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Le Cercle d’Yverdon, des Lumières au présent
Arrivée d’un nouveau membre? Assemblée communale? L’auteur de cette peinture qui orne aujourd’hui les murs du salon du Cercle d’Yverdon? Des mystères qui seront peut-être résolus dans le prochain livre historique dédié à l’institution.

Le Cercle d’Yverdon, des Lumières au présent

23 février 2023

Le Cercle d’Yverdon fête cette année ses 250 ans, avec notamment la publication d’un livre retraçant son histoire. Plongée dans une institution plus ouverte qu’il n’y paraît.

Le XVIIIe siècle est une période d’effervescence intellectuelle et institutionnelle, y compris dans le Nord vaudois, ne serait-ce que parce qu’il s’agit de la période où vit Johann Heinrich Pestalozzi et où s’écrivent les grandes encyclopédies. C’est également durant ce siècle qu’apparaît, le 2 février 1773, Le Grand Cercle d’Yverdon, témoin et acteur d’une époque où la pensée et la parole – des hommes surtout – se libèrent.

Aujourd’hui, l’institution, qui s’appelle désormais simplement Cercle d’Yverdon, continue à accueillir ses membres. Une longévité exceptionnelle, qui conduit à un jubilé qui sera célébré dignement tout au long de l’année lors de diverses manifestations. «Nous tenons à marquer ces 250 ans, affirme Rémy Jaquier, président. Nous sommes une des plus anciennes institutions d’Yverdon, et même de Suisse.»

Intrinsèquement lié à l’histoire de la Ville, le Cercle d’Yverdon y trouve ses quartiers en 1777, à la rue du Lac 10, dans le bâtiment rebâti par l’architecte Beat de Hennezel, connu également pour avoir reconstruit l’Hôtel de Ville en 1764. L’institution n’a ensuite plus quitté cette adresse jusqu’à aujourd’hui.

Mais pourquoi, et à qui se destine le Cercle d’Yverdon? Le premier article de ses statuts apporte une réponse: «Le Cercle d’Yverdon a pour but de réunir des citoyens de la localité et des environs afin de leur fournir l’occasion de se voir, de se connaître et de s’apprécier, tout en leur procurant le plus d’agrément possible.»

Des statuts au final clairs, mais non contraignants. Il y est notamment stipulé que le Cercle ne peut se mêler d’affaires politiques, commerciales ou religieuses. «La convivialité et l’amitié sont des valeurs importantes auxquelles les membres sont très attachés. Il n’y a pas de contrainte de présence, même s’il est attendu que chacun participe un minimum», précise le président. «On peut presque considérer nos réunions comme un rendez-vous entre amis», glisse un des membres.

Aujourd’hui, le Cercle réunit 147 membres, dont 37 membres honoraires, statut obtenu après 35 années de sociétariat. «Nous accueillons des gens provenant principalement de la région, avec une bonne diversité en terme d’âges ou de professions, même si nous avons ce soucis constant de rajeunir notre institution. Au final, ce réseau confère un certain confort lorsqu’il s’agit de trouver des conférenciers pour animer nos séances», ajoute Rémy Jaquier.

Si, dans le temps, les membres se retrouvaient pour jouer au billard, lire la presse et discuter, les sociétaires actuels se voient encore afin de passer un moment convivial. «Chaque année nous organisons des repas, plusieurs conférences pour apporter un élément culturel, et au moins une sortie pour aller observer une curiosité de la région. Pour les repas, nous nous soumettons aux traditions vaudoises, avoue en riant l’homme qui est à la tête du Cercle d’Yverdon. Nous mangeons la fondue à Noël ou la chasse en septembre.»

L’institution se veut également ouverte aux nouveaux arrivants. Les volontaires doivent être parrainés par deux membres, et leur intégration doit ensuite être approuvée par l’assemblée générale, l’autorité suprême du Cercle, à la majorité des trois-quarts des membres présents. Les adhérents précisent toutefois qu’il est rare qu’une candidature soit refusée.
Un livre, un repas et un rallye

Plusieurs manifestations seront organisées afin de fêter dignement les 250 ans du Cercle d’Yverdon. Outre la possibilité de commander un ouvrage historique (lire encadré), un repas de gala décoré aux couleurs du XVIIIe siècle, afin de rappeler la naissance de l’institution, est projeté en juin. Enfin, un rallye sera organisé en septembre. De quoi passer, pour les membres, un moment familial et convivial alors qu’ils parcourront la région pas monts et par vaux.

Le livre, rédigé par l’historienne Rossella Baldi, permettra notamment d’enrichir et de documenter l’histoire d’Yverdon. Une histoire toutefois majoritairement masculine: seuls les hommes sont autorisés à rejoindre le Cercle. «C’est quelque chose à laquelle nous pensons parfois, glisse un des membres, mais il n’y a jamais eu de polémique, donc la formule doit plaire. Et les membres sont tout à fait autorisés à venir aux repas avec leur famille. Cela n’a jamais causé de problème.»

L’institution est donc ancrée dans sa ville et dans son temps, et sa longévité assure son train d’anecdotes. Ainsi, au XVIIIe siècle, les membre du Cercle d’Yverdon aperçoivent Napoléon 1er, alors de passage dans la ville. Ou, dans la deuxième partie du XXe siècle, ils se réunissent en nombre dans le petit salon du Cercle, un des rares endroits dotés d’une télévision à l’époque.

 

Un quart de millénaire couché sur le papier

 

Experte du XVIIIe siècle, co-auteure d’un livre sur le Musée d’Yverdon et région, et directrice d’un ouvrage sur le pasteur Elie Bertrand (1713-1797) qui a notamment été membre du Cercle, Rossella Baldi, de l’Université de Neuchâtel, a immédiatement séduit le Cercle d’Yverdon lorsque la décision de coucher par écrit les 250 ans d’existence de l’institution a été prise. Une tâche imposante qui réjouit l’historienne: «Ce rapprochement avec le Cercle d’Yverdon s’inscrit logiquement dans la suite de mes précédents travaux. Et c’est quelque chose que je trouve bien, qu’une femme soit amenée à travailler sur un cercle, alors que ceux-ci sont avant tout des lieux masculins. Ça montre l’ouverture d’esprit de ces endroits qui héritent d’une longue histoire mais qui parviennent à vivre avec leur époque.»

Ouvrage scientifique, la publication se voudra aussi grand public et sera publiée chez Infolio à la fin de l’année 2023.

«Le livre va mettre l’accent sur les XVIIIe et XIXe siècles, ajoute Rossella Baldi. Nous avons aussi convenu que l’ouvrage ne parlera pas que du Cercle d’Yverdon. Il est important, selon moi, de montrer que ces cercles foisonnent à Yverdon à cette époque, avec par exemple celui très important des prolétaires. Ce livre parlera de l’histoire de la ville, de l’histoire des loisirs ou encore de l’histoire de la lecture, car on a des sources montrant que ces gens qui se réunissent dans ces endroits le font avant tout pour passer un bon moment ou lire la presse.»

L’historienne promet une publication richement illustrée, ouverte à tous, notamment les curieux intéressés par l’histoire d’Yverdon, dont le dernier cercle existant demeure un témoin des siècles derniers.

Robin Badoux