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L’ADN, une chance et un risque
Yann Thoma et Rick Wertenbroek. © Michel Duperrex

L’ADN, une chance et un risque

17 juin 2021

Rick Wertenbroek (à droite) travaille sur la compression et l’analyse du génome humain. Un domaine passionnant qui peut prolonger la vie, mais qui soulève des questions éthiques. Le point avec le doctorant et le professeur Yann Thoma (à gauche).

 

Le lien entre Angelina Jolie et Rick Wertenbroek ne saute pas aux yeux de prime abord. Mais l’actrice américaine et le jeune chercheur de la HEIG-VD à Yverdon-les-Bains ont un intérêt en commun, au moins: celui pour l’étude du génome et de l’ADN humain. Ainsi, l’interprète de Lara Croft a décidé en 2013 de se faire enlever la poitrine, après avoir effectué un dépistage. La raison: un risque accru de cancer du sein. Du coup, préventivement, l’Américaine a décidé cette ablation.

«C’est une des applications concrètes de l’étude du génome, oui», détaille Rick Wertenbroek, jeune homme de 32 ans tout ce qu’il y a de plus ordinaire, qui partage son temps libre entre le jeu de go, l’escalade et l’apiculture. Mais ce Vaudois d’origine néerlandaise enfile son costume d’expert du génome dès qu’il franchit les portes de la Haute Ecole d’ingénierie et de gestion. En quelques secondes à peine, celui qui est aujourd’hui assistant de relève, captive son interlocuteur sans avoir à se forcer un seul instant. «Rick est un très bon assistant. Il s’agit de quelqu’un de plus intelligent que la moyenne», sourit Yann Thoma, professeur à la HEIG-VD, en commentant le travail de son jeune collègue.

Le domaine de compétence de Rick est la bio-informatique et s’étend à tout ce qui touche le génome et son étude, c’est-à-dire l’ADN d’un organisme, dont l’humain bien sûr. Au-delà de l’analyse, il s’intéresse aussi à la compression des données, dans le cadre d’un projet de recherche nommé PEHAGA, qui a pour objectif d’améliorer l’efficacité du stockage et de l’analyse du code génétique humain. Les effets concrets de ces travaux ouvrent des perspectives très intéressantes, pour le grand public, notamment en ces temps de pandémie. Il prépare une thèse de doctorat sur le sujet, codirigée par deux professeurs de l’UNIL et un de la HEIG-VD.

«Si quelque chose dans l’ADN montre qu’on réagit mieux à un vaccin qu’à un autre, par exemple, on pourrait très bien décider d’en privilégier un pour telle partie de la population, ou pour un individu en particulier», explique le doctorant. Mais, bien sûr, pour que ces analyses soient efficaces, il faut pouvoir examiner le plus de données possible. Or, rassembler des données coûte cher, le stockage est gigantesque et il faut donc réfléchir à des moyens d’aller beaucoup plus vite à grande échelle. C’est là qu’intervient précisément Rick. Il travaille actuellement sur une solution logicielle pour améliorer la compression des données. Il se concentrera ensuite sur l’accélération de ce traitement grâce à du matériel informatique dédié permettant de gagner en performances tout en consommant moins d’énergie. Car l’analyse de l’ADN peut sauver des vies, ou en tout cas les prolonger.

«La vie est une énorme probabilité. Grâce à l’analyse du génome, on peut mieux estimer les risques de développer diverses maladies.Et évidemment, on peut séquencer la population et tendre vers une médecine personnalisée», explique le professeur.

Bien sûr, la question de l’éthique est au centre des débats, y compris au sein de la recherche. «On se pose ces questions sans arrêt. Est-ce qu’on veut vraiment tout savoir? Et est-ce qu’on doit vraiment tout savoir? Quel mauvais usage pourrait faire un gouvernement, par exemple, de données aussi importantes? Parce qu’au fond, ce code génétique, il est plus important que votre compte en banque… Si on connait votre ADN, on en sait plus sur vous mais aussi sur tous vos proches. Si les assurances-maladie savent, par exemple, quels sont les risques que telle ou telle personne développe un cancer, ou que les risques liés à l’obésité sont plus prononcés chez une autre, on met à mal bien des fondements de notre société», explique Rick, en révélant que des personnes se sont rendu compte, grâce aux analyses ADN, qu’elles avaient vingt ou trente frères et sœurs!

Il n’en reste pas moins que l’étude de l’ADN est un formidable progrès, qui ne demande qu’à se démocratiser. «C’est déjà bien le cas, puisque vous pouvez avoir votre propre séquençage ADN pour quelques centaines de francs. Il faut bien se rendre compte que le Human Genome Project, en 2003, avait coûté cinq milliards de dollars! Le souci actuel, c’est vraiment l’analyse et la compression des données puisqu’un séquençage du génome humain pèse environ 300 giga-octets», précise Rick. Yann Thoma rappelle que l’univers de l’ADN est infini: «En science, il y a ce que l’on sait. Il y a ce que l’on sait qu’on ne sait pas. Et il y a ce qu’on ne sait pas qu’on ne sait pas.»

Trois phrases plus que jamais d’actualité en cette période de Covid.

 

Rédaction