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Le milieu horloger ne tourne pas rond

30 septembre 2016 | Edition N°1839

Nord vaudois – Un sous-traitant yverdonnois vient de faire les frais de la mauvaise conjoncture. Eux aussi boudés par les grands groupes, les autres acteurs misent sur la diversification pour s’en sortir.

SwissO’clock, qui a cessé dernièrement son activité, a subi de plein fouet les effets de la crise importante à laquelle doit faire face l’ensemble de l’industrie horlogère. ©Michel Duperrex

SwissO’clock, qui a cessé dernièrement son activité, a subi de plein fouet les effets de la crise importante à laquelle doit faire face l’ensemble de l’industrie horlogère.

L’industrie horlogère traverse, depuis la fin de l’année dernière, une grave crise dont une nouvelle victime est à déplorer dans la Cité thermale. L’entreprise SwissO’clock, basée sur le site des anciennes usines Leclanché a, en effet, cessé son activité à la fin du mois dernier. «Il valait mieux procéder à la liquidation quand nous pouvions encore payer les créanciers et les salariés», explique Oscar Hernan, qui a repris, avec Xavier Perrenoud, les rênes de cette société en 2008. La mauvaise marche des affaires avait entraîné, ces deux dernières années, une diminution de l’effectif, si bien que cette structure d’une douzaine de personnes ne comptait plus que quelques salariés au moment de sa disparition. «A ma connaissance, un des trois collaborateurs a déjà retrouvé un travail», indique Oscar Hernan. Actif dans d’autres domaines -il a notamment fondé Synergie groupe-, ce dernier avait accepté de participer au redressement de SwissO’clock en raison de son «esprit d’entrepreneur». «J’officiais comme consultant en matière de gestion et de finance», commente l’ancien président du Conseil d’administration de l’entreprise spécialisée dans le développement, la fabrication et la décoration horlogère, ainsi que l’impression 3D.

Fonctionnement au ralenti

Le dirigeant d’une autre entreprise régionale dépeint la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les grandes marques aux exportations en berne. «D’après ce que j’ai pu entendre, un groupe aurait autorisé les jeux de société à ses collaborateurs pour les occuper», indique-t-il. Selon lui, plusieurs facteurs expliquent l’activité au ralenti des manufactures. La chute de la valeur du rouble -on peut l’associer au franc fort- a dissuadé les acheteurs russes et les taxes douanières chinoises freinent les importations de montres chez ce partenaire asiatique phare. Les invendus submergent, par conséquent, les détaillants, qui auraient accumulé deux ans de stock.

Des savoir-faire à cumuler

Sans demande internationale, les carnets de commande des grandes marques ne se remplissent pas, au grand dam des sous-traitants, pour lesquels le salut passe souvent par la diversification.

«Ceux qui ne font, par exemple, que de l’ébauche, du vernissage ou de l’anglage ne s’en sortent pas. Des amis sont au chômage depuis dix mois. Il faut cumuler, au minimum, quatre ou cinq métiers du domaine horloger », relève ce même entrepreneur témoignant sous le couvert de l’anonymat. «Je travaille au développement de nouveaux secteurs d’activité. Je viens d’ailleurs de racheter un sous-traitant dans la région. Nous étudions aussi les possibilités d’implantation dans d’autres pays», ajoute-t-il.

Gigatec S.A. S’est ouvert à l’industrie horlogère en 2011. Son directeur d’exploitation Claude- Alain Nessi précise que, pour l’instant, «la demande est assez stable», pour ce secteur qui représente entre 15 et 20% de son chiffre d’affaires. «Mais nous occupons un marché de niche, pas forcément représentatif. Notre présence dans divers domaines liés à l’électronique nous permet, au demeurant, de répartir les risques.»

Jean–Luc Guignard, de G.D.H.G S.à.r.l., a trouvé, quant à lui, son salut dans la transmission de compétences. «Un grand groupe a lancé un nouveau mouvement pour une marque qu’il a racheté. Il avait besoin d’angleurs. Je les forme et procède également à l’anglage des pièces destinées aux montres», indique cet acteur de la décoration haut de gamme basé à Orbe, soulagé d’avoir pu bénéficier de cette opportunité.

«Tout l’arc jurassien est concerné»

La disparition de SwissO’clock inquiète Jean-Marc Buchillier, à plus forte raison que d’autres entreprises qui composent le tissu de sous-traitants régional seraient en proie à de grandes difficultés.

Le directeur de l’Association pour le développement du Nord vaudois précise que l’ensemble de l’industrie horlogère traverse des difficultés. «Tout l’arc jurassien est concerné. Certaines marques rapatrient des activités de sous-traitance dans leurs manufactures. Les commandes stagnent et on ne perçoit pas de signal favorable », déplore-t-il.

Jean-Marc Buchillier ajoute que le Fonds cantonal de soutien à l’industrie, doté d’une enveloppe de 17,5 millions de francs et opérationnel depuis le 1er février dernier, a «largement été sollicité».

Ludovic Pillonel