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Le copain de Sara a avoué le meurtre
Yverdon, 7 janvier 2020. Bord le lac, affaire Sara M. © Michel Duperrex

Le copain de Sara a avoué le meurtre

9 janvier 2020
Edition N°2658

Drame – L’ami de la jeune Baulmérane a reconnu l’avoir tuée le 27 décembre, jour de sa disparition. Le mobile n’a pas encore pu être déterminé.

Le peu de doute qui planait sur l’identité du meurtrier de Sara M. est dissipé. Celui que la Police cantonale soupçonnait «fortement» d’être en lien avec l’homicide de l’écolière de 17 ans est passé aux aveux, mardi. C’est un communiqué officiel qui a révélé cette information, hier. L’individu, un jeune homme de 19 ans originaire d’Afghanistan qui entretenait une relation relativement floue avec Sara, avait été placé en détention provisoire le dimanche 5 janvier au matin. Il a finalement reconnu être l’auteur du meurtre, «au terme d’une audition de plusieurs heures», comme le précisent les forces de l’ordre.

Un tragique 27 décembre

On en sait donc un peu plus sur cette tragique journée du 27 décembre, date à laquelle la jeune fille, elle aussi d’origine afghane, avait disparu. Des proches de la famille de la victime nous avaient annoncé lundi, avant la découverte du corps, que Sara avait quitté son domicile à Baulmes avec ses deux sœurs et une de leurs amies, afin de se rendre au Jumpark d’Yverdon-les-Bains. En réalité, elle y aurait retrouvé le jeune adulte, avec lequel un rendez-vous était prévu. Une fois confronté aux éléments de l’enquête, ce dernier a annoncé à la Police avoir rencontré la Baulmérane aux alentours de 13h30. «Une fois arrivé au bord du lac par le ruisseau du Bey, il a expliqué l’avoir tuée puis caché le corps dans une zone marécageuse», indique le communiqué des forces de l’ordre. Selon plusieurs sources que nous avons entendues cette semaine, ce sont les fluctuations dans les versions du Lausannois qui auraient permis aux enquêteurs de resserrer l’étau autour de lui. Le jeune Afghan aurait d’abord menti aux policiers, niant une quelconque rencontre avec la jeune fille le 27 décembre, avant de revenir sur ses déclarations et d’avouer le rendez-vous qui avait mené les deux jeunes jusqu’aux abords du quartier des Foulques Grèbes, à l’extrémité d’Yverdon-les-Bains.

C’est à cet endroit, plusieurs mètres à l’intérieur d’un marécage, qu’un garde-faune aurait retrouvé le corps (lire La Région du 8 janvier). De nombreuses recherches, y compris au moyen d’un hélicoptère, s’étaient déroulées dans le secteur depuis la disparition de Sara. La dépouille de la jeune fille avait finalement été identifiée lundi 6 janvier.

Si le jeune Afghan a reconnu le meurtre de Sara, le mobile demeure pour l’instant inconnu. Ces derniers jours, une amie de Sara avait relevé dans la presse que les deux jeunes entretenaient une relation «intermittente» et mentionnait le meurtrier comme l’«ex» de la Baulmérane. La Police, pour sa part, qualifie l’homme d’«ami» de la victime. «Les investigations se poursuivent afin d’établir ses motivations et les circonstances de son acte», notent les forces de l’ordre.

«Pas de conflit d’ethnie en Suisse»

Une source citée hier par 20 minutes, estimait que les origines du jeune homme auraient pu être un motif de tension. Le meurtrier appartiendrait «à une ethnie jugée inférieure en Afghanistan», écrivait le quotidien. Pourtant, si ces tensions existent au pays, elle ne suivent pas ses ressortissants lorsqu’ils se réfugient en Suisse. C’est du moins ce qu’affirme Abdul Ghany Jalaly, responsable de l’association des Afghans en Suisse romande. «Lui fait partie des Hazaras, alors que Sara était Pachtoune. Mais une fois ici, on est tous Afghans et c’est tout. Tout ce qu’on souhaite c’est de bien pouvoir s’intégrer dans ce pays qui nous accueille». Si Abdul Ghany Jalaly est si bien informé, c’est qu’il a rencontré la mère de la victime alors que la famille était suivie par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). «Nous étions à une soirée préparée par l’EVAM à Sainte-Croix, se souvient-il. Nous avons un peu discuté, mais il n’y avait pas Sara, juste son frère.»

