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«Le centre EVAM fait partie du village»

1 octobre 2018 | Edition N°2342

Le foyer de requérants fête ses 20 ans cette année. Vendredi, des résidents ont accepté d’ouvrir leur porte et leur cœur à la population, pour témoigner de leur vie et de leur attachement à la commune.

Elle s’appelle Bersabeh, accepte de dévoiler son visage mais préfère taire son nom de famille. En fuyant son Ethiopie natale, en 2016, elle a tout laissé derrière elle. Sauf sa petite Jael, dont elle ignorait encore l’existence lorsqu’elle a entrepris son voyage. Bersabeh n’a découvert sa grossesse qu’à son arrivée en Suisse. Après un passage d’un mois par le Centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe, cette maman de 29 ans est venue s’installer au foyer de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) de Sainte-Croix.

Vendredi, Bersabeh a accepté de dévoiler son intérieur à l’occasion des 20 ans du centre. Pour marquer cet anniversaire, l’EVAM avait en effet décidé d’en ouvrir les portes à la population. Un grand lit, un second pour Jael, une armoire, un frigo, un bureau, une chaise, quelques jouets: la petite chambre de Bersabeh est équipée du strict nécessaire. «Ici, c’est ma maison, témoigne-t-elle. Mais parfois, quand des gens viennent, ils se demandent comment je peux vivre dans cette petite pièce avec ma fille. Je vois leurs regards étonnés et je réalise que j’ai peut-être droit à autre chose et de rêver.»

Comme les autres résidents, Bersabeh utilise la cuisine et les sanitaires communs. Si elle souhaiterait parfois davantage d’intimité, elle a trouvé là un refuge: «Je me sens protégée», assure-t-elle. C’est d’ailleurs le sentiment de la Sainte-Crix Nicole Jacot-Guillarmod, de passage vendredi à l’occasion des portes ouvertes: «Ils doivent se sentir en sécurité ici. Et ils sont en famille, ils ne sont pas séparés.»

Vie en communauté

Dans les couloirs, des rires témoignent de la présence d’enfants. Ce centre, c’est leur demeure, même s’ils ne sont pas appelés à y rester. Vie en communauté oblige, ici, on crée des liens, on célèbre les fêtes
ensemble, on se soutient, on se rend service et on passe allégrement d’une chambre à une autre pour se rendre visite.

© Carole Alkabes

© Carole Alkabes

Dans la pièce adjacente à celle de Bersabeh, Roman, 28 ans, et son épouse Tatia, 22 ans, affichent un grand sourire au moment d’accueillir leurs visiteurs d’un jour. Le ventre rond de la jeune femme annonce de la naissance imminente de leur premier enfant. «Ici, on est bien», témoigne le futur papa, arrivé en Suisse au début de l’année après avoir fui la Géorgie. Tandis qu’il raconte avoir été barman, employé de station-service et menuisier dans son pays, il est fier d’annoncer qu’il a œuvré durant quatre mois, cet été, à la piscine locale, dans le cadre de travaux d’utilité publique.

Intégration réussie

La particularité de ce foyer, ce sont ses liens directs et ténus avec le reste de Sainte-Croix. «On est à l’intérieur de la localité, souligne l’assistante sociale Laurence Deruisseau. On fait partie du village. Et je pense que la Commune fait un travail d’intégration important.»

Depuis le départ, en 1998, tout a été fait pour que les rapports entre les habitants et les requérants se passent le mieux possible. Des bénévoles ont créé un café-contact, le Vestiaire – qui s’occupe de réceptionner ou d’acquérir des objets et des vêtements cédés à bas prix aux résidents –, un système de parrainage pour aider les parents des enfants scolarisés et des cours de français. L’Exécutif, quant à lui, a mis en place des tables rondes qui réunissent régulièrement tous les acteurs concernés par le centre.

«L’un des facteurs de réussite, c’est que la Municipalité a pris ses responsabilités», assure Paul Schneider, qui a présidé l’association des bénévoles de 2006 à 2016. Selon lui, ces discussions régulières permettent de prévenir les situations compliquées. «Et le fait que tout le monde sache ce qui se passe, ça évite de créer des problèmes imaginaires», complète le municipal Cédric Roten.

Le foyer et ses hôtes font intimement partie de la vie du village. Vendredi soir, lors de la partie officielle, une petite Congolaise de 7 ans a d’ailleurs souligné, en se présentant devant l’assistance, toute la force de cette intégration réussie: «Bonjour, je m’appelle Naomie et je viens de Sainte-Croix.»

 

Près de 5000 hôtes

Le centre EVAM de Sainte-Croix est le troisième à avoir ouvert ses portes dans le canton, après ceux de Crissier et de Bex. En vingt ans, il a accueilli 4979 personnes. Des hommes ou des femmes seuls, mais également des familles en attente de savoir de quoi sera fait leur avenir. D’une capacité totale de 120 personnes, il héberge actuellement 100 résidents. Quant au groupe de bénévoles qui les encadre, il réunit une trentaine de membres.

Caroline Gebhard