, et encore davantage d’habitude. «Je suis né le 14 octobre. Gamin, j’ai toujours fêté mon anniversaire pendant les vendanges. Maintenant, ce n’est plus le cas. Ces dernières années, on vendange entre fin septembre et début octobre.» C’est que le soleil, qui a dardé ses rayons en continu durant des mois, a précipité le début de la récolte. Ce vendredi, il cogne encore très fort au-dessus du vignoble de Jacques Ravey.

© Michel Duperrex

© Michel Duperrex

Il fait chaud, mais c’est du déjà-vu: «Ma maman dit qu’en 1961, les vendangeuses étaient en bikini», sourit l’agriculteur-viticulteur. Sa mère, Hélène Ravey, fait d’ailleurs partie de l’équipe chargée de ramasser le raisin. On la retrouve au milieu du vignoble, quelques mètres plus loin, maniant le sécateur comme personne. Elle se rappelle en effet de cette récolte qui s’était déroulée sous un astre brûlant, il y a cinquante-sept ans. «Mais c’était au mois d’octobre», précise-t-elle.

Une affaire de famille

A 83 ans, Hélène Ravey impressionne par sa dextérité, détachant avec précision des grappes dorées qui viennent s’entasser dans une caisse posée à ses pieds. Une agilité qui ne surprend guère Alicia, sa petite-fille de 21 ans, qui s’active dans la rangée voisine. «Elle skie et elle luge encore, glisse-t-elle en posant un regard amusé sur sa grand-maman. Et c’est la plus présente pendant les vendanges!»

Chez les Ravey, on récolte le raisin en famille. Parmi les autres cueilleurs présents ce jour-là, il y a aussi Romain, 23 ans, et Chloé, 25 ans, deux des cinq enfants du patron. La jeune femme n’a d’ailleurs pas hésité à se déchausser et évolue pieds nus au milieu des ceps, tant il fait chaud. Une situation qui aurait toutefois pu entacher la cueillette, si le vignoble de Jacques Ravey n’était pas équipé d’un goutte à goutte sur ses parties sensibles, là où le sol est en gravier. «La vigne, c’est une des dernières cultures qui a soif. Elle peut aller chercher de l’eau très profondément, mais lorsqu’il n’y a pas de fond, ce n’est pas possible», explique le propriétaire. Grâce à son système d’irrigation, il est donc certain de préserver les grappes: «Sans ça, il n’y aurait quasiment pas eu de raisin dans ces zones-là.»

 

«Les conditions présagent des vins potentiellement exceptionnels»

Les vendanges ont démarré avec environ deux semaines d’avance par rapport à la moyenne. «On dit que la récolte a lieu 100 jours après la floraison, sous réserve d’un été chaud ou maussade», explique Benjamin Morel, propriétaire de la Cave du Château à Valeyres-sous-Rances. Cette année, les fleurs sont apparues au début du mois de juin, laissant présager une récolte précoce.

Après un été chaud et sec, les vignes rendent de belles grappes qui ne présentent pas de pourriture. Les grains sont plus faciles à travailler, même si leur température, lors de la cueillette, peut avoir certaines conséquences. «C’est assez particulier d’avoir des jus aussi chauds, entre 25 et 28 degrés. Ils risquent de partir en fermentation spontanée», explique le vigneron. Afin de parer au problème, sa cave est équipée pour refroidir le nectar à 15 degrés. Certains lots ont également été réceptionnés le matin, lorsqu’il faisait encore assez frais.

«On a une qualité sanitaire impeccable, des taux de sucre élevés et les quantités récoltées à la vigne sont bonnes, poursuit Benjamin Morel. Ça présage des vins potentiellement exceptionnels même si c’est encore un peu tôt pour le dire.» Une chose est sûre, en revanche, le millésime 2018 sera très riche et son taux d’alcool plus élevé que d’ordinaire: «Il peut y avoir jusqu’à un degré en plus.» Les quantités de sucre vont par ailleurs donner un peu de fil à retordre aux vignerons, lorsqu’il s’agira de produire du rosé ou du pinot noir, un cru qui pourrait présenter «des arômes confits et capiteux». Il n’en demeure pas moins que «globalement, c’est une très belle année. Il faudra se souvenir de 2018», sourit Benjamin Morel.

© Michel Duperrex

© Michel Duperrex

Caroline Gebhard