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Le Castrum s’enracine dans une ville en mutation

29 mai 2019
Edition N°2508

Yverdon-les-Bains – Le festival pluridisciplinaire né en 1979 renoue avec le théâtre de rue et joue avec les contours de la cité qui l’a vu naître, il y a quarante ans.

Les Yverdonnois seront les stars du Castrum, cet été, mais ils ne le savent pas encore. Ceux qui ont transité par la place Pestalozzi, les 15 et 16 avril dernier, ont en effet été immortalisés, à leur insu, par Pierre-Philippe Hofmann et Mathias Domahidy. Planqués derrière une fenêtre de l’Hôtel de Ville, les deux artistes ont filmé, durant deux jours, tout ce qui se passait au cœur de la Cité thermale. Ces acteurs qui s’ignorent encore auront la surprise de découvrir leur bobine à l’écran dans un container maritime qui fera office de salle de cinéma, lors du festival pluridisciplinaire agendé du 15 au 18 août. Leurs faits et gestes seront réhaussés des commentaires drôles et décalés de Pierre-Philippe Hofmann et Mathias Domahidy, qui ont déjà sévi sur la Riviera lors du festival Images Vevey.

«Le Castrum doit être un festival d’Yverdonnois, pour les Yverdonnois», insiste Damien Frei, directeur et programmateur de l’évènement qui célèbre, cette année, sa 20e édition et ses 40 ans d’existence. Pour l’occasion, les organisateurs ont laissé une large place au théâtre de rue, avec plusieurs spectacles de cirque contemporain prévus sur la place Pestalozzi. Un retour aux sources, en somme, puisque «le théâtre de rue est indissociable de l’image du Castrum à ses débuts», rappelle Damien Frei. De quoi permettre à la manifestation de s’imbriquer encore davantage dans la cité qui l’a vue naître, puisque les artistes viendront titiller le public directement sur leurs lieux de vie.

Parce qu’une ville est une matière vivante, en constante mutation, l’équipe du Castrum a choisi de composer avec les contours, actuels et futurs, de la Cité thermale. Le chantier de la salle de gymnastique Pestalozzi se muera ainsi en salle de concert à ciel ouvert pour Alain Roche. Dans le cadre du projet Piano vertical «chantier», l’artiste fera ses gammes suspendu, avec son instrument, au bout d’une grue. Les amateurs de musique devront toutefois mettre leur réveil pour écouter l’artiste, puisqu’il se produira à 5h15 du matin. «L’idée, c’est de mêler l’univers classique d’Alain Roche au côté brut et désordonné d’un chantier», note Damien Frei, le tout à l’heure bleue, ce moment particulier où la nuit bascule pour laisser place au jour.

Jusqu’au stade municipal

Le stade municipal, également voué à être transformé, accueillera quant à lui le spectacle Courir, de Thierry Romanens et Format A’3. Dans cette performance sportive, musicale et poétique organisée en collaboration avec le Service des sports de la Ville, les artistes narreront l’histoire du célèbre coureur de fond tchécoslovaque Emil Zátopek. «On profite de créer des souvenirs collectifs dans les lieux, tels qu’ils sont aujourd’hui», souligne le directeur du Castrum. Si bien que, pour la soirée d’ouverture, les organisateurs ont également choisi d’investir la cour de l’avenue des Sports 5, aux portes de L’Amalgame, là où la Ville projette un complexe sportivo-culturel. La colonie de vacances y prendra ses quartiers, pour une prestation qui s’annonce d’ores et déjà déjantée. La colonie de vacances, ce sont quatre groupes de rock français qui proposent un concert quadriphonique avec quatre scènes, quatre sonos, et le public au milieu. «Musicalement, ça peut ne pas forcément plaire à tout le monde, relève Damien Frei. Mais en matière d’expérience, c’est assez fou. On ne sait plus où donner de la tête puisque de la musique arrive de tous les côtés.» Du côté de L’Amalgame toujours, Mike Barclay fera la démonstration de ses ingénieuses boîtes à musique contemporaines. Installé à Arnex-sur-Orbe, ce musicien et mécanicien de précision, titulaire d’un brevet d’ingénieur du son, les a créées de toutes pièces, et les contrôle à l’aide d’un ordinateur, dont il a imaginé tout le système d’exploitation. «Musicalement, c’est très intéressant, assure Damien Frei. C’est de l’electro avec beaucoup d’harmonies et de sons organiques.» L’occasion sera d’autant plus belle d’entendre l’artiste – un second concert est prévu à l’Aula Magna – qu’il n’a donné, à ce jour, qu’un seul et unique concert dans sa vie. «J’avais vraiment envie de mettre en lumière son travail et que les gens puissent s’approcher de lui et de ses machines pour voir comment cela fonctionne», note le programmateur.

Artistes du cru

Ceux qui auraient des envies moins remuantes pourront toujours partir à la découverte des lieux phares de la ville avec le Collectif Ajar, qui proposera des balades cyclo-littéraires sur les traces du mystérieux Charles Benoît, le libraire disparu de la Bibliothèque publique et scolaire. Pour le reste, les activités se concentreront essentiellement au château et à ses abords, notamment sur une scène fixe qui sera installée sur l’esplanade du château. Et la programmation fera une large place aux artistes locaux. L’Yverdonnois qui essaime au plan international, Marc Oosterhoff, présentera notamment sa nouvelle création, qui oscille entre théâtre, danse et cirque, à l’Aula Magna, en collaboration avec L’Échandole. Quant à Étienne Krähenbühl, il investira le Centre d’art contemporain d’Yverdon-les-Bains avec son projet Plastiques, composé de 730 gravures réalisées à partir de déchets plastique récoltés durant une année. Un peu plus loin, du côté du Théâtre Benno Besson, le spectacle Contrevent[s], qui sera joué pour la première fois par la Compagnie IF dans le cadre du Castrum, réinterprétera le roman de science-fiction La Horde du Contrevent, devenu culte.

Bien d’autres découvertes artistiques seront au rendez-vous de cette 20e édition du festival pluridisciplinaire. C’est que l’équipe du Castrum ne manque ni d’imagination, ni d’ambition pour permettre aux Yverdonnois de vivre leur ville autrement, l’espace de quatre jours.