Un modèle d’intégration

Les témoignages recueillis depuis le début de la semaine convergent pour présenter la famille de la victime comme un modèle d’intégration. Ayant fui l’Afghanistan au plus fort de la crise migratoire, la mère, le grand frère et les deux petites sœurs de Sara sont arrivés à Sainte-Croix en juin 2015. «Ils sont restés jusqu’en octobre, confie un collaborateur de l’EVAM. C’était une famille super.» La famille déménage alors direction Baulmes et obtient son statut de réfugié en septembre 2016. Dans leur village d’adoption la famille fraîchement arrivée s’assimile rapidement au reste de la population. «Ils sont très travailleurs et extrêmement respectueux, nous indiquait un habitant du quartier, lundi. Avant de commencer à travailler, la maman faisait même partie des Paysannes vaudoises!» Sara effectuait sa dernière année d’école obligatoire à Sainte-Croix. Une cellule de crise a été installée au sein de l’établissement.

À l’heure où nous rédigeons ces lignes, aucune manifestation en lien avec la mort de Sara n’a été annoncée. Le syndic de Baulmes, Julien Cuérel, a fait savoir que la Commune s’est mise à disposition de la famille.


L’édito: Face à la tragédie, la pudeur s’impose

Par Raphaël Pomey, rédacteur en chef

La plus belle des phrases ou le plus délicat des textes paraissent bien vains face à l’homicide d’une jeune fille de 17 ans. Lorsqu’une vie d’écolière est volée à tout jamais, comment un article de presse pourrait-il faire plus de bien que de mal? Comment un journal pourrait-il permettre aux proches de la victime de livrer leur émotion, leur colère, sans les accabler davantage? Quelle est la limite, enfin, entre la recherche de la vérité et l’acharnement médiatique?

Ces questions sont au cœur du traitement du fait divers, qui constitue une dimension parfois mal-aimée, souvent mal comprise, du journalisme. Dans un journal régional, elles revêtent une sensibilité toute particulière. Bien sûr, il nous faut réaliser notre travail, avec ses aspects plus ou moins agréables. Mais lorsqu’une telle affaire éclate, il n’est plus question de simplement faire du « bon » journalisme. D’autres impératifs, notamment sur le plan humain, apparaissent. Il apparraissent parce que certains membres de l’équipe ne sont finalement pas beaucoup plus âgées que la défuntes, parce que d’autres ont des enfants et tout bêtement parce que l’humanité est la valeur suprême pour tout individu qui se respecte.

Des larmes, il y en a déjà bien assez, et notre journal n’a pas vocation à en rajouter. Conscients qu’une terrible nouvelle risquait d’être annoncée sous peu à la famille de la victime, nous avons d’ailleurs décidé dès lundi soir de ne plus diffuser le portrait, ni intact ni flouté, de la jeune Sara. De même, nous veillons scrupuleusement à ne pas diffuser les rumeurs entourant l’homicide, notamment au sujet de la nature de la relation entre la victime et son auteur.

Il y a un temps pour tout. Les polémiques viendront, tout comme le moment de la justice. Mais actuellement, deux termes s’imposent: ceux de solidarité et de pudeur. Faire preuve de délicatesse dans le traitement d’une telle actualité, ce n’est pas une manière de nous protéger: c’est notre façon de nous associer à la douleur d’une famille, d’un village, et d’une région. Une région, endeuillée, tétanisée, mais dont nous espérons qu’elle se mobilisera pour soutenir une famille dans l’épreuve.

Ces quelques lignes sont de peu de poids et n’apaiseront pas beaucoup les personnes endeuillées. Comment le pourraient-elles? Qu’elles soient au moins l’expression de notre sympathie et de notre compassion.