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«L’acte de détruire un livre, de lui enlever son âme… ce n’est pas anodin»
Sous une chaleur étouffante, la compagnie répétait encore ce mardi, fignolant les derniers détails de mise en scène et d’interprétation. © Michel Duperrex

«L’acte de détruire un livre, de lui enlever son âme… ce n’est pas anodin»

24 août 2023

Numerik Games – Les ArTpenteurs embarquent les festivaliers dans le monde dystopique de Fahrenheit 451. Un texte dont l’actualité est toujours brûlante.

«Je suis amoureux de ma… femme. Accentue bien!» C’était l’heure des derniers recadrements, des ultimes finitions, mardi, sous le chapiteau des ArTpenteurs. Dès vendredi, ils présenteront Fahrenheit 451 au public de Numerik Games. Le metteur en scène Laurent Annoni, ancien élève de Chantal Bianchi et Thierry Crozat, les fondateurs de la compagnie, explique pourquoi il a choisi de donner vie à cette œuvre majeure du 20e siècle.

 

Laurent Annoni, qu’est-ce qu’une dystopie pour vous?

C’est une œuvre de fiction qui dépeint un monde qui ne va pas bien. La dystopie prend un aspect de notre société et le pousse à l’extrême, pour faire ensuite son autocritique. C’est cet aspect-là, la critique, qui me plaît dans ce genre.

 

L’œuvre de Bradbury aborde de nombreux thèmes. Y en a-t-il un que vous allez mettre en avant?

Oui, et pas qu’un d’ailleurs. Il y a en a plusieurs! Fahrenheit 451 parle de consommation, de censure, de rapport aux autres… Un élément qui m’a particulièrement marqué est la similitude entre le travail du comédien et l’action des résistants dans l’œuvre.

 

C’est-à-dire?

Dans Fahrenheit 451, les livres sont brûlés afin que la population ne pense plus et puisse donc vivre en paix. Face à cette interdiction, ceux qui résistent au pouvoir totalitaire se réunissent pour apprendre par cœur des livres. Ils peuvent ainsi transmettre leur contenu, même après qu’ils ont été brûlés. Or apprendre des textes, c’est précisément ce que nous faisons. Cette idée de culture orale m’est très chère, parce qu’elle est au cœur des missions du théâtre: faire passer un message et vulgariser.

 

Le livre est un objet particulier, qui est maltraité dans l’œuvre de Bradbury. Quel est votre rapport à lui?

Je ne me décrirais pas comme un grand lecteur. Mais j’aime beaucoup la mythologie qui existe autour du livre. L’acte de détruire un livre, de lui enlever son âme… ce n’est pas anodin. En tant qu’acteur, une fois qu’on est dans le personnage, on reste concentré, évidemment. Mais au début, c’est une action qui marque.

 

Une pièce de théâtre à Numerik Games, cela fait-il sens?

Oui! Dans la pièce, il y a un questionnement sur l’utilisation des écrans, sur le temps d’attention qui est toujours plus réduit. Un phénomène qu’on voit apparaître avec TikTok et sa norme des six secondes dans notre monde. Il y a des liens évidents.


Un village dans le festival pour découvrir la vie d’artiste itinérant

Les ArTpenteurs ne présenteront pas uniquement leur pièce Fahrenheit 451 dans le cadre du Numerik Games. Tout l’espace qui entoure leur chapiteau sera ouvert au public. «Lorsqu’on s’implante dans un lieu, on veut proposer plus qu’un spectacle, explique Chantal Bianchi, fondatrice de la compagnie, avec Thierry Crozat. Le théâtre itinérant, c’est une manière d’être au monde et s’ouvrir aux autres fait partie de nos valeurs.»

Ainsi, les festivaliers pourront profiter d’un petit salon de médiation culturelle, qui sera une interface entre le public et le théâtre itinérant. Tous les jours, 45 minutes avant la représentation de Fahrenheit 451, les curieux auront la chance d’assister à l’animation foraine du petit orchestre PhilHarmonique. Samedi et dimanche, le collectif circassien El Nido de las Artes organisera des ateliers et des spectacles. «C’est une école de cirque du Nicaragua, un pays avec lequel j’ai un fort lien émotionnel, détaille Chantal Bianchi. Grâce à la rigueur du cirque, le collectif permet à des jeunes au parcours parfois difficile de tenir dans la vie.» Enfin, un bar sera aussi à disposition. «C’est important pour nous d’affirmer une accessibilité, la rendre concrète, conclut la femme de théâtre. Et ça marche: avec le village, les gens se sentent accueillis.»


Infos pratiques

Numerik Games Festival: Du 24 au 27 août, entre le parc japonais et le Théâtre Benno Besson.

Concerts, ateliers, tables rondes, spectacles, restauration.

Horaires et programmation sur le site du festival